Fabien Maréchal, né en 1972, est journaliste et collabore au magazine National Geographic France. Dernier avis avant démolition qui vient de paraître, est le deuxième recueil de l’auteur, après Nouvelles à ne pas y croire, publié en 2012.
Ce qu’on remarque immédiatement en lisant ce mince ouvrage regroupant cinq textes, c’est son écriture très soignée et délicate qui m’a d’autant plus surpris que si je n’avais pas su que l’auteur était né en 1972, je l’aurais pris pour un homme de ma génération, c'est-à-dire vingt ans de plus et voyez-y un compliment.
C’est particulièrement frappant, dans « Démolition », la nouvelle qui ouvre le recueil et qui s’avère de loin la meilleure aussi. Un ouvrier du bâtiment, retraité, veuf et fâché avec sa fille, s’est retranché secrètement au fond de son appartement situé au seizième et dernier étage d’une tour, à la construction de laquelle il participa jadis, mais qu’aujourd’hui on va démolir. De sa fenêtre il observe le cordon de sécurité, la police et la mise à feu proche des explosifs, tout en se remémorant sa vie d’ouvrier communiste (« Comme je suis lorrain par ma mère, mon chef de chantier me surnommait « Choucroutchev » »). Tout est finement décrit avec beaucoup de pudeur et d’émotion mais aussi d’humour (« Et puis Franco était mort peu après l’élection de Giscard – je ne crois pas qu’il y ait de rapport. »), les années 50, la vie des petites gens, le Parti, l’espoir d’un monde meilleur, avant de s’achever sur une note très poétique.
Suivent, « La Cérémonie » où un homme accompagne son amie au mariage de la sœur de celle-ci et réalise que leurs deux couples sont mal assortis ; « Le Monographe », un photographe de presse se retire du monde pour prendre des clichés des arbres et des feuillages où il discerne des personnages imaginaires, le texte hélas, est trop long pour être vraiment réussi ; « Le Grand départ » lui est très court et s’apparente à une sorte de science-fiction dans sa chute – pas très compréhensible au demeurant. Le recueil se clôt sur « La Guerre froide » et nous ramène indirectement vers le texte d’ouverture, son héros étant un syndicaliste coincé entre la grève qu’il vient de lancer et sa famille qu’il n’a plus le temps de voir.
Avec ces deux bornes, ouverture et fermeture, l’écrivain se montre à son meilleur, deux récits avec un fond social, des gens simples joliment esquissés, une nostalgie d’un passé révolu et beaucoup d’amour pour ses personnages. A noter que toutes ces nouvelles sont ponctuées de petites phrases ou citations bien trouvées qu’on se plait à souligner au fil de la lecture, comme : « C’est terrible de vivre seul là où on a été trois (quatre en comptant l’Avenir). On ne sait plus si on habite avec des spectres ou si on en est devenu un soi-même. »
Enfin, une fois n’est pas coutume, je féliciterai l’éditeur pour la qualité de ce petit livre au format de poche très agréable à compulser et à lire.