Cigarettes et noms de rue — Le chroniqueur judiciaire Claude Poirier vient d’être condamné à une amende : lors d’un reportage sur sa carrière, on l’a vu en train de fumer. Ça me remet en mémoire un incident au Chat Qui Louche.
J’avais présenté une très belle photo d’une de nos chroniqueuses ; une cigarette pendait à ses lèvres. J’ai reçu des messages… ! Vous n’avez pas honte de… Et on me rappelait les méfaits pour la santé de la cigarette, que je connais très bien – d’ailleurs, je ne fume pas. Pourquoi ne pas montrer la même rigueur éthique envers le junkfood qui tue sa part de citoyens et de citoyennes ?
Actuellement, on débaptise des rues. L’affaire Jutra a donné le signal. Quand je me promène dans mon quartier (celui des écrivains) ou quand je passe dans ceux des peintres et des musiciens, je me demande combien d’entre eux résisteraient à une inquisition de notre engeance moralisatrice ? Combien demeureraient dignes d’affichage devant le tribunal populaire ? Seule l’ignorance sauve les rescapés.
Lorsque une société a perdu ses réflexes moraux surgissent les Tartufe des morales revanchardes, d’air du temps.
Pourtant, on voit de tout à la télé et à toutes heures…
Cachez ce sein que je ne saurais voir…
Le pont — Dans l’oubli de la transcendance, on nage dans l’irréel des phénomènes qu’on tente désespérément d’ordonner et auxquels on tente d’apposer une fin et d’y inscrire notre propre finalité. On construit sur le sable. On souhaiterait que l’impermanence devienne permanence, et on construit des jardins, des zones de confort fragiles où plaisirs et courtes joies sont éphémères, car toujours nous savons… Mais nous ne voulons pas savoir.
Quelle opinion aurions-nous d’un homme ou d’une femme qui construirait sa maison sur un pont ? Nous le dénoncerions comme fou, et une ambulance viendrait le cueillir. C’est pourtant ce que nous faisons chaque jour, dans l’égarement volontaire qui nous fait agir comme si notre vie ne se terminera jamais.
L’auteur…
Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998). Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013). Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011). En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010). Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (MBNE) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur . On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL. De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue. Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).