Christchurch, Nouvelle-Zélande. Joe Middleton travaille comme homme de ménage au département de police ce qui lui permet d’être au fait des enquêtes criminelles de la ville. En particulier celle relative au Boucher de Christchurch, un sérial-killer sanguinaire accusé d’avoir tué ces dernières semaines sept femmes dans des conditions atroces. Même si les modes opératoires sont semblables, Joe sait qu’une de ces femmes n’a pas été tuée par le Boucher de Christchurch. Il en est même certain, pour la simple raison qu’il est le Boucher de Christchurch. Contrarié par ce coup du sort, Joe décide de mener sa propre enquête, afin de punir lui-même le plagiaire et pourquoi pas, de lui faire endosser la responsabilité des autres meurtres.
La bonne idée de départ de ce roman, c’est que le lecteur sait immédiatement que Joe est le serial-killer, la seconde, c’est que ce tueur ignoble a tout du brave type un peu demeuré en façade, occupé par un petit boulot pépère, vivant seul avec ses deux poissons rouges (Cornichon et Jéhovah !) mais tyrannisé par sa vieille mère devenant gentiment foldingue. Tout le roman est sur un rythme plutôt tranquille, à l’image de Joe, même quand il se livre à des atrocités qu’il commet avec un professionnalisme sans faille, ponctué de notes d’humour noir grinçant, « Il doit y avoir 2 ou 3 milliards de femmes sur cette terre. En tuer une par mois, c’est pas grand-chose. » A moins qu’il ne lâche une déclaration assez raide, « Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais trouvé aucune utilité aux handicapés, aux attardés ou aux estropiés. »
L’intrigue ronronne gentiment en jouant sur le banal et l’atroce, le lecteur prenant plaisir à suivre cette enquête inversée ou un criminel en recherche un autre. Il y a même quelques passages carrément hilarants, dus à des quiproquos ou bien cette scène où Joe converse au téléphone avec sa mère à l’hôpital…
Second roman de l’écrivain que je lis et même constat, il y a de bonnes choses, comme indiqué ci-avant, mais il y a aussi des défauts souvent liés à l’exagération, ici par exemple, le personnage de Mélissa semble d’abord un rebondissement spectaculaire et bienvenu dans l’intrigue avant de devenir un élément perdant toute crédibilité. Quant à la psychologie des acteurs, elle reste assez basique, Sally collègue de travail de Joe tentera de s’incruster dans sa vie, dans une tentative de rédemption liée au décès de son jeune frère jadis. Il est aussi vaguement question de religion, de sexualité homo et de cette idée centrale dans l’œuvre de Paul Cleave (semble-t-il ?), la bascule entre le bien et le mal tient à peu de choses, les deux tendances étant en germe dans le cerveau de tout le monde car chacun recherche le pouvoir absolu, « Le pouvoir absolu. Est-ce que ce n’est pas là la réponse, Bob ? Est-ce que ce n’est pas ce que nous cherchons tous ? »
Pour conclure, je dirais que Paul Cleave n’est pas un écrivain génial mais que ses ouvrages offrent assez d’intérêt pour passer un bon moment, quant à ce roman, personnellement j’aurais préféré une fin immorale pour rester dans la tonalité du bouquin et lui donner plus de force…
« Parfois, tuer n’est qu’une question d’ego, surtout pour les autres gens, mais je suis tout à fait sûr que je ne suis pas comme les autres tueurs. Je sais que ce que je fais est mal, mais je n’essaierai pas de le justifier. Je ne dirai pas que Dieu ou Satan m’ont obligé à la faire. Je ne dirai pas qu’ils l’ont suggéré. De même que je ne prétendrais pas qu’avoir été abusé pendant mon enfance m’a plongé dans une spirale qui m’a fait quitter l’autoroute de la vie et atterrir sur ce sentier boueux. Mon enfance a été normale, du moins aussi normale que possible avec une mère folle comme la mienne. Elle n’a jamais abusé de moi, ne m’a jamais négligé – même si ce la aurait été plus facile de grandir si elle l’avait fait. Les abus m’auraient donné une raison de la haïr. La négligence une raison de l’aimer. »
Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Benjamin Legrand