Sans donjon ni Dragon de Olivier Boile, paru en mars 2016 aux éditions Nestiveqnen
Nous sommes gâtées au Bazar Littéraire, nous avons reçu ce mois-ci deux livres grâce aux masses critiques de Babelio. Je vous ai présenté le premier il y a quelques jours (sinon, à zieuter par ici), voici le second, qui nous vient des éditions Nestiveqnen, que je ne connaissais absolument pas avant ce jour.
C’est un recueil de nouvelles fantastique-fantasmagorique-fantasy-science-fiction. Nous l’avons pioché dans une masse critique spéciale Imaginaire, pas forcément orientée jeunesse à la base. Mais, après lecture, ce recueil peut tout à fait convenir à des adolescents à l’œil et l’imagination avertis.
Olivier Boile est principalement un nouvelliste fantastique, mais est également l’auteur de quelques romans. Je ne le connaissais pas pour ma part, mais je suis très contente d’avoir fait la connaissance de ses écrits ! J’en ai aimé certains, d’autres moins, mais l’avantage d’un recueil de nouvelles c’est qu’il y a quand même peu de chance d’être déçu du début à la fin ; on y trouve forcément son compte à un moment. Ce recueil n’a pas été écrit spécifiquement pour l’occasion, mais reprend différentes nouvelles qu’il a rédigées ses quinze dernières années environ, parues principalement dans des fanzines et recueils fantastiques (de divers auteurs) ; on y retrouve également des inédits qui n’ont jamais été publiés. Cela permet donc aux gens qui apprécient cet auteur de ne pas devoir acheter tous les supports dans lesquels apparaissent ses écrits pour avoir le panel de ses œuvres, ainsi que de découvrir de nouveaux textes et de se sentir privilégiés. C’est le type de recueil que j’aime.
Puisque nous avons affaire ici à 20 nouvelles, je ne peux vous faire un résumé précis de chacune. Mais je peux tenter de vous indiquer la teneur principale de cet ouvrage.
Tous les textes présents dans ce livre nous plongent dans l’Imaginaire. A un sens très large du terme. On peut autant lire des textes fantastiques, que de fantasy, voire tirant sur la science-fiction.
Le titre du recueil est particulièrement bien choisi. Sans donjon ni dragon, c’est bien ainsi que sont les textes d’Olivier Boile. A teneur fantastique, sans pour autant reprendre les évidences du genre et en retravaillant d’une façon très personnelle chaque motif présent dans les histoires. D’ailleurs, j’ai également beaucoup aimé le découpage à l’intérieur de l’ouvrage. N’a pas été choisi un ordre chronologique de parution ou d’écriture des récits, ni une classification par thème, mais un ordre chronologique d’époque. Ainsi, nous nous retrouvons avec 20 nouvelles séparées en cinq époques distinctes. Je vous mets une photo de la table des matières pour que vous ayez également un aperçu des différentes nouvelles qui composent le livre.
Pas besoin de vous détailler plus chaque partie, on comprend bien de quoi il s’agit.
C’est ce qui m’a le plus attirée dans cet ouvrage : la diversité des textes proposés. Que l’on aime le fantastique ou non, on peut y trouver son compte. Ce serait très compliqué de ne pas aimer au moins une nouvelle de ce recueil. En effet, tout en étant liées entre elles par la plume de l’auteur et par un fond Imaginaire, elles sont tellement différentes que l’on ne peut que trouver son bonheur à un moment ou à un autre.
Styles d’écriture, thèmes, genres, psychologies des personnages, décors… tous ces éléments varient d’un récit à l’autre. Narrateur externe ou interne… Conte, lettres intimes, extraits de journaux, quelques scènes érotiques (c’est pourquoi je ne le conseille quand même qu’à partir de 14-16 ans)… Mythologie, Histoire de France ou d’autres contrées, Religion… Grèce, Australie, Angleterre, France, Pays-Bas… Château fort, désert, forêt luxuriante, pensionnat pour garçons, station de radio… Cliché de princesse en haut de sa tour, démon, chevalier pas si preux que cela, déesse, journaliste… Dans ses histoires plus contemporaines, l’auteur aborde même des sujets très actuels qui touchent notre société et sort pour cela de l’Imaginaire tel que dans ses autres nouvelles. Il aborde par exemple, le thème de l’immigration et du racisme.
