- Le billet sur "Dévoreur".
- Le billet sur le tome 1 du "Sentier des Astres".
Nous allons parler ce soir d'une des sorties les plus attendues de ce printemps, dans le domaine de l'imaginaire. Pour "Manesh", premier tome de son "Sentier des Astres", Stefan Platteau avait reçu l'an passé le Prix Imaginales. Puis, pour nous faire patienter, mais aussi pour nous emmener sur d'autres pistes, il nous avait proposé "Dévoreur", un conte dont l'action se déroule avant l'expédition qui sert de trame au "Sentier des Astres". Et voici donc, enfin, le tome 2 tant désiré, "Shakti" (publié aux Moutons Electriques), car l'auteur avait laissé ses personnages dans une situation bien précaire à la fin du premier volet, il était tant de les tirer de là... Ou pas. En tout cas, de reprendre le fil d'un récit central qui faisait contrepoint avec le récit de Manesh. Le voile est tombé à son sujet, c'est un autre personnage qui va prendre le relais, dans cette suite, avec une nouvelle histoire pleine de bruit, de fureur, mais aussi de merveilleux... Et le fleuve, qui était l'un des personnages à part entière de "Manesh" laisse sa place à un autre paysage, qui rejoint le casting, si je puis dire.
L'expédition chargé de remonter le majestueux fleuve Framar sur les traces du légendaire Roi-Diseur est en pleine débandade. Seuls neuf des passagers des deux gabarres la composant ont survécu et ils sont désormais coincés dans une grotte, où ils ont trouvé un abri en catastrophe. Mais, leurs poursuivants sont toujours à l'extérieur, inquiétants, menaçants...
Les Enfants de l'Hermine rôdent et rongent leur frein, attendant le moment propice pour les déloger. Et puis, ponctuellement, on aperçoit la lumière d'un géant solaire, sans doute venu à la rescousse pour Manesh. Une situation qui, sous l'impulsion du barde Fintan, va sauver la vie au Bâtard, que les autres guerriers voudraient exécuter sans autre forme de procès après ce qu'ils ont appris à son sujet.
Mais, s'il peut communiquer avec les géants solaires, pourquoi ne pourrait-il pas les aider à se sortir de ce mauvais pas ? Il pourrait tout aussi bien les trahir et les jeter dans la gueule d'un loup pour en éviter un autre, mais au point où en sont Fintan et ses camarades, pourquoi ne pas jouer tous les atouts qu'ils ont à disposition ?
Conscients qu'ils vont devoir trouver le moyen de quitter cette grotte avant qu'elle devienne leur tombeau, Fintan et ses amis tentent une première sortie. Objectif : retourner au bateau et retrouver le sceau des Luari, symbole de l'autorité dont Rana était dépositaire et qu'il ne portait pas quand il est mort... Fintant refuse de le laisser aux mains des ennemis.
Une expédition dangereuse, que le barde va mener à bien, accompagné de Nadrach, l'expérimenté, et du jeune et impétueux Cwail. Et qui va lui permettre de faire une découverte effrayante : la preuve qu'on a empoisonné Rana. Qui peut l'avoir tué, sinon l'un des survivants ? Manesh n'aurait pas pu, il y a donc un autre traître au sein du groupe...
La menace grandissant, les neuf survivants, parmi lesquels la Courtisane et sa fille, réussissent à fuir la grotte. Ils s'enfoncent alors dans les épaisses forêts du Vyanthryr, avec leurs ennemis à leurs trousses. Les fuyards veulent s'éloigner du fleuve et pensent que, sous les arbres, ils seront plus à l'abri. Mais, il faudra sans doute combattre.
Cette forêt magnifique, luxuriante, va devenir non seulement le cadre de ce deuxième tome mais un véritable acteur de cette histoire. De par sa végétation, c'est presque un pléonasme, mais aussi de par les créatures qui la peuplent. Je ne vais pas en dire plus, mais Fintan et les autres vont trouver un refuge assez inattendu, dans un lieu absolument magnifique, et vont y faire des rencontres décisives.
