La vie et la mort. Ou plutôt, la mort et la vie. Sujets éternels, indissociables qui sont au coeur de notre livre du jour. Un roman, oui, même si on peut trouver pas mal de ressemblances entre le narrateur et l'auteur... Un roman qui nous plonge dans une période difficile, lorsque le cafard grignote et que de sombres pensées gagnent du terrain dans l'esprit d'une personne. La mort est omniprésente dans ce livre, mais la vie aussi, même si elle est plus discrète. "L'arbre du pays Toroja", de Philippe Claudel, paru en fin d'année dernière aux éditions Stock, est un livre dans lequel l'auteur renoue avec certains de ses précédents livres, comme "Meuse l'oubli" ou "J'abandonne", plus ancrés dans le réel que ses livres les plus connus du grand public. Et nous emmène dans une réflexion sur l'existence dont nous devons bien accepter le caractère éphémère...
Le narrateur, scénariste et réalisateur de cinéma, approche de son cinquantième anniversaire lorsque, au retour d'un voyage en Indonésie, il découvre sur son répondeur un message d'Eugène, son meilleur et son seul ami, qui le sidère. L'homme, qui est aussi le producteur de plusieurs de ses films, lui apprend en effet qu'il souffre d'un cancer du poumon.
Lorsqu'ils en parlent ensemble de vive voix, il y a de la gêne, bien sûr, mais aussi de l'optimisme et un peu d'ironie. Eugène lui explique que la maladie a été diagnostiquée à temps et qu'il va soigner cela rapidement. Une idée crédible le temps d'une courte rémission. Un an après le message laissé au narrateur, Eugène meurt, emporté par cette maladie qui, une fois n'est pas coutume, n'aura pas été longue...
Cet événement tragique déclenche chez le narrateur une profonde remise en question et nombre d'interrogations existentielles. Soudain, il semble rattrapé par l'idée de la mort, de sa propre mort, aussi. Il ne l'ignore pourtant pas, ses souvenirs sont marqués par des disparitions dont il a été le témoin direct, mais leur impact n'avait pas été le même.
Le voilà qui cogite au point, en marge de toute activité professionnelle, de faire des démarches pour améliorer sa compréhension des choses. Des recherches aussi bien philosophiques que biologiques pour cerner ce qu'est ce phénomène inéluctable qui, sans devenir une obsession, s'est incrusté dans son cerveau.
Est-ce la rémanence de la tristesse inhérente à la mort de son ami ? Est-ce cette crainte nouvelle chez lui de devoir affronter cet adversaire invincible ? Impossible de se détacher de ces sensations. Et pourtant, paradoxalement, au fil des mois, l'existence du narrateur se gorge de vie, à travers de nouvelles rencontres et de nouveaux projets.
Commençons par le second : un scénario pour un film d'anticipation dans lequel il est justement fortement question d'éternité, à travers un robot à charger de compiler la mémoire la plus vaste possible de nos connaissances. Et puis, côté vie privée, une rencontre avec la ravissante Elena, presque deux fois plus jeune que lui...
Il n'y a pas ici de lutte entre ces deux concepts que sont la vie et la mort. Au contraire, il y a une forte complémentarité entre les deux. Alors que Eugène meurt à un âge où l'on devrait avoir encore de longues années devant soi et que le narrateur s'interroge au passage du cap de la cinquantaine, on croise des personnages qui incarnent alternativement vie et mort.
Du suicide d'un camarade de classe et de cet ami du narrateur, mort en montagne avant la trentaine aux figures tutélaires de Milan Kundera et de Michel Piccoli, octogénaires magnifiques, la palette est large : chacun se retrouve, une fois sorti du ventre de sa mère face à un destin qui pourra durer ou non. Qu'y faire ? Qu'on le pense écrit une fois pour toute ou qu'on en soit le maître d'oeuvre, on ne maîtrise finalement rien.
Mais, si la mort est centrale dans ce livre, c'est aussi en raison d'une autre collision qui la met en perspective : lors de son voyage en Indonésie, juste avant d'apprendre la nouvelle du cancer d'Eugène, le narrateur a été le témoin de traditions funéraires très particulières, qu'il aurait sans doute gardées en mémoire, même sans ce qui s'est produit par la suite.