L’auteur nous offre un panel hallucinant de ses compétences en matière d’écriture. Et il est très doué dans tous ces domaines.
Tous ses textes sont soit tirés de fonds d’histoires vraies, soit sont des créations complètes ; l’un ou l’autre, il sait y mettre sa patte. C’était un vrai plaisir de redécouvrir sous un nouvel angle des histoires que l’on nous rabâche depuis tout jeune et qui finissent par perdre de leur intérêt. La mythologie, pourtant figée dans son temps, prend ici une nouvelle dimension, par exemple. On peut d’ailleurs découvrir des légendes qui sont bien occidentales et pourtant peu connues du grand public et ce vent de fraîcheur dans des sujets si exploités fait beaucoup de bien.
J’ai adoré le mélange des genres de certaines nouvelles. Par exemple, alors que l’on se croit tranquillement à l’époque où Jésus vient d’être crucifié, et où donc la science-fiction n’existe même pas encore, on plonge pourtant entièrement dans un univers de science-fiction.
Olivier Boile exploite même parfois une légende sans y mettre aucun côté fantastique. Je pense à Le Blues de Zwarte Piet où l’on découvre le personnage typique de Saint-Nicolas, à la sauce Amsterdamoise, qu’un homme incarne en faisant le tour des rues pour rencontrer les enfants. Il reprend donc le fond de cette légende enfantine, mais il n’y a rien de surnaturel dans ce récit. Plutôt une bien triste réalité.
Olivier Boile nous fait également découvrir des légendes d’autres lieux, tel que le passeur d’âmes des pays Inuits ou le Bunyip, monstre australien. Figures que j’ai pris plaisir à découvrir car je ne les avais jamais rencontrées et j’avais peu de chance de tomber dessus autrement qu’en lisant ces nouvelles. D’ailleurs, les notes explicatives sur chaque récit sont les bienvenues dans ce cas, car on comprend que ces personnages qui ne sont pas connus dans notre folklore occidental, ou du moins français, sont tirés de vraies légendes dans d’autres pays, plutôt que de croire que cela sort uniquement de l’imagination de l’auteur.
Merci pour le petit marque-page en bonus :p
Ces fameuses notes tiens. A la fin de chacune des cinq parties du recueil l’auteur donne quelques explications sur chacun des textes que le lecteur vient de lire. C’est un point que j’ai beaucoup apprécié, le fait que ce ne soit pas un recueil pur et simple, mais avec un nouvel investissement de la part de l’auteur. En effet, pour chaque nouvelle, il a rédigé 3-4 paragraphes expliquant quelques données sur celle-ci. Comment lui est venue l’idée, pourquoi il a travaillé sur ce thème, comment il a abordé le sujet, le succès qu’a rencontré la première publication… Autant d’éléments qui intéressent les lecteurs, en tout cas moi. De plus, il donnait parfois quelques indications supplémentaires sur l’élément historique qu’il avait choisi par exemple, ce qui n’était pas de refus pour quelqu’un qui s’y connaît si peu que moins dans ce domaine et qui butait donc parfois sur des passages des textes. La plupart du temps, tout s’éclairait grâce à la note.
Parmi tous ces éloges, j’ai quand même deux petits griefs sur l’ensemble du recueil.
Le premier est que, malgré la force d’écriture d’Olivier Boile et ma surprise face à la chute de certaines nouvelles (on ne s’y attend vraiment pas et c’est très agréable d’être ainsi étonné), pour d’autres ce fut un peu plus mitigé. Dès le départ, et parfois à cause du titre, on se doute déjà du chemin que l’auteur va faire prendre à ses personnages. On s’attend jusqu’à la fin à ce que ce que l’on pense ne se réalise pas, mais pourtant si. Mais ça aussi c’est un avis très personnel. J’adore être surprise dans une lecture et je suis une lectrice très naïve, donc ce n’est pas dur avec moi. Quand je devine la fin, ça m’embête.
