Whistler, Tocqueville et démocratie, par Alain Gagnon…

James Abbott McNeill Whistler. Whistler refusait le droit de parler peinture aux archéologues qui, disait-il, « passent leur temps à déterminer les lieux de naissance d’inconnus », aux critiques d’art qui, disait-il encore, « déchiffrent les tableaux comme s’il s’agissait de romans à clé », aux dilettantes qui n’y connaissent rien et suivent la mode. Seuls, estimait Whistler, les peintres parlent intelligemment de la peinture. (Michel Déon, Lettres de château)
À rapprocher d’une autre citation de cet artiste (Whistler) que je me répète : Art happens !

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La soif de transcendance, ce tropisme de l’esprit vers la spiritualité, la recherche de sens, est aussi prégnante chez l’humain que les autres besoins fondamentaux. Des gens et des organisations ont profité de ce penchant pour asservir et s’enrichir. Ce n’est pas là une raison de balancer toute tradition religieuse, tout culte individuel et collectif. On le fait pourtant. Ça s’appelle jeter le bébé avec l’eau du bain.

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alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecAlexis Tocqueville parlait déjà en ce sens. Ce qui fait la vigueur d’un peuple, ce sont ses institutions communales – Conseils municipaux, Commissions scolaires, Agences de Santé, Municipalités régionales de comté, Conseils régionaux des élus, Conseils d’administration d’hôpitaux… Ce sont elles qui permettent l’exercice réel des droits et devoirs des citoyens, et, conséquemment, leur responsabilisation. La centralisation tue ces institutions locales, tue l’initiative et asservit.
Au Québec, dans les années 60, on a commencé par dépouiller les commissions scolaires de leurs pouvoirs. Pour ce, on a utilisé l’argument pécuniaire et celui de l’efficacité. « Vous avez le choix d’accepter ou non nos mesures, mais… » L’argent à la clé. Quant aux CA des hôpitaux ou CIUSSS, ils gèrent à peine 15 % de leurs budgets. On a transformé ainsi tous nos organismes locaux en boîtes postales, en courroies de transmission des diktats ministériels. Ce qui a gonflé la fonction publique et éloigné le citoyen d’affaires qui le concernent au premier chef. Les décisions devinrent-elles meilleures ou pires ? Il faudrait faire du cas par cas. Mais une chose est certaine : on a réduit ainsi l’initiative régionale et municipale.
Il est facile aujourd’hui de fermer, entre autres, les Commissions scolaires sous prétexte de la faible participation aux élections : les électeurs ne prennent plus la peine de se déplacer pour élire des commissaires qui n’auront aucune décision d’envergure à prendre. Je me suis plaint une fois, comme parent, pour me faire répondre : « Le ministère a décidé que… » dans un soupire d’impuissance.
C’est comme ça qu’un peuple se déresponsabilise, s’atomise, s’individualise et devient un troupeau de plus en plus facile à mener.

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon chat qui louche maykan alain gagnondu Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (MBNE) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur .  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).