Les Torajas sont une ethnie qui vit essentiellement sur une péninsule au sud de l'île de Sulawesi. Un peuple qui envisage la mort de façon très différentes des nôtres. Lorsqu'un Toraja meurt, ses funérailles peuvent durer très longtemps, plusieurs mois, parfois des années, le temps de rassembler l'ensemble de la famille du défunt. Le détail de ces rites ouvre le livre, c'est fascinant...
Mais, le plus marquant, ce sont les rites concernant les enfants morts en bas âge. Leur corps est confié à un arbre, on le dépose au creux du tronc, comme si on le confiait à la nature. Comme si l'enfant allait suivre la croissance de l'arbre et se rapprocher de ces cieux qui, dans la plupart des civilisations du monde, symbolisent cet hypothétique au-delà...
Une vie qui se poursuit après la mort. Pas une croyance, un dogme, comme peut l'être la vie après la mort pour un chrétien, mais une réalité, certes symbolique, à travers l'arbre et le développement de son ramage. Et surtout, la mort devient centrale dans la vie de chaque communauté, pas juste le temps d'obsèques, parfois vite expédiés, de recueillement au funérarium, le temps d'une crémation...
Il n'y a plus de croyance derrière nos rites, plus d'imagination, déplore le narrateur. Tout se fait automatiquement, mécaniquement, sans qu'on n'y mette plus aucune réflexion. Un vide sépulcral, tiens, et un simple panneau "The End", comme à la fin d'un film, lorsque la salle obscure se rallume et que la vie réelle reprend son cours.
La mort est une fiction, la mort est une abstraction. Lorsqu'on le peut, on l'efface. On fait des guerres sans mort, on cache les corps des victimes d'attentats, on ne montre surtout pas les personnes se jetant du World Trade Center un funeste matin de septembre... Ou, au contraire, on instrumentalise la mort, on en fait la propagande de la folie fondamentaliste en filmant des exécutions, donnant subitement une existence à la légende urbaine des snuff-movies...
Inconsciemment, sans passer par leurs pratiques précises et leur perception propre et fort originale de la mort, le narrateur semble inspiré par les Torajas dans la manière dont il gère la mort de son ami : bien sûr, il y a cette profonde tristesse, cette absence très violente, mais Eugène reste présent dans la vie du narrateur. Et cet ami disparu est presque le guide de la vie du narrateur.
Chaque geste, chaque pensée, chaque action, il les fait en pensant à Eugène, en songeant à comment il aurait réagi, à ce qu'il aurait dit, aux livres qu'il lui aurait conseillés, comme il en avait l'habitude. Il ne laisse pas partir son ami, il le garde près de lui, au point qu'on se demande lequel veille sur l'autre. Il maintient Eugène en vie le plus longtemps possible...
S'il y a lutte contre la mort, dans "l'arbre du pays Toroja", je pense qu'elle est là : non pas contre le phénomène biologique inexorable, mais contre son corollaire inacceptable à ceux qui restent, c'est-à-dire l'oubli. Le narrateur refuse l'oubli à son meilleur ami, de toutes ses forces, et tant pis si on a l'impression que ça agi sur lui comme une ancre, qui pourrait l'envoyer par le fond.
C'est un processus très solitaire que suit le narrateur dans cette voie. Sans doute est-il délicat à comprendre, dans notre culture. D'ailleurs, autour de lui, qu'il s'agisse des propres enfants d'Eugène ou des proches du narrateur, il n'est pas évident que cela soit bien perçu. Mais, pour lui, impossible de se séparer aussi vite de l'ami défunt.
Je crois, si je ne me trompe pas, qu'il y a un mot que je n'ai pas encore utilisé dans ce billet et c'est assez étrange, car ce mot c'est : le deuil. Et, plus encore, cette expression "faire son deuil", que j'emploie, je le concède, même si elle est très contestable. La mort, oui, elle est là, de fait, elle s'est imposée, mais elle n'a pas raison de la vie. Et d'ailleurs, celle-ci va progressivement reprendre le dessus.