Le second point noir n’est pas du ressort de l’auteur : je n’apprécie pas totalement la couverture. Exactement comme je le disais dans mon précédent article, je n’aime pas quand elle spoile, mais encore moins quand on y voit une scène qui n’existe pas dans le livre. Ici la couverture illustre relativement bien le propos du recueil en montrant deux mondes totalement opposés qui pourtant se rejoignent, mais il n’y a pas d’histoire de princesse qui parle à son motard par la fenêtre. Quand j’ai eu le livre dans les mains la première fois, j’ai eu hâte de me mettre à le lire, pour assister à la scène qu’affichait la couverture ; je fus donc déçue de ne pas avoir gain de cause. Mais c’est vraiment une histoire de goût, je comprends en même temps le choix de l’illustrateur et de la maison d’édition.
Pour terminer et vous donner un aperçu un peu plus précis sur ce recueil, je vous donne mon avis sur des nouvelles plus précisément. Ma préférée et celle que j’ai le moins appréciée. Je finis d’ailleurs par la favorite pour finir sur une note positive !
La nouvelle que j’ai le moins aimée : Si tous les rois de la Terre
Dans cette nouvelle, Olivier Boile nous transporte au temps de Napoléon, son époque fétiche, et y ajoute sa touche perso : des vampires. Malheureusement, cette nouvelle ne m’a vraiment pas plu et du coup j’en ai déjà oublié pas mal sur elle. Je suis d’autant plus désolée que ce soit celle-ci la dernière de ma liste car l’auteur explique dans ses notes sur ce texte, qu’à sa première publication il n’a pas trouvé son public et espère que cette seconde parution lui redonnera une chance. Malheureusement, ce n’est pas avec moi que cette chance se présentera. J’ai également été un peu « déçue » de ce qu’a justement écrit l’auteur dans la note suivant ce court récit. Voici le passage qui me préoccupe :
« Si le texte a plu au comité de lecture des éditions du Petit Caveau, il semble que la majorité des lecteurs soit passée totalement à côté. L’ancrage historique très solide a rebuté. Sans doute aurait-il fallu placer mes vampires dans un cadre victorien de carton-pâte… On critique, à raison, les lecteurs de littérature générale qui rejettent d’emblée tout élément fantastique ; avec Si tous les rois de la Terre, j’ai expérimenté l’inverse : les lecteurs acharnés d’imaginaire qui refusent catégoriquement de « recevoir une leçon d’Histoire ». On ne sait jamais, se cultiver un peu en lisant du fantastique pourrait être dangereux pour la santé. »
Je trouve sa façon de parler de ses lecteurs assez déconcertante, voire méprisante. Qui a dit que si les lecteurs n’avaient pas aimé sa nouvelle c’est à cause du côté culturel qu’il y a dedans ? Pourquoi insinue-t-il (en tout cas c’est comme ça que je le ressens) que les lecteurs ne veulent pas se cultiver et seraient donc bêtes de refuser sa nouvelle ? Pourquoi ne peut-il tout simplement pas envisager que ce n’est peut-être pas sa meilleure nouvelle, ou qu’elle n’a pas marché comme les autres et puis c’est tout ? Il est limite insultant envers sa première salve de lecteurs sur ce texte. D’autant plus que la majorité des nouvelles que j’ai lues dans ce recueil font énormément appel à différentes parties historique, religieuse, mythologique, parfois peu connues du grand public. Et pourtant elles ont marché. Ce n’est donc peut-être pas le côté « culture » qui a déplu puisqu’il a conquis dans les autres textes (en tout cas c’est justement l’un des points qui m’a le plus emballée personnellement, donc c’est vraiment injustifié de dire cela). Pour ma part, ce n’est absolument pas ça qui m’a rebutée. J’ai juste trouvé cette nouvelle plus lourde, moins fluide que les autres. J’ai moins apprécié le style d’écriture. Rien à voir avec l’époque, ça m’a même un peu amusée. Alors peut-être que l’auteur ne se voulait pas aussi méprisant envers ses lecteurs que je l’ai ressenti dans sa note, mais tout de même, je pense qu’il aurait pu montrer sa frustration autrement. Peut-être a-t-il reçu de très vives critiques directes par ses lecteurs à la première publication de cette nouvelle et dans ce cas je comprends sa véhémence, mais il n’a pas besoin de mettre tous les lecteurs dans le même sac. Après tout, un auteur doit aussi savoir accepter la critique et que l’intégralité de ses œuvres ne soit pas aimée de tous.
