On dit que le chat vit entre deux mondes. Pas tout à fait ici et un peu là-bas. Un œil sur nous et l’esprit de l’autre côté. Il captive les amoureux des félins et nos ancêtres depuis toujours. Il était un dieu chez les Égyptiens, la déesse Bastet. Soit qu’on les adore, ou qu’on les déteste, d’autres en ont peur tandis que certains en ont trop. Peu importe ce qu’on en pense, nous sommes tous d’accord sur quelque chose, ils inspirent le mystère, la perfection et le charme. Créature du dieu soleil ou enfant d’Amon, fils du diable, il est certain que le chat est connu pour son tempérament à deux visages. Son antagonisme fascine ou terrifie. Il arbore fièrement au quotidien son indépendance et par la suite se laisse trahir par ses ronronnements affectueux. Le chat est et restera aux yeux des hommes, un symbole de l’au-delà.
L’Égypte lui vouait un culte, stimulant ainsi l’amour et l’énergie charnelle pour assurer leur dynastie. Il protège encore farouchement la Vallée des reines à travers le temps et son côté sacré n’échappa pas au Moyen âge, à l’Inde, ni au Japon, et il conquerra toute l’Europe. On plaisante souvent en disant qu’il a 9 vies, qu’il retombe toujours sur ses pattes, qu’il se purge de nos ondes négatives absorbées durant la nuit en dormant une bonne partie de la journée et que malgré sa domestication, il est resté un chasseur hors pair. Dans le passé, il était le familier des sorcières chassant les mauvais esprits des chaumières, tout en restant un mauvais présage pour les superstitieux lorsqu’il naissait avec un pelage noir corbeau. L’humain a dompté son côté tendre, mais nous n’aurons jamais le contrôle de son instinct sauvage…
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Ludovic est un magnifique matou qui est entré dans ma vie, un jour, comme un « chat dans un jeu de quilles ». Des récits rappellent que si un chat choisit votre demeure, c’est que vous aviez besoin de lui, à ce moment précis de votre existence. Il faut l’accueillir, le nourrir, lui apporter chaleur et réconfort, car il risque de vous retourner la pareille. Il était là, tout penaud, un lundi matin de mai, me disant bonjour d’un miaulement long et rauque au seuil de ma porte. Il portait un joli collier noir avec une médaille en argent. Son nom y était gravé. « Il appartient surement à quelqu’un », me dis-je. Je fis des recherches, je passai son annonce plusieurs fois sur les réseaux sociaux, j’ai même appelé la SPCA de ma municipalité, mais rien, toujours rien, même après plusieurs mois. Il n’a jamais essayé de s’enfuir ; même à l’extérieur, il restait tout près de moi. Je me souviens, je me disais : mais qui a eu l’audace d’abandonner un tel chat !
Mon conjoint et moi essayions à cette époque d’avoir des enfants. Je venais tout juste de me remettre d’une fausse couche. J’étais encore sur les hormones de grossesse et Ludo, de son surnom, m’était d’un incroyable réconfort avec ses ronrons. Il y avait quelque chose d’étonnant dans ses yeux vert émeraude. Un regard profond et rempli de sagesse. Quel âge pouvait-il bien avoir ? Poils au vent, il surveillait son nouveau territoire comme un roi. Il dormait sur mon ventre, sa chaleur me faisait le plus grand bien. Jusqu’au jour, où, surprise, j’appris que j’étais de nouveau enceinte. Ayant eu quelques fausses couches, dont la dernière qui fut très douloureuse, j’étais très anxieuse. Ludovic passa les neuf mois suivants lover contre mon ventre. Le jour J arriva… Nous revenions avec le petit Gabriel, Ludo nous attendait de pied ferme, comme s’il voulait savoir si tout allait bien. Je couchai le bébé dans son landau, il dormait à poings fermés. Ludovic le veillait de son iris, porte ouverte vers un autre monde. Soudain, il se leva, se retourna et se dirigea vers la porte d’entrée. Un miaulement aigu retentit, je compris qu’il voulait aller dehors, mais sans moi.
Après coup, je me dis aujourd’hui que jamais je n’aurais dû ouvrir la porte ce jour-là. Il fit ce qu’il n’avait jamais fait au paravent : comme un automate, il prit le chemin de l’entrée asphaltée vers un avenir incertain. Il se dirigea tout droit vers la route principale. Je criais son nom par-delà mon balcon. Il se retourna une dernière fois, me regarda longuement et reprit son chemin, sans jamais revenir. Les yeux baignés de larmes, je le vis disparaitre au loin. Il semblait savoir où il allait, comme soudainement chargé d’une mission.
Je songe à lui comme un vagabond à l’âme charitable. Je fis des recherches, je passai son annonce plusieurs fois sur les réseaux sociaux, j’ai même appelé la SPCA de ma municipalité, mais rien, toujours rien, même après plusieurs années, je n’ai jamais eu la moindre nouvelle de lui. J’aime aujourd’hui l’imaginer éternel. J’aime rêvasser qu’il est dans les bras d’un autre être dans le besoin, ronronnant. Mon Ludo, comment pourrais-je t’oublier ? Depuis, chaque matin que dieu fait, j’ai peur de te retrouver sur la chaussée, ensanglanté, agonisant ! Je me rappelle ton pelage noir et blanc, le bien et le mal qui s’entrelacent dans la douceur, le yin et le yang se rencontrant en parfaite harmonie. Mon Ludovic, mon ami, mon messager. Le chat vient peut-être d’un autre monde, doté de pouvoirs qui lui appartiennent, il semble en effet immortel. Je comprends maintenant les Égyptiens de les avoir tant vénérés.
Karine
Notice biographique
Karine St-Gelais est une écrivante qui promet. Nous aimons ses textes pleins de fraîcheur. Laissons-la se présenter. « Je suis née à Laterrière, dans la magnifique ville de Saguenay. Depuis près de huit ans une Arvidienne, j’aime insérer dans mes histoires des frasques de l’enfance et des coups d’œil sur ma région. Je suis mariée depuis dix ans. J’ai trois beaux enfants, un affectueux Bouvier Bernois et un frère cadet de 21 ans. Je suis née le 3 septembre 1978 sous le signe astrologique de la Vierge. J’adore l’automne et sa majestueuse toile colorée. J’aime la poésie, les superbes voix chaleureuses et les gens qui ne jugent pas à première vue. Née d’une mère incroyablement aimante et d’un père absent, je crois que la volonté et l’amour viennent à bout de tout. Au plaisir de vous rencontrer sur mon blog:http://www.facebook.com/l/3b24foRTZrfjfcszH7mnRiqWa9w/elphey »