On peut prolonger le parallèle entre le narrateur et les Torajas un peu plus loin encore, vous le découvrirez à la lecture de ce roman. Un parallèle qui est aussi la comparaison de deux façons radicalement différentes d'appréhender la mort et de la ritualiser. Avec, au coeur de tout cela, des interrogations que le récit réveillera immanquablement en chacun de nous.
Mais, il serait à mes yeux réducteurs de réduire le roman de Philippe Claudel à ce seul et unique point. A travers ses souvenirs et ses rencontres, le narrateur nous offre une galerie de personnages auxquels il associe d'autres images. Des images particulières, puisqu'elles sont presque systématiquement des lieux et des paysages.
Et réciproquement, le cinéaste, fasciné par l'image bien plus que par les mots (dualité qui concerne Philippe Claudel au premier chef), observe les personnes qu'il rencontre comme des "paysages corporels", travaillés par le temps, l'érosion, abîmés, maltraités, mais aussi embellis par ce vécu qui évite toute uniformisation d'un être à l'autre.
Ce paysage corporel raconte la vie mieux que n'importe quoi. D'un instantané à l'autre, on observe aisément les changements, les altérations mais aussi la noblesse d'un corps qui vieillit... Il y a là aussi dans ce livre de très belles lignes et pages sur ces questions du corps et du regard. Et cela aussi participe de l'ode à la vie qu'est ce livre.
Lorsqu'on se lance dans cette lecture, qu'on voit qu'il y sera beaucoup question de mort, on redoute quelque chose de plombant, si vous me passez l'expression. Mais, une fois les dernières pages tournées, et malgré un codicille qui vient nous replonger dans l'affliction première du narrateur, "l'arbre du pays Toraja" est un livre qui rend hommage à la vie avant tout.
Il n'y a pas de complaisance morbide, non, simplement une façon de gérer la disparition possible de ses proches et d'envisager sa propre existence en fonction de l'échéance qui nous attend tous. Ce qu'il restera de nous ? Peu importe, au final, mais d'autres humains, comme depuis la nuit des temps, prendront le relais, vivront à leur tour et ainsi de suite...
C'est ce mouvement perpétuel que célèbre ici Philippe Claudel, dans ce roman, c'est écrit sur la couverture, qui contient certainement beaucoup de lui. Ce n'est pas seulement un livre sur le passé et son illustration par des souvenirs, c'est aussi une ouverture vers l'avenir. Le sien et celui des autres, ceux à qui nous survivront et ceux qui nous mèneront au tombeau...
Le narrateur, scénariste et réalisateur de cinéma, approche de son cinquantième anniversaire lorsque, au retour d'un voyage en Indonésie, il découvre sur son répondeur un message d'Eugène, son meilleur et son seul ami, qui le sidère. L'homme, qui est aussi le producteur de plusieurs de ses films, lui apprend en effet qu'il souffre d'un cancer du poumon.
Lorsqu'ils en parlent ensemble de vive voix, il y a de la gêne, bien sûr, mais aussi de l'optimisme et un peu d'ironie. Eugène lui explique que la maladie a été diagnostiquée à temps et qu'il va soigner cela rapidement. Une idée crédible le temps d'une courte rémission. Un an après le message laissé au narrateur, Eugène meurt, emporté par cette maladie qui, une fois n'est pas coutume, n'aura pas été longue...
Cet événement tragique déclenche chez le narrateur une profonde remise en question et nombre d'interrogations existentielles. Soudain, il semble rattrapé par l'idée de la mort, de sa propre mort, aussi. Il ne l'ignore pourtant pas, ses souvenirs sont marqués par des disparitions dont il a été le témoin direct, mais leur impact n'avait pas été le même.
Le voilà qui cogite au point, en marge de toute activité professionnelle, de faire des démarches pour améliorer sa compréhension des choses. Des recherches aussi bien philosophiques que biologiques pour cerner ce qu'est ce phénomène inéluctable qui, sans devenir une obsession, s'est incrusté dans son cerveau.
