"Et devant moi le monde", Joyce Maynard

devant monde
Depuis le temps que je voulais lire ce livre ... Et c'est chose faite, grâce à une amie qui me l'a offert (coucou Anaïs !). J'ai lu quelques romans de Joyce Maynard ("Les filles de l'ouragan", "L'homme de la montagne"), et j'avais entendu beaucoup de bien de ce titre, qui est son autobiographie.
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C'est un gros pavé de 500 pages, qui commence par l'enfance de Maynard, et explore sa vie d'ado, d'adulte, de femme et d'écrivain, ainsi que sa relation avec Salinger à l'âge de 18 ans. 
J'ai beaucoup apprécié la plume de Joyce Maynard, et j'ai trouvé ce livre fascinant. Elle nous parle d'abord de son enfance, de ses parents intellectuels, qui la poussent, presque qui "l'élèvent" comme un futur écrivain, de l'alcoolisme de son père, du tempérament excentrique de sa mère, et de son sentiment d'être en-dehors du coup, différente des jeunes de son âge, et ce même à l'université. A l'âge où ses copines s'amusent et sortent, la jeune Joyce envoie ses nouvelles aux magazines, appuyée par ses parents qui corrigent son travail. Elle ne sort pas le soir, ne s'intéresse pas aux garçons.
Elle écrit pourtant un article sur la jeunesse de sa génération (elle qui est finalement si différente) au New York Times Magazine à 18 ans, article qui aura un retentissement important, qui lui amène des contrats avec des éditeurs, ainsi qu'une tonne de courrier, et parmis ces lettres se trouve celle d'un certain J.D. Salinger, qui lui dit toute son admiration.
La jeune fille commence alors une correspondance suivie avec l'écrivain célèbre, puis le rencontre et emménage chez lui. La description de leur relation est fascinante : Salinger va vraiment modeler cette jeune fille timide et naïve, lui imposer son régime alimentaire (ce qui lui vaudra de l'anorexie), sa vision de la vie et surtout de ce que doit être un écrivain, ainsi que sa solitude, Salinger s'étant retiré du monde. 
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Puis, du jour au lendemain, Salinger congédie Joyce, froidement, et celle-ci va devoir se reconstruire. Elle y arrivera, aura un mari, des enfants, mais restera toute sa vie hantée par le souvenir de cette année vécue dans l'ombre de cet écrivain étrange, qui l'a façonnée comme une poupée.
J'ai littéralement dévoré ce livre en quelques jours, fascinée. Plusieurs passages à la fin du livre m'ont marquée, ce sont ceux sur la maternité, que je trouve très intelligents :
devant monde
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Je n'ai rien lu de Salinger (pas même "L'attrape coeur" !), mais le portrait fait ici de ce grand écrivain n'est guère flatteur : froid, distant, psychorigide, cynique, asocial, manipulateur, il n'a pas grand chose pour séduire, que sa plume et son aura ... La façon dont il se débarrasse de Joyce Maynard, du jour au lendemain, comme d'un mouchoir usagé, est ignoble, ainsi que sa façon de la traiter des années plus tard, quand elle vient le voir pour la dernière fois, pour tenter de comprendre et d'exorciser cette relation de destruction.
Ce livre est aussi un formidable récit de vie, celle d'une jeune femme exceptionnelle, mais qui a été toute sa vie façonnée par les autres. Ses parents, très tôt, en ont fait un écrivain, délibérément, par ambition, puis Salinger l'a initiée à sa discipline de vie.
Son récit de l'époque, de ses amitiés, de ses amours, sa vision de la maternité, de l'écriture, tout est passionnant.
Vous l'aurez compris, ce livre est coup de coeur, qui m'a tenue en haleine de bout en bout, et qui m'a donné envie de découvrir l'oeuvre de Joyce Maynard (pas tellement celle de Salinger, tiens, tiens ...).


"Et devant moi le monde", Joyce Maynard, 10/18