L’adoption (Zidrou – Arno Monin – Editions Grand Angle)
Gabriel, 74 ans, est un retraité heureux. Après avoir consacré cinquante ans de sa vie à sa boucherie-charcuterie, il profite enfin d’un repos bien mérité avec sa femme. Ses journées se résument en gros à lire le journal et à s’occuper de son jardin. Sans oublier la tradition du rendez-vous hebdomadaire avec les Gégés. Tous les vendredis, Gabriel retrouve ses copains Gaston et Gérald pour une séance de sport assez légère, suivie surtout d’une troisième mi-temps bien arrosée au restaurant « Le Sénégal ». Bref, Gabriel a une vie assez pépère… qui va être chamboulée par l’arrivée de Qinaya, une petite orpheline péruvienne de 4 ans. Alain et Lynette, le fils et la belle-fille de Gabriel, tentent d’avoir un enfant depuis des années. Mais cela ne marche pas, alors qu’ils ont déjà 47 et 45 ans. Du coup, lorsqu’un séisme de magnitude 8,4 dévaste la ville d’Arequipa au Pérou, faisant des dizaines de milliers de victimes, Alain et Lynette y voient une chance d’enfin devenir parents. Ils décident d’adopter la petite Qinaya, qui a perdu ses parents dans ce terrible tremblement de terre. Feignant d’abord l’indifférence face à l’arrivée de cette fillette jolie comme un coeur, Gabriel va petit à petit créer des liens très forts avec elle. Le vieil homme bourru, qui n’avait pas pris le temps d’être père, va découvrir à sa propre surprise que le rôle de grand-père lui va à merveille. Il va reporter tout son amour perdu sur cette petite fille venue d’un pays lointain, allant même jusqu’à amener l’adorable gamine à ses rendez-vous avec les Gégés et dans son ancienne boucherie. Bien sûr, Qinaya pense encore souvent à sa famille restée au Pérou et aux événements tragiques qu’elle a vécus là-bas, mais grâce à l’amour de sa famille d’adoption, elle retrouve la joie de vivre et s’intègre très vite à son nouvel environnement. A priori, tout semble donc aller pour le mieux. Hélas, ça ne va pas durer…
Le scénariste Zidrou est passé maître dans l’art de toucher les lecteurs au coeur. C’est une nouvelle fois le cas avec « L’adoption », un récit d’une grande sensibilité sur l’adoption et sur le rôle de père et de grand-père. « Aujourd’hui, les lecteurs cherchent à retrouver des beaux sentiments », explique Zidrou. « Ils en ont marre du cynisme ambiant de notre époque. Et puis, on se rend compte que le courage, le vrai, ce n’est pas seulement d’être un shérif ou un pilote de chasse… c’est aussi affronter notre petit quotidien ». La force de Zidrou, c’est sa capacité à croquer avec une grande justesse les gens « ordinaires ». Dans « L’adoption », il dresse notamment un tableau très touchant du troisième âge, qui semble décidément être en vogue dans le monde de la BD depuis le succès de la série « Vieux Fourneaux ». « C’est un peu logique », dit le scénariste belge. « On vit dans une société qui vieillit. En dédicace, on rencontre beaucoup de gens qui étaient fans de BD dans les années 60 et qui sont aujourd’hui septuagénaires. Et puis moi-même, j’y vais tout doucement… » Mention très bien aussi au dessinateur Arnaud Monin, qui a su trouver les expressions et les traits justes pour mettre en images le récit de Zidrou. Ce premier tome de « L’adoption » est donc une vraie réussite… et donne très envie de lire la suite. Mais les auteurs préviennent déjà: le deuxième volet de leur diptyque sera très différent, comme le laisse présager la fin surprenante du tome 1. « Je pense – et j’espère – que le lecteur va être désarçonné », sourit Zidrou.