En Italie une mini série publiée chez Sergio Bonelli éditeur recueille ces derniers temps l'attention toute particulière du public et de la critique. Il s'agit de UT qui mêle allègrement scénario post apocalyptique et influence gothique, le tout dans un petit format noir et blanc typique de la production populaire transalpine. Le dessinateur Corrado Roi a placé dans cette saga de nombreuses influences diverses et variées, qui vont du cinéma expressionniste allemand, à l'horreur pure et simple, en passant par l'épouvante à la Edgar Allan Poe. La scénariste est Paola Barbato, très régulièrement à l'oeuvre sur des titres comme Dylan Dog, ces dernières années. Dès les premières pages elle accompagne le lecteur dans une ville dystopique et un monde au bord du chaos, à travers ce qu'elle appelle les rues de la faim (vie della fame) où nous trouvons de pseudos êtres