C'est là qu'un nouveau personnage va se lancer dans le récit de sa vie, comme le fit Manesh dans le premier tome. Et ce personnage, c'est Shakti, vous l'aurez compris, puisque c'est le titre du livre (quelle perspicacité !). Oui, mais c'est qui, Shakti ? Mais c'est la Courtisane, voyons ! Ce personnage incongru dont seul le défunt Rana semblait connaître les raisons de la présence à bord.
Le reste des équipages s'est posé bien des questions à son sujet, en grande partie à cause de ce mot plein d'ambiguïté, courtisane, mais aussi parce qu'une mère et sa fille au sein d'une expédition guerrière, cela avait de quoi surprendre. Au coin du feu, au fond de cette forêt millénaire, Shakti va revenir aux origines...
J'ai survolé la première partie du roman, vraiment. Il s'y passe beaucoup de choses, le rythme un peu lancinant, dicté par le fleuve, du premier tome n'est plus, on repart sur les chapeaux de roues, jusqu'à ce refuge inespéré qui va accueillir Fintant, Shakti, sa fille et les autres guerriers qui, vous le verrez, auront bien besoin de cette halte.
De même, je ne vais pas évoquer le contenu du récit de Shakti, à vous de découvrir comment cette jeune mère s'est retrouvée au milieu de ces garçons plus portés vers la guerre que vers les courbettes et l'étiquette auxquelles a dû être habituée la jeune femme. Mais nous allons parler contexte, décors, mythologies... En espérant ne pas trop raconter de bêtises.
A propos de Manesh, nous avions évoqué un univers très original, mêlant des sources d'inspiration venant d'Inde mais aussi de l'Europe du Nord. On va, avec ce deuxième tome, compléter cette palette déjà large et approfondir certaines composantes. Avec un dénominateur commun évident : la forêt, ou plus exactement, les forêts, car le récit de Shakti nous emmène dans une toute autre région.
Le Vyanthryr, qui pouvait faire songer aux jungles de l'Asie du Sud-Est, avec la vision très "Apocalypse now" de ces gabarres le remontant, prends dans ce deuxième tome des allures d'Amazonie. Fintan et les autres plongent dans l'inconnu et ce mystère va croître encore, au gré des découvertes et des rencontres.
Les Teules, ce peuple étonnant qui habite en son coeur, avec ses traditions enchanteresses et ses savoirs dépaysants, a tout de ces peuples oubliés, souvent redécouverts et, hélas, déracinés par ceux qui veulent exploiter ce poumon végétal dans lequel ils vivent en symbiose. Je m'écarte, et en même temps, je crois bien décrire la situation de cette civilisation que Stefan Platteau nous présente.
Le déracinement, il n'en est pas question pour le moment, mais difficile de se dire que, si ceux qui poursuivent Fintan et les rescapés de son équipage arrivaient jusque-là, la sécurité des Teules seraient garantie. En revanche, la symbiose avec la nature, elle, est bien là et je dois dire que le décor, absolument somptueux, de ce deuxième tome est aussi source de bien des questionnements.
Stefan Platteau nous offre une symphonie de couleurs, un vert émeraude, les nuances de bleu (de bleu, j'ai dit !) des mousses, le clair-obscur sous l'épais feuillage, tout cela, je l'ai vu, comme si j'y étais. J'ai ressenti la chaleur des feux, mais aussi la fraîcheur et l'humidité des lieux lorsque le soir tombe. Tout cela, porté par l'écriture tellement riche et visuelle de l'auteur.
Et puis, on change complètement de décor avec Shakti. Le blanc devient subitement dominant, le blanc d'un hiver rude, qui s'est abattu sur d'autres forêts. Je m'y suis senti moins à l'aise, dans ces forêts-là, qui m'ont paru plus menaçantes. Sans doute parce qu'on n'y croise pas vraiment d'équivalents aux Teules, mais des créatures bien différentes.