Est-ce la rémanence de la tristesse inhérente à la mort de son ami ? Est-ce cette crainte nouvelle chez lui de devoir affronter cet adversaire invincible ? Impossible de se détacher de ces sensations. Et pourtant, paradoxalement, au fil des mois, l'existence du narrateur se gorge de vie, à travers de nouvelles rencontres et de nouveaux projets.
Commençons par le second : un scénario pour un film d'anticipation dans lequel il est justement fortement question d'éternité, à travers un robot à charger de compiler la mémoire la plus vaste possible de nos connaissances. Et puis, côté vie privée, une rencontre avec la ravissante Elena, presque deux fois plus jeune que lui...
Il n'y a pas ici de lutte entre ces deux concepts que sont la vie et la mort. Au contraire, il y a une forte complémentarité entre les deux. Alors que Eugène meurt à un âge où l'on devrait avoir encore de longues années devant soi et que le narrateur s'interroge au passage du cap de la cinquantaine, on croise des personnages qui incarnent alternativement vie et mort.
Du suicide d'un camarade de classe et de cet ami du narrateur, mort en montagne avant la trentaine aux figures tutélaires de Milan Kundera et de Michel Piccoli, octogénaires magnifiques, la palette est large : chacun se retrouve, une fois sorti du ventre de sa mère face à un destin qui pourra durer ou non. Qu'y faire ? Qu'on le pense écrit une fois pour toute ou qu'on en soit le maître d'oeuvre, on ne maîtrise finalement rien.
Mais, si la mort est centrale dans ce livre, c'est aussi en raison d'une autre collision qui la met en perspective : lors de son voyage en Indonésie, juste avant d'apprendre la nouvelle du cancer d'Eugène, le narrateur a été le témoin de traditions funéraires très particulières, qu'il aurait sans doute gardées en mémoire, même sans ce qui s'est produit par la suite.
Les Torajas sont une ethnie qui vit essentiellement sur une péninsule au sud de l'île de Sulawesi. Un peuple qui envisage la mort de façon très différentes des nôtres. Lorsqu'un Toraja meurt, ses funérailles peuvent durer très longtemps, plusieurs mois, parfois des années, le temps de rassembler l'ensemble de la famille du défunt. Le détail de ces rites ouvre le livre, c'est fascinant...
Mais, le plus marquant, ce sont les rites concernant les enfants morts en bas âge. Leur corps est confié à un arbre, on le dépose au creux du tronc, comme si on le confiait à la nature. Comme si l'enfant allait suivre la croissance de l'arbre et se rapprocher de ces cieux qui, dans la plupart des civilisations du monde, symbolisent cet hypothétique au-delà...
Une vie qui se poursuit après la mort. Pas une croyance, un dogme, comme peut l'être la vie après la mort pour un chrétien, mais une réalité, certes symbolique, à travers l'arbre et le développement de son ramage. Et surtout, la mort devient centrale dans la vie de chaque communauté, pas juste le temps d'obsèques, parfois vite expédiés, de recueillement au funérarium, le temps d'une crémation...
Il n'y a plus de croyance derrière nos rites, plus d'imagination, déplore le narrateur. Tout se fait automatiquement, mécaniquement, sans qu'on n'y mette plus aucune réflexion. Un vide sépulcral, tiens, et un simple panneau "The End", comme à la fin d'un film, lorsque la salle obscure se rallume et que la vie réelle reprend son cours.
La mort est une fiction, la mort est une abstraction. Lorsqu'on le peut, on l'efface. On fait des guerres sans mort, on cache les corps des victimes d'attentats, on ne montre surtout pas les personnes se jetant du World Trade Center un funeste matin de septembre... Ou, au contraire, on instrumentalise la mort, on en fait la propagande de la folie fondamentaliste en filmant des exécutions, donnant subitement une existence à la légende urbaine des snuff-movies...
Inconsciemment, sans passer par leurs pratiques précises et leur perception propre et fort originale de la mort, le narrateur semble inspiré par les Torajas dans la manière dont il gère la mort de son ami : bien sûr, il y a cette profonde tristesse, cette absence très violente, mais Eugène reste présent dans la vie du narrateur. Et cet ami disparu est presque le guide de la vie du narrateur.
