La chaise, un texte d’André Chamberland…

Par Chatquilouche @chatquilouche

(Nous accueillons Monsieur André Chamberland, un nouveau au Chat Qui Louche.)

Pépère et mémère se mirent d’accord pour se débarrasser de la vieille chaise berceuse qui craque. Pépère prit la chaise et la sortit sur l’herbe, devant la maison.

Aussitôt qu’il l’eût déposée par terre, il ne pouvait déjà plus changer d’idée. En effet, une dame, feignant d’être en conversation téléphonique sur son cellulaire et examina vite la chaise. Celle-ci ne craquait pas puisque ni pépère ni mémère n’étaient assis dessus. Son cellulaire à l’oreille, elle attrapa la chaise sous son bras droit et l’emporta.
Lorsqu’elle se crut à l’abri des regards, en passant derrière des arbres devant ma fenêtre en bordure du chemin, elle empocha sont téléphone pour agripper la chaise et l’emporter chez-elle.

Il faut vraiment faire attention à ce qu’on laisse dehors, même si c’est seulement pour quelques minutes. Pépère devrait rentrer son vélo qu’il a trouvé sur le terrain de Jean Coutu et mémère son carrosse d’épicerie emprunté chez Walmart. Ni pépère, ni mémère ne devraient laisser attendre l’autre à l’extérieur d’un commerce, au risque de se le (la) faire enlever par quelqu’un(e) intéressé(e).

Ces vieux n’ont pas d’auto. Mais moi, j’en ai une. Je la verrouille toujours à double tour, de même que la serrure de ma maison.
Mais attendez, j’y pense ! La voisine possède une longue échelle. Mieux vaut fermer les fenêtres à clef et cadenasser le tricycle de fiston sur la galerie du deuxième étage !

Pépère mit du feu dans la cheminée en réfléchissant à la chaise. « Mais, en y pensant bien, se dit-il, la plus mal prise, c’est encore celle qui se retrouve avec une chaise qui ne craque pas, mais qu’elle fera craquer dès qu’elle s’assoira dessus. À son tour, elle la mettra dehors… »

Le retour de la chaise…

Lorsque la chaise réapparut sur le coin de son parterre, pépère ne s’en étonna point. La femme au téléphone a dû se décourager de s’entendre craquer.

Après en avoir discuté avec mémère, pépère remonta la chaise au deuxième. De toute façon, il avait conservé les trois coussins allant dessus tant il était incertain de sa décision.

« Demain matin, j’essaierai encore une fois de la réparer, mais ce sera la dernière », dit-il. En vain, il essaya jusqu’à ce qu’il se fâche à nouveau. Il décida donc de la défaire et de la brûler dans son foyer.

Aussitôt dans le feu, de joyeux craquements se firent entendre. Des crépitements rassurants et réchauffants emplirent la maison pour le grand bonheur de pépère et de mémère. « Enfin un bon feu qui jase comme dans le temps », dit mémère. Une senteur de bois sec embaumait l’atmosphère.

Comme quoi, en d’autres moments et dans d’autres circonstances, des bruits insupportables peuvent se transformer en plaisirs réconfortants ! Il ne s’agit pas de toujours éliminer les craquements, mais de les écouter d’une autre façon.

En serait-il de même pour les anciens amants depuis peu séparés ? Peut-être seraient-ils encore heureux de s’entendre craquer l’un pour l’autre ?

Notice biographique

André Chamberland offre à ses lecteurs des textes courts pour le plaisir et pour la réflexion :  des textes humoristiques, poétiques, légers, graves ou simplement des poèmes, des récits et des nouvelles qui amènent à réfléchir à certains phénomènes dont nous sommes témoins dans notre vie de tous les jours. Il a aussi fondé André Chamberland Éditeur (ACE), dont la mission est d’aider des auteurs à réaliser à court terme leur rêve de publication.

Artiste multidisciplinaire de création, il exerce aussi ses talents en peinture.  Sa plus récente exposition, intitulée L’âme du village menacée par le développement urbain sauvage, présentait 19 tableaux, chacun accompagné d’un texte explicatif.

Quelques-unes de ses nombreuses parutions :  Monsieur Tonnerre, 2016 ; La Roulette rOusse, nouvelle poétique, 2014 ; Le piège de l’araignée, nouvelle, 2014 ; Louve-Wolf, nouvelle, 2014 ; Suicide par omission, un silence qui tue, nouvelle, 2014.