Mirror #2

Par Noisybear @TheMightyBlogFR

Le second épisode de Mirror , la série de Emma Rios et de Hwei Lim, est comme le premier sur bien des points : le dessin reste très particulier, la couleur avec, la mise en page reste originale et soignée, un peu confondante parfois. Pourtant le feeling est différent. Alors que m'avait laissée perplexe voire désappointée, cette seconde issue me rabiboche avec la série et son univers. Je tombe amoureuse.

C'est certain, il faut être attentif lorsqu'on lit Mirror. Très attentif. Et il ne faut pas hésiter à lire chaque issue plusieurs fois pour bien retrouver toutes les pièces du puzzle disséminées et réussir à les mettre dans l'ordre. Mirror est une série qui n'est pas à la portée de tous et qui, d'ailleurs, ne correspondra pas à ce que beaucoup attendent de la lecture d'un comic book, à savoir du fun et/ou du divertissement. Nous avons ici une œuvre assez opaque de prime abord, bien que très jolie et à la poésie palpable. C'est d'ailleurs parce que j'avais eu cette impression, cette intuition du potentiel du titre, que j'ai continué à le lire malgré un premier numéro qui ne m'a pas totalement convaincu. La team a visiblement pris conscience des faiblesses de son titre cependant, car ils proposent une frise chronologique et un plan du lieu qui nous aide à nous y retrouver, cette fois, seules deux lectures seront nécessaires.

Ce numéro est très axé sur Sena, la jeune femme chien qu'on aperçoit auprès d'Ivan dans le premier numéro. On y découvre sa tentative d'assassinat sur l'homme responsable des expériences sur les animaux d'Irzah, la planète-astéroïde sur laquelle l'intrigue se déroule. Au nom de leur vieille amitié, Ivan va lui venir en aide, nous donnant l'occasion de découvrir ses très grandes capacités et ses pouvoirs et nous laissant absolument abasourdis face à son inaction. Sena elle-même est la première choquée devant les progrès de son ami et le peu d'usage qu'il fait de ses dons, se laissant manipuler sans fin par les humains d'Irzah, lui qui a été élevé auprès des animaux. C'est touchant. Vraiment. Leur relation est troublante, très belle, et la détresse de Sena face aux animaux-cobayes est à vous briser le cœur. Ce numéro est celui qui parvient à toucher votre sensibilité, à vraiment vous attacher aux personnages et à leurs contradictions.

Certes le scénario commence à vraiment prendre de l'ampleur et les choses se mettent en place, c'est très agréable, mais j'aimerais prendre vraiment le temps de vous montrer quelques éléments intérieurs dans cette critique. Parce que, je vous l'ai dit en introduction, la mise en page est originale et très soignée, malgré les couleurs qui dépassent parfois des cadres et le dessin qui se veut rond, fin et si peu appuyé que le trait en devient gris, à peine visible. La mise en page regorge de petites choses intelligentes, discrètes et délicates. Prenons comme exemple ces trois cases sur notre illustration de début d'article, il s'agit du tout début d'une nouvelle scène : une case pour introduire un personnage, puis le second, et la troisième qui n'est qu'un cadre blanc incrusté sur le décor de fond pour introduire le lieu. Toujours sur cette illustration, les silhouettes d'oiseaux qui encadrent les deux premières cases les distancient de la troisième, soulignant subtilement l'écart entre les quatre scènes : Sena descend du balcon, Lesnik (l'ours) la voit partir puis va la rejoindre, pour qu'enfin tous deux se trouvent face à face pour parler des pertes dues à leur dernière tentative de sauvetage des cobayes. Ça a l'air anodin comme ça, à première lecture, mais lorsqu'on s'y attarde c'est très beau, très poétique. Le cadre ajouté est une étape de plus dans la narration qui arrête notre regard et nous donne le temps d'enregistrer une information en plus : le lieu a changé. Cette belle subtilité est si discrète que ce sont ces scènes qui ne paient pas de mine qui nous donnent cette impression, en fin de lecture, d'être passé à côté de tout ce qui était beau dans Mirror tant cette beauté peut se faire modeste. On le lit d'une traite et un sentiment d'inachevé nous submerge : c'est certain, on a raté quelque chose, et c'est ça, c'est le détail, c'est la beauté. Il faut lire Mirror lentement, le savourer en regardant chaque détail.

Par ailleurs, le travail de cover est toujours magistral, avec des couvertures doubles qui ont un réel sens, au cœur de l'intrigue du numéro, rendant l'objet physique d'autant plus désirable. A nouveau, les quelques pages de la fin changent de style et nous proposent un flashback sur la jeunesse commune d'Ivan et Sena, lorsque les deux héros du titre étaient encore insouciants et amis, lorsque les intrigues politiques ne les inquiétaient pas encore. Je reste dubitative quant au style de ce second artiste, c'est à peine si on y reconnait les personnages (heureusement qu'ils sont nommés pour nous aider à nous y retrouver) mais l'anecdote explorée est assez intéressante alors pourquoi pas.

Il faut que je m'arrête là, que je trouve la volonté de ne pas décortiquer chaque élément, chaque détail, parce que je veux vous laisser ce plaisir. Je me retiens parce que, vraiment, je crois que je pourrais trouver quelque chose à analyser sur chaque page, il y a tant de scènes sans paroles qui valent le coup d'être décortiquées (l'alarme lors de l'intrusion de Sena, la bataille de soutien de Lesnik, l'introduction de Zun format souris et tout ce que ça sous entends (Zun a-t-il été ensuite le cobaye de Kazbek ? Pourquoi Ivan n'est-il pas intervenu ? Est-il resté derrière au laboratoire après l'attaque de Sena ?)), tant de détails contenus dans une phrase qui éclaire tout un pan d'un personnage (surtout pour cette pauvre Keaper, un clone magique de Sena qu'Ivan repousse au profit de l'original). A propos encore de Zun, avoir fait de lui le narrateur des événements de ce numéro (qui se déroulent en grande partie dans le passé donc) était d'ailleurs une si bonne idée ! La relation qui se crée entre Zun et le Sphinx est si mignonne, comment résister à tous ces petits animaux mignons qui se battent pour leur survie ! Je vais m'arrêter là car mon enthousiasme déborde mais ne vous inquiétez pas car on se retrouve pour Mirror #3 qui est, je peux déjà vous le dire, le meilleur numéro des trois déjà publiés de la série. A croire qu'on y va crescendo.

Mirror #2

Image Comics * Par Emma Rios & Hwei Lim * $2.99
Je suis ravie d'avoir insisté avec Mirror, de ne pas m'être laissé décourager par une première issue trop dense et peu claire. Il faut, bien sûr, faire l'effort de lire plusieurs fois chaque issue, certes, ça demande une certaine volonté et je comprends qu'on puisse ne pas l'avoir. Mais la poésie et la beauté du titre commence à nous sauter aux yeux dès la seconde lecture, lorsqu'on remarque que tel détail cache tel sous entendu et que ce personnage qui paraissait mauvais s'avère plus profond que prévu. Mirror mérite qu'on lui dédit du temps et de l'amour, même s'il n'est vraiment pas facile d'accès.