Chaque geste, chaque pensée, chaque action, il les fait en pensant à Eugène, en songeant à comment il aurait réagi, à ce qu'il aurait dit, aux livres qu'il lui aurait conseillés, comme il en avait l'habitude. Il ne laisse pas partir son ami, il le garde près de lui, au point qu'on se demande lequel veille sur l'autre. Il maintient Eugène en vie le plus longtemps possible...
S'il y a lutte contre la mort, dans "l'arbre du pays Toroja", je pense qu'elle est là : non pas contre le phénomène biologique inexorable, mais contre son corollaire inacceptable à ceux qui restent, c'est-à-dire l'oubli. Le narrateur refuse l'oubli à son meilleur ami, de toutes ses forces, et tant pis si on a l'impression que ça agi sur lui comme une ancre, qui pourrait l'envoyer par le fond.
C'est un processus très solitaire que suit le narrateur dans cette voie. Sans doute est-il délicat à comprendre, dans notre culture. D'ailleurs, autour de lui, qu'il s'agisse des propres enfants d'Eugène ou des proches du narrateur, il n'est pas évident que cela soit bien perçu. Mais, pour lui, impossible de se séparer aussi vite de l'ami défunt.
Je crois, si je ne me trompe pas, qu'il y a un mot que je n'ai pas encore utilisé dans ce billet et c'est assez étrange, car ce mot c'est : le deuil. Et, plus encore, cette expression "faire son deuil", que j'emploie, je le concède, même si elle est très contestable. La mort, oui, elle est là, de fait, elle s'est imposée, mais elle n'a pas raison de la vie. Et d'ailleurs, celle-ci va progressivement reprendre le dessus.
On peut prolonger le parallèle entre le narrateur et les Torajas un peu plus loin encore, vous le découvrirez à la lecture de ce roman. Un parallèle qui est aussi la comparaison de deux façons radicalement différentes d'appréhender la mort et de la ritualiser. Avec, au coeur de tout cela, des interrogations que le récit réveillera immanquablement en chacun de nous.
Mais, il serait à mes yeux réducteurs de réduire le roman de Philippe Claudel à ce seul et unique point. A travers ses souvenirs et ses rencontres, le narrateur nous offre une galerie de personnages auxquels il associe d'autres images. Des images particulières, puisqu'elles sont presque systématiquement des lieux et des paysages.
Et réciproquement, le cinéaste, fasciné par l'image bien plus que par les mots (dualité qui concerne Philippe Claudel au premier chef), observe les personnes qu'il rencontre comme des "paysages corporels", travaillés par le temps, l'érosion, abîmés, maltraités, mais aussi embellis par ce vécu qui évite toute uniformisation d'un être à l'autre.
Ce paysage corporel raconte la vie mieux que n'importe quoi. D'un instantané à l'autre, on observe aisément les changements, les altérations mais aussi la noblesse d'un corps qui vieillit... Il y a là aussi dans ce livre de très belles lignes et pages sur ces questions du corps et du regard. Et cela aussi participe de l'ode à la vie qu'est ce livre.
Lorsqu'on se lance dans cette lecture, qu'on voit qu'il y sera beaucoup question de mort, on redoute quelque chose de plombant, si vous me passez l'expression. Mais, une fois les dernières pages tournées, et malgré un codicille qui vient nous replonger dans l'affliction première du narrateur, "l'arbre du pays Toraja" est un livre qui rend hommage à la vie avant tout.
Il n'y a pas de complaisance morbide, non, simplement une façon de gérer la disparition possible de ses proches et d'envisager sa propre existence en fonction de l'échéance qui nous attend tous. Ce qu'il restera de nous ? Peu importe, au final, mais d'autres humains, comme depuis la nuit des temps, prendront le relais, vivront à leur tour et ainsi de suite...
C'est ce mouvement perpétuel que célèbre ici Philippe Claudel, dans ce roman, c'est écrit sur la couverture, qui contient certainement beaucoup de lui. Ce n'est pas seulement un livre sur le passé et son illustration par des souvenirs, c'est aussi une ouverture vers l'avenir. Le sien et celui des autres, ceux à qui nous survivront et ceux qui nous mèneront au tombeau...