En passant, je signale que je n’apprécie pas plus le fait qu’il dise qu’on a raison de critiquer les lecteurs de littérature générale qui rejettent en bloc tout élément fantastique. C’est leur choix, ils font ce qu’ils veulent. Tout comme on a le droit de ne pas vouloir regarder les films d’amour ou d’horreur parce que l’on n’aime pas ça. C’est bien dommage de ne pas s’y essayer de temps en temps pour voir si on ne peut pas changer d’avis, je suis d’accord, mais après tout, quand on a eu PAL digne d’un gratte-ciel, autant lire ce qui nous plaît non ?[1]
Les nouvelles que j’ai le plus aimées :
J’ai beau avoir pas mal de griefs contre la nouvelle dont je viens de parler, ce n’est quand même que la seule qui m’ait vraiment déplu. Car pour choisir ma favorite, ce n’est pas chose facile. Voici donc mon top 5, parce que je n’arrive définitivement pas à me décider :
- La nuit tombe sur Sherwood : ce n’est pas le spoil du siècle, on le comprend bien à travers le titre, on va parler de Robin des Bois. Je la sélectionne tout simplement parce qu’en Master, en cours de littérature du Moyen-âge mon sujet de dossier a porté sur l’homme au collant vert et qu’il aura toujours une place dans mon cœur.
- Mon doux chevalier : pour l’absurde de ce texte, pour le cliché parfait de la princesse gnangnan et un peu trop enflammée.
- Ne réveillez pas le cancre qui dort : je n’ai jamais été mauvaise élève, mais le personnage de cancre de ce récit et le retournement de situation cruel m’ont tenue en haleine et un rictus m’est monté aux lèvres. Mon côté sadique s’est réveillé pendant quelques instants…. Gniarkgniarkgniark !
- Chasse à l’homme ! : pour l’inversement des rôles. Les monstres qui s’attaquent aux hommes car ces derniers déciment leurs troupeaux.
- Dame Autunnale et le pouvoir des fleurs : pour la poésie, la tristesse et la beauté de ce conte classique digne des contes d’autrefois.
Je viens juste de m’en apercevoir, mais mon top 5 se compose uniquement d’œuvres prises dans les deuxième et troisième époques : Sans Donjon ni Ménestrel et Sans Elfe ni Dragon, qui sont effectivement mes époques de prédilection quant à mes lectures actuelles. Même pas fait exprès !
En tous les cas, je reste très heureuse de ma découverte et d’ajouter ce recueil à ma bibliothèque.
Un grand merci à Babelio pour avoir été sélectionnées et aux éditions Nestiveqnen pour cette belle découverte !
Bonne lecture de l’imaginaire les loulous !
[1] J’en profite pour glisser un mot sur le fait que je parle bien ici des lecteurs et non des éditeurs. En effet, un éditeur, lui, se doit d’être ouvert à toute proposition (en respectant une certaine ligne éditoriale bien sûr, je ne dis pas qu’une maison d’édition de guides touristiques devrait se mettre à faire une réédition des Shakespeare…) et d’élargir son champ de vision pour sa maison. Or, pour ceux qui s’intéressent à l’actualité littéraire jeunesse du moment, L’école des Loisirs vient de changer au niveau de la direction. Et son directeur a clairement dit que le fantastique n’était pas sa tasse de thé, qu’il n’en voyait pas l’intérêt pour les enfants et voulait donc réduire ce type d’écrit dans les collections à partir de maintenant (je vise peut-être un peu large, mais, sans pouvoir vous fournir avec précision une paraphrase, c’est ce qui ressort des discussions de ces derniers temps). Beaucoup d’auteurs se retrouvent donc démunis. Pour plus d’infos, rendez-vous sur cette page : https://laficelleblog.wordpress.com/. Voilà, je suis contente d’avoir pu placer quelque part mon tit coup de gueule qui traîne depuis quelque temps :p