Pépito est différent: un peu bizarre, un peu gros, pas sportif pour deux sous. Et Pépito, il cache un gros secret.Lui et sa famille viennent tout juste de déménager dans une nouvelle banlieue. À l'école, il rencontre Margot. Elle est gentille, Margot (et elle doit être pas mal intéressante, parce qu'elle lit L'écume des jours!). Alors, Pépito lui offre un bonbon. (Il faut savoir que ses bonbons sont renversants. Ce sont les meilleurs au monde.) Les enfants du quartier ne sont pas tous gentils comme Margot; les garçons, eux, deviennent carrément cruels. Pépito paiera le prix de leur méchanceté… jusqu'à l'irrémédiable.J'attendais cet album depuis l'annonce de sa parution en août dernier. Et ça valait le coup d'être patiente. Pour la petite histoire… Ce conte sortde l'imagination débridée de Pierre Lapointe. Il l'a raconté à son amie, l'illustratrice Catherine Lepage, avec qui il collabore pour les pochettes de ses albums. L'idée a fait son petit bout de chemin, jusqu'à ce qu'elle lui demande la permission des'approprierl'histoire de Pépito. Pierre Lapointe lui a donné carte blanche. Le résultat est fabuleux.Le tragique destin de Pépito est un album rare, comme il en existe trop peu. Qu'on aime ou non l'histoire et le style d'illustrations, il fait, selon moi, partie de ces albums essentiels. Il y est question de différence, d'intimidation, de rejet, mais aussi, et surtout, d'amour et d'amitié. Mais pour moi, le principal intérêt de cet album réside dans sa fin. C'est là que ça frappe un gros coup: une histoire sans happy end, c'est chose rare dans le paysage québécois. Et ça fait un bien fou, parfois, de sortir du nid intellectuel ouaté dans lequel on baigne.Plusieurs peuvent être réticents à raconter une histoireau dénouement tragique. D'autres, dont moi, diront: «Enfin, une histoireponctuée d'humour au dénouement tragique!» Qu'on soit d'accord ou non, qu'on aime ou pas, il faut saluer l'initiative, l'audace et l'originalité.J'ai eu la chance d'échanger avec Catherine Lepage, au Salon du livre de Québec. Elle m'expliquait avoir voulu, avec cet album, revenir aux sources. Pour illustrer Le destin tragique de Pépito, elle a utilisé un crayon de bois bleu, un pinceau, un peu de peinture rouge et un crayon plomb. C'est tout. Pour avoir vu Pépito prendre forme sous mes yeux, c'était magique.Chapeau bas aux éditions Comme des géants pour avoir fait confiance à ses créateurs et avoir eu l'audace de publier un album original, différent. Bravo aussi pour la qualité graphique de l'album. L'objet est magnifique.P.S. (La réaction de ma sauterelle, en découvrant la véritable identité de Pépito, valait bien 100 $: un fou rire intarissable, contagieux. Et un gros «Oh!» en tournant la dernière page. Passer de la curiosité amusée à la colère, du fou rire à la petite larme au coin de l'œil, tout ça en 92 pages.)P.S. (Pour ceux qui s'interrogent sur l'utilité et la pertinence de lire des histoires sombres aux p'tits loups, il n'y a qu'à (re)lire Bruno Bettelheim et sa Psychanalyse des contes de fées!)Le tragique destin de Pépito,Catherine Lepage (texte et illustrations), d’après un conte de Pierre Lapointe, 92 pages, 2016. À partir de 8 ans.