Shakti est originaire d'une île qui m'a fait penser au Groenland. J'espère ne pas dire n'importe quoi, un crochet sur une autre île, volcanique, celle-là, rappelant l'Islande, tend à conforter mon idée. En tout cas, c'est bien dans cette direction, nordique mais pas forcément scandinave, que nous entraîne l'histoire de la Courtisane.
Là encore, on découvre un peuple autochtone. Enfin, peuple, c'est peut-être vite dit, tant Shakti a grandi dans un coin perdu, isolé et peu dense. Mais, l'important est ailleurs, car si l'humain n'est pas omniprésent, il est là encore au contact de la nature et de ses habitants, dans une relation fondamentale, réciproque et équilibrée.
Allez, je poursuis mes hypothèses, je dirais que le peuple auquel appartient Shakti rappelle beaucoup ceux que nous appelons les Lapons (oui, je sais que le terme est péjoratif, mais j'essaye d'être clair). Et, de ce fait, tout ce qui entoure la jeunesse de Shakti relève de ces mythologies riches et vivantes. Dans ce récit, comme dans celui de Manesh, l'extraordinaire est au rendez-vous.
L'existence de Manesh était mouvementée dès sa naissance, un bâtard, méprisé par sa famille, portant un lourd secret et la douleur de ses véritables origines. Le parcours de Shakti est bien différent. Tout le contraire, en fait, de celui du garçon. C'est celui d'une faute, d'une déchéance inattendue, d'un exil... D'une douleur toujours présente et profonde.
Et, pour le lecteur que je suis, la magie a une nouvelle fois opéré. J'aime l'écriture de Stefan Platteau, je me laisse porter par elle et je suis transporté dans ces mondes si différents de celui dans lequel je vis. Je me prends au jeu des mystères qui entourent ces récits croisés, loin d'être tous élucidés, évidemment, et le suspense qui entoure le sort incertain de l'expédition initiale.
A noter que, pour la première fois, sauf erreur de ma part, on croise au cours de ce deuxième tome l'expression "sentiers des astres", titre du cycle. C'est fugace, rapide, sans précision particulière, pour le moment, mais cette mention suffit à renforcer un peu plus l'atmosphère énigmatique et presque inquiétante qui préside à un voyage d'ores et déjà proche du fiasco.
L'art de Stefan Platteau est de lever le coin du voile sur les personnages qui composent cette improbable assemblée, sans tout nous révéler à leur sujet. Ainsi, si l'on cerne mieux Manesh, il conserve encore bien des secrets. Et, de la même façon, le récit de Shakti ne nous dit pas tout d'elle, ni des raisons qui l'ont amenée sur une gabarre voguant sur le Framar...
Mention spéciale pour le passage sur le passé du Brun de Dhuan, un des survivants du groupe mené par Fintan. Sa jeunesse turbulente au sein des couleuvriniers a connu un léger contretemps, bien involontaire, et le récit de cette grosse année mais surtout le pétage de plomb mémorable qui y mit fin, vaut la lecture. Un moment de détente bienvenue dans un récit globalement assez sombre.
Impossible, à ce stade, de savoir ce que vont devenir les protagonistes, bien loin de leur route initiale et sans visibilité véritable quant à leur avenir. Il reste bien des révélations à découvrir, bien des dangers à braver, sans doute quelques trahisons à déjouer, mais je suis déjà impatient de retrouver l'univers tellement riche et puissant que met en place Stefan Platteau.
Son travail est exigeant, il demande du lecteur une participation de tous les instants. On n'est pas dans la trépidation d'un thriller, non, on se retrouve face à un barde, un troubadour, le soir, au coin du feu, à la veillée et c'est ce récit qui doit nous emporter, au rythme des aventures des uns et des autres. Une geste épique aux accents de saga nordiques que je trouve, pour ma part, très envoûtante.
