Emmanuelle Richard – Pour la peau ***

Par Laure F. @LFolavril

Éditeur : L'Olivier - Date de parution : janvier 2016 - 218 pages

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Je me suis remémorée le très joli billet de Clara lorsque j'ai croisé ce roman sur le présentoir des nouveautés à la bibli, et j'ai craqué...

Emma, jeune romancière, nous raconte l'histoire de la passion qu'elle a vécue avec E., un homme qu'elle a rencontré et aimé pendant quelques mois... La jeune femme dépose ses mots sur la page comme pour se libérer d'un poids. Elle nous raconte la naissance et la mort de cet amour fulgurant - auquel elle ne s'attendait pas - dans ces petits détails, ces petits riens qui font pourtant tout...

En déroulant la métaphore du rosaire, Emma déplie les souvenirs un à un, les évoque de façon presque religieuse, les compulse dans une espèce d'obsession. Elle décrit le corps de E., son visage, sa peau, le ton de sa voix. C'est un texte près du corps, parfois très intime et sensuel, qui décortique l'histoire d'un amour compliqué.

Si au début la narratrice m'apparaît antipathique, je me suis vite sentie proche d'elle. C'est un récit touchant et sensible, dans lequel certains passages sont presque chuchotés, à la façon d'une confession. Certaines phrases se déroulent, virgule après virgule, sans point, sans majuscule. Cet amour est raconté comme un aveu, douloureux. Mais nécessaire. Le texte tend à l'anonymat ; juste des initiales, pas de prénom, ni de nom de ville. Le prénom de la femme ne viendra qu'après, dans la bouche de l'homme.

Les mots sont justes et l'écriture, sublime - légère, malgré le poids des maux. Un récit dénué de pathos, qui ne verse à aucun moment dans le larmoyant.

L'écriture semble être la seule issue possible pour la jeune femme, la seule façon de se libérer, par les mots, de l'emprise que cet homme a toujours sur elle, bien après la fin de leur histoire.

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" vous vous êtes mise à aimer déraisonnablement cet homme et le silence de et avec cet homme et le nez de cet homme, ses cils, son cou "

" Je ne sais pas pourquoi j'ai besoin d'écrire cela, comme si j'étais en deuil. Pourquoi cette nécessité absurde de dire, de peindre, de retrouver ? De sauver. Personne n'est mort. Pourtant, je vis cela comme une disparition. Il me semble avoir perdu une partie de moi. En avoir été amputée. "

" Je saisis que cet homme peut me faire perdre pied, me pousser très loin dans ce sens-là, et que je suis au bord de quelque chose qui me dépasse. "

" Je le voulais comme je n'ai jamais voulu personne. Je n'ai jamais voulu quelqu'un avec autant de force, jamais voulu quelqu'un à ce point, jamais croisé quelqu'un qui réunissait autant en une seule personne la somme de tout ce qui m'émeut Je l'aimais plus que tout, bien au-delà de moi-même. "