Is this Desire ? un texte de Clémence Tombereau…

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Ces curieuses périodes la prenaient en flagrant délit d’existence : elle vivait, comme tout le monde, humaine parmi les humains, contrite quelquefois dans le carcan de toutes les choses qu’un être humain se doit de faire – ou de ne surtout pas faire, savoir-vivre oblige – quand l’animal en elle surgissait.

Cela s’engouffrait jusque dans sa physionomie : son corps se déliait, se rapprochant du mieux qu’il pouvait d’une nature liquide, mouvante, fourbe et insaisissable, ne pesait plus grand-chose, se creusait jusqu’à devenir un abîme qui n’était que désir. Un puits sans fond. Des abysses s’étendant jusqu’aux racines obliques de l’humanité, à cet âge où les besoins de l’homme relevaient de la survie : instinctivement perpétuer la race et éviter la mort. Elle n’était alors que cela – désir crucial.

Son visage, quant à lui, puisait dans ces méandres une étrange lueur : elle s’étoilait. Ses yeux se faisaient phares dans l’obscur quotidien, brillants comme pris de chagrin, de fièvre, d’extase ou bien de drogue, regard capable de parcourir alors le cosmos d’un seul battement de cils – fardés.

Sa bouche se paraît d’un renflement sensuel : purpurine, irriguée de plus belle par un sang devenu lave folle, ces lèvres n’étaient alors qu’une terre féconde où le monde et bien plus promettaient de fleurir.

Une imperceptible mutation se faufilait sous ses pores, sous sa peau, naviguait dans ses veines : sous la carapace du si banal humain, le désir prenait ses aises, se personnifiait, hydre affolante, goulue d’espaces, de corps et d’infinies jouissances.
Oh ! Il fallait la voir ces jours-là ! Certains d’ailleurs n’étaient pas dupes, peut-être connectés comme elle à une forme primitive de l’humain. Certains, oui, semblaient deviner l’infime différence, la serpentine sensualité qui ne demandait qu’à être assouvie, caressée et domptée pour, enfin, si possible, se rapprocher du vide, de la mort, de la vie, de tout ce qui finalement se ressemble beaucoup trop.

(Titre : PJ Harvey)

Notice biographique

Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan.  Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge chat qui louche maykan alain gagnonDéclic (numéro 2 et numéro 4) et un essai (Esthétique du rire et utopie amoureuse dans Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier) aux Éditions Universitaires Européennes.  Récemment, elle a publié Débandade (roman) aux Éditions Philippe Rey.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)