- Le billet sur le tome 1 du "Sentier des Astres".
Nous allons parler ce soir d'une des sorties les plus attendues de ce printemps, dans le domaine de l'imaginaire. Pour "Manesh", premier tome de son "Sentier des Astres", Stefan Platteau avait reçu l'an passé le Prix Imaginales. Puis, pour nous faire patienter, mais aussi pour nous emmener sur d'autres pistes, il nous avait proposé "Dévoreur", un conte dont l'action se déroule avant l'expédition qui sert de trame au "Sentier des Astres". Et voici donc, enfin, le tome 2 tant désiré, "Shakti" (publié aux Moutons Electriques), car l'auteur avait laissé ses personnages dans une situation bien précaire à la fin du premier volet, il était tant de les tirer de là... Ou pas. En tout cas, de reprendre le fil d'un récit central qui faisait contrepoint avec le récit de Manesh. Le voile est tombé à son sujet, c'est un autre personnage qui va prendre le relais, dans cette suite, avec une nouvelle histoire pleine de bruit, de fureur, mais aussi de merveilleux... Et le fleuve, qui était l'un des personnages à part entière de "Manesh" laisse sa place à un autre paysage, qui rejoint le casting, si je puis dire.
L'expédition chargé de remonter le majestueux fleuve Framar sur les traces du légendaire Roi-Diseur est en pleine débandade. Seuls neuf des passagers des deux gabarres la composant ont survécu et ils sont désormais coincés dans une grotte, où ils ont trouvé un abri en catastrophe. Mais, leurs poursuivants sont toujours à l'extérieur, inquiétants, menaçants...
Les Enfants de l'Hermine rôdent et rongent leur frein, attendant le moment propice pour les déloger. Et puis, ponctuellement, on aperçoit la lumière d'un géant solaire, sans doute venu à la rescousse pour Manesh. Une situation qui, sous l'impulsion du barde Fintan, va sauver la vie au Bâtard, que les autres guerriers voudraient exécuter sans autre forme de procès après ce qu'ils ont appris à son sujet.
Mais, s'il peut communiquer avec les géants solaires, pourquoi ne pourrait-il pas les aider à se sortir de ce mauvais pas ? Il pourrait tout aussi bien les trahir et les jeter dans la gueule d'un loup pour en éviter un autre, mais au point où en sont Fintan et ses camarades, pourquoi ne pas jouer tous les atouts qu'ils ont à disposition ?
Conscients qu'ils vont devoir trouver le moyen de quitter cette grotte avant qu'elle devienne leur tombeau, Fintan et ses amis tentent une première sortie. Objectif : retourner au bateau et retrouver le sceau des Luari, symbole de l'autorité dont Rana était dépositaire et qu'il ne portait pas quand il est mort... Fintant refuse de le laisser aux mains des ennemis.
Une expédition dangereuse, que le barde va mener à bien, accompagné de Nadrach, l'expérimenté, et du jeune et impétueux Cwail. Et qui va lui permettre de faire une découverte effrayante : la preuve qu'on a empoisonné Rana. Qui peut l'avoir tué, sinon l'un des survivants ? Manesh n'aurait pas pu, il y a donc un autre traître au sein du groupe...
La menace grandissant, les neuf survivants, parmi lesquels la Courtisane et sa fille, réussissent à fuir la grotte. Ils s'enfoncent alors dans les épaisses forêts du Vyanthryr, avec leurs ennemis à leurs trousses. Les fuyards veulent s'éloigner du fleuve et pensent que, sous les arbres, ils seront plus à l'abri. Mais, il faudra sans doute combattre.
Cette forêt magnifique, luxuriante, va devenir non seulement le cadre de ce deuxième tome mais un véritable acteur de cette histoire. De par sa végétation, c'est presque un pléonasme, mais aussi de par les créatures qui la peuplent. Je ne vais pas en dire plus, mais Fintan et les autres vont trouver un refuge assez inattendu, dans un lieu absolument magnifique, et vont y faire des rencontres décisives.
