Approchez, approchez que je vous dise ma bonne aventure.
C’est qu’y’a de l’avenir dans mes lignes d’écriture.
J’ai de l’esprit plein ma boule de cristal, J’veux qu’on m’archive à la Bibliothèque nationale.
J’ai le pendule qui s’agite au-dessus mon premier chapitre, en une ronde infernale. Elle est là ma bonne étoile.
Mais voilà, même si j’ai la rime espiègle, j’ai pas les papiers en règle.
J’voudrais qu’on m’édite, mais j’dépasse pas l’incipit.
Pourtant, j’ai toujours fait attention à ma ligne. C’est que je veux faire impression.
Mais j’ai beau suivre les consignes, je reste papier brouillon.
Puis papier-mouchoir, car papier-cul souvent.
Croyez pas qu’on entre dans l’histoire en écrivant pour passer le temps.
Pour devenir papier musique, faut en avoir lu des classiques.
Suffit pas d’écrire sur du papier bulle pour que mon destin bascule.
Ça prend de la sueur pour devenir auteur.
Faut écrire sans esquive jusqu’à c’qu’ivresse s’en suive.
Gratter du papier jusqu’à l’érythème pour gagner son ISBN
Ça s’cultive la littérature, suffit pas de s’asseoir sur sa reliure.
Moi, j’écris encore dans la marge. Je germe, émergeante. J’essaie d’être à la page. Exigeante jusqu’à la rage. Papier mâché, recyclé jusqu’au petit matin froissé que rien n’alimente. Papier qui bourre dans ma déprimante.
Trafic perturbé sur l’ensemble de ma ligne, j’ai l’alphabet qui tremble dans ma poitrine. Et l’angoisse de la page blanche qui me pogne, comme l’ombre du noir vautour sur la charogne.
Mais, faut pas en faire toute une histoire. On devient vite papier buvard.
On absorbe les défaites, et on ressort les amulettes.
Approchez, approchez que j’vous dise ma bonne aventure.
C’est qu’y a d’l’avenir dans mes lignes d’écriture.
Et qu’on ne me dise pas que je suis une femme sans histoire. Je suis juste en phase exploratoire.
Les histoires qui ne tiennent pas debout finissent toujours par se coucher sur le papier
Un jour, j’en viendrai à bout, sans n’avoir jamais rien copié.
Je n’infiltre les lignes amies que pour nourrir mon propre combat
Si je me frotte contre leur papier émeri, c’est pour polir mon propre débat.
J’admire ceux qui ont réussi à écrire, tous ces écrivains qui chaque année font un tabac.
J’ai la plume au bout du fusil et je jure que je défendrai leurs droits.
Tous les jours j’écris à l’encre bleue de lys pour que mon rêve s’accomplisse.
Et quand j’aurai la mention copyright, faudra pas qu’tu m’exploites.
Sinon, j’te ferai copier 100 fois : Touche pas à mes droits !
Notice biographique
Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)