Vous avez peut-être encore en mémoire la polémique qui fit rage en son temps, lorsque l'artiste italien Milo Manara avait dessiné une variant cover mettant en scène Spider Woman, dans une position aussi innaturelle que sexy. Certains diront d'ailleurs tout simplement vulgaire... les fesses en l'air, du plus mauvais goût. Mais à quoi bon polémiquer lorsqu'on fait appel à Milo Manara? N'est-il pas le spécialiste de la bande dessinée érotique européenne, capable de nous présenter les formes les plus généreuses, les courbes les plus affriolantes, et les récits les plus coquins? Un exemple, me demanderez-vous? Je vais vous en donner un. Si vous ne connaissez pas beaucoup ce dessinateur, je vais vous entretenir en particulier d'un album intitulé Le Déclic. Premier d'une série de quatre récits portant le même titre, oeuvre ayant déclenché une salve incroyable de réactions effarouchées (au point que Manara lui-même accepte encore aujourd'hui d'en omettre trois planches, trop osées pour la morale) en raison de scènes dites contre-nature (une mère et son jeune fils), ce Déclic (en italien il gioco) nous montre en réalité une femme, Claudia, dévorée par ses propres fantasmes et envies, cédant aux pulsions les plus inavouables de la bonne société à laquelle elle appartient. Mais elle n'est pas tout à fait responsable de son état libidineux. En effet le mari, relativement âgé et pas vraiment porté sur les choses du sexe, à une connaissance qui se désespère de passion pour la belle victime. Il va jusqu'à dérober l'invention d'un luminaire scientifique autrichien, qui permettrait de déclencher un désir irréfrénable et contrôlable à distance par le biais d'un mécanisme contenu dans un petit boîtier. Il suffit ainsi d'actionner un simple bouton pour que Claudia se livre aux assauts de tous et tout ce qui lui tombe sous la main... dans les cabines d'essayage des grands magasins, en pleine nature avec une amie, dans le secret de ses appartements ou dans un chalet à la montagne, le feu du sexe la dévore totalement.Manara ne s'attendait pas à un tel succès, il pensait avoir signé la une simple histoire ironique, une récréation entre deux aventures en duo avec Giuseppe Bergman, et en attendant le lancement de la revue qu'il pensait fonder à l'époque avec son ami Hugo Pratt et Andrea Pazienza (qui sera en fait le point de départ de l'aventure Corto Maltese). En 1983 il gioco est traduit en France par Albin Michel, et s'attire les foudres d'une certaine censure, ce qui n'empêchera pas une adaptation au cinéma avec Florence Guérin, magnifique, comme protagoniste principale. Mais ce sera un échec car le film a trahi l'esprit original de la bande-dessinée, éliminant le ton ironique qui imprègne celle-ci. Reste une vraie histoire dérangeante et amusante, véritablement caractéristique des délires de Milo Manara, dessinée avec une grâce et une aisance spectaculaire. Une véritable ode à la sensualité et l'acceptation de ses envies qui nous tenaillent, un chant de libération sexuelle féministe, ou encore un délire phallocrate pervers...? Et s'il s'agissait simplement d'une bonne blague d'un artiste qui aime jouir de la vie, et dessine les corps féminins avec une maestria époustouflante et convaincante? Une image de la version cinématographique, avec Florence GuérinA lire aussi : Les variant covers de Milo Manara