C'est là qu'un nouveau personnage va se lancer dans le récit de sa vie, comme le fit Manesh dans le premier tome. Et ce personnage, c'est Shakti, vous l'aurez compris, puisque c'est le titre du livre (quelle perspicacité !). Oui, mais c'est qui, Shakti ? Mais c'est la Courtisane, voyons ! Ce personnage incongru dont seul le défunt Rana semblait connaître les raisons de la présence à bord.
Le reste des équipages s'est posé bien des questions à son sujet, en grande partie à cause de ce mot plein d'ambiguïté, courtisane, mais aussi parce qu'une mère et sa fille au sein d'une expédition guerrière, cela avait de quoi surprendre. Au coin du feu, au fond de cette forêt millénaire, Shakti va revenir aux origines...
J'ai survolé la première partie du roman, vraiment. Il s'y passe beaucoup de choses, le rythme un peu lancinant, dicté par le fleuve, du premier tome n'est plus, on repart sur les chapeaux de roues, jusqu'à ce refuge inespéré qui va accueillir Fintant, Shakti, sa fille et les autres guerriers qui, vous le verrez, auront bien besoin de cette halte.
De même, je ne vais pas évoquer le contenu du récit de Shakti, à vous de découvrir comment cette jeune mère s'est retrouvée au milieu de ces garçons plus portés vers la guerre que vers les courbettes et l'étiquette auxquelles a dû être habituée la jeune femme. Mais nous allons parler contexte, décors, mythologies... En espérant ne pas trop raconter de bêtises.
A propos de Manesh, nous avions évoqué un univers très original, mêlant des sources d'inspiration venant d'Inde mais aussi de l'Europe du Nord. On va, avec ce deuxième tome, compléter cette palette déjà large et approfondir certaines composantes. Avec un dénominateur commun évident : la forêt, ou plus exactement, les forêts, car le récit de Shakti nous emmène dans une toute autre région.
Le Vyanthryr, qui pouvait faire songer aux jungles de l'Asie du Sud-Est, avec la vision très "Apocalypse now" de ces gabarres le remontant, prends dans ce deuxième tome des allures d'Amazonie. Fintan et les autres plongent dans l'inconnu et ce mystère va croître encore, au gré des découvertes et des rencontres.
Les Teules, ce peuple étonnant qui habite en son coeur, avec ses traditions enchanteresses et ses savoirs dépaysants, a tout de ces peuples oubliés, souvent redécouverts et, hélas, déracinés par ceux qui veulent exploiter ce poumon végétal dans lequel ils vivent en symbiose. Je m'écarte, et en même temps, je crois bien décrire la situation de cette civilisation que Stefan Platteau nous présente.
Le déracinement, il n'en est pas question pour le moment, mais difficile de se dire que, si ceux qui poursuivent Fintan et les rescapés de son équipage arrivaient jusque-là, la sécurité des Teules seraient garantie. En revanche, la symbiose avec la nature, elle, est bien là et je dois dire que le décor, absolument somptueux, de ce deuxième tome est aussi source de bien des questionnements.
Stefan Platteau nous offre une symphonie de couleurs, un vert émeraude, les nuances de bleu (de bleu, j'ai dit !) des mousses, le clair-obscur sous l'épais feuillage, tout cela, je l'ai vu, comme si j'y étais. J'ai ressenti la chaleur des feux, mais aussi la fraîcheur et l'humidité des lieux lorsque le soir tombe. Tout cela, porté par l'écriture tellement riche et visuelle de l'auteur.
Et puis, on change complètement de décor avec Shakti. Le blanc devient subitement dominant, le blanc d'un hiver rude, qui s'est abattu sur d'autres forêts. Je m'y suis senti moins à l'aise, dans ces forêts-là, qui m'ont paru plus menaçantes. Sans doute parce qu'on n'y croise pas vraiment d'équivalents aux Teules, mais des créatures bien différentes.
