Nous attendions la suite depuis 2008, inutile de dire que c'est avec une grande curiosité que nous avons abordé ce dernier volume de la formidable saga des couleurs, signée par Jeph Loeb et Tim Sale, à savoir Captain America : Blanc. Certes nous disposions bien d'un numéro zéro publié il y a une petite dizaine d'années, mais cette fois nous entrons enfin dans le vif du sujet, avec les 5 véritables parties qui composent cette histoire. Bien entendu nous avons affaire à une aventure dans un style rétro assumé, autrement dit nous faisons un bond dans le passé, à l'époque où Steve Rogers tentait tant bien que mal de cacher sa double identité à ses camarades militaires, et que le jeune Bucky Barnes finissait par découvrir le pot aux roses, un soir par hasard sous la tente. A partir de là se forme un des duos les plus célèbres des comics, Captain America et Bucky. Les deux partent en mission et rencontrent en chemin Nick Fury et Dum Dum Duggan, puis le Crâne Rouge en personne, dont le plan est de détruire la ville de Paris, non sans avoir au préalable pillé le musée du Louvre. Vous l'aurez compris, nous sommes là en face d'un de ces récits classiques ou la sentinelle de la Liberté tape sur des nazis, sur fond de Seconde Guerre mondiale. C'est Captain America lui-même qui fait office de voix off et qui nous explique combien la perte de son jeune équipier l'a affecté, et à quel point il a des regrets en se remémorant ces moments passés ensemble, durant lesquels le gamin a été trop souvent placé en face du danger. En même temps Bucky et son inconscience lui sauvent les fesses un certain nombre de fois, comme lorsqu'il se noie en plein océan Atlantique, après un crash aérien inopiné.
Le charme désuet instauré par le récit de Jeph Loeb fonctionne. Si au départ le numéro 1 n'est pas si convaincant, car presque redondant par rapport aux pages du zéro publié il y a 10 ans, l'histoire gagne en intérêt au fil de son évolution, sans pour autant atteindre le niveau qualitatif excellent des parutions précédentes, comme le Daredevil Yellow ou Spider Man Blue adorés des fans. Ce Captain America White est loin d'être mauvais, comme j'ai pu le lire dans certaines critique assassines sur le net. Au contraire il finit par devenir très attachant; les deux héros principaux sont caractérisés de façon à mettre en avant une opposition fort bien pensée. Captain America est plus âgé que son compagnon mais il a aussi bien moins d'expérience pour ce qui est de la vie quotidienne, à savoir les femmes et la débrouillardise entre autres. Il y a encore peu de temps ce n'était qu'un gamin freluquet qui se faisait tabasser dans son quartier, et que l'armée réformait systématiquement. Bucky est plus jeune mais il a un sens pratique plus développé, et il pourrait quasiment en remontrer à son mentor étoilé. Tim Sale n'est pas forcément au niveau que l'on pouvait attendre de lui, attention toutefois cette remarque est à prendre avec prudence. Car un Tim Sale en petite forme est bien supérieur à la très grande majorité des artistes qui illustrent habituellement nos comics. Certaines expressions faciales ou certaines cases privées de fonds suffisamment développés peuvent décevoir par endroits, mais c'est aussi un choix de l'artiste qui se concentre sur des planches ressemblant à des aquarelles au charme rétro, et qui donnent à son récit un ton dynamique qui emprunte beaucoup à la poétique de Jack Kirby, envers qui ce White ressemble fortement à un hommage appuyé. En tous les cas un achat que vous ne regretterez pas, et qui mérite grandement de finir dans votre bibliothèque.
A lire aussi :
Daredevil : Yellow du duo Loeb/Sale