Shakti est originaire d'une île qui m'a fait penser au Groenland. J'espère ne pas dire n'importe quoi, un crochet sur une autre île, volcanique, celle-là, rappelant l'Islande, tend à conforter mon idée. En tout cas, c'est bien dans cette direction, nordique mais pas forcément scandinave, que nous entraîne l'histoire de la Courtisane.
Là encore, on découvre un peuple autochtone. Enfin, peuple, c'est peut-être vite dit, tant Shakti a grandi dans un coin perdu, isolé et peu dense. Mais, l'important est ailleurs, car si l'humain n'est pas omniprésent, il est là encore au contact de la nature et de ses habitants, dans une relation fondamentale, réciproque et équilibrée.
Allez, je poursuis mes hypothèses, je dirais que le peuple auquel appartient Shakti rappelle beaucoup ceux que nous appelons les Lapons (oui, je sais que le terme est péjoratif, mais j'essaye d'être clair). Et, de ce fait, tout ce qui entoure la jeunesse de Shakti relève de ces mythologies riches et vivantes. Dans ce récit, comme dans celui de Manesh, l'extraordinaire est au rendez-vous.
L'existence de Manesh était mouvementée dès sa naissance, un bâtard, méprisé par sa famille, portant un lourd secret et la douleur de ses véritables origines. Le parcours de Shakti est bien différent. Tout le contraire, en fait, de celui du garçon. C'est celui d'une faute, d'une déchéance inattendue, d'un exil... D'une douleur toujours présente et profonde.
Et, pour le lecteur que je suis, la magie a une nouvelle fois opéré. J'aime l'écriture de Stefan Platteau, je me laisse porter par elle et je suis transporté dans ces mondes si différents de celui dans lequel je vis. Je me prends au jeu des mystères qui entourent ces récits croisés, loin d'être tous élucidés, évidemment, et le suspense qui entoure le sort incertain de l'expédition initiale.
A noter que, pour la première fois, sauf erreur de ma part, on croise au cours de ce deuxième tome l'expression "sentiers des astres", titre du cycle. C'est fugace, rapide, sans précision particulière, pour le moment, mais cette mention suffit à renforcer un peu plus l'atmosphère énigmatique et presque inquiétante qui préside à un voyage d'ores et déjà proche du fiasco.
L'art de Stefan Platteau est de lever le coin du voile sur les personnages qui composent cette improbable assemblée, sans tout nous révéler à leur sujet. Ainsi, si l'on cerne mieux Manesh, il conserve encore bien des secrets. Et, de la même façon, le récit de Shakti ne nous dit pas tout d'elle, ni des raisons qui l'ont amenée sur une gabarre voguant sur le Framar...
Mention spéciale pour le passage sur le passé du Brun de Dhuan, un des survivants du groupe mené par Fintan. Sa jeunesse turbulente au sein des couleuvriniers a connu un léger contretemps, bien involontaire, et le récit de cette grosse année mais surtout le pétage de plomb mémorable qui y mit fin, vaut la lecture. Un moment de détente bienvenue dans un récit globalement assez sombre.
Impossible, à ce stade, de savoir ce que vont devenir les protagonistes, bien loin de leur route initiale et sans visibilité véritable quant à leur avenir. Il reste bien des révélations à découvrir, bien des dangers à braver, sans doute quelques trahisons à déjouer, mais je suis déjà impatient de retrouver l'univers tellement riche et puissant que met en place Stefan Platteau.
Son travail est exigeant, il demande du lecteur une participation de tous les instants. On n'est pas dans la trépidation d'un thriller, non, on se retrouve face à un barde, un troubadour, le soir, au coin du feu, à la veillée et c'est ce récit qui doit nous emporter, au rythme des aventures des uns et des autres. Une geste épique aux accents de saga nordiques que je trouve, pour ma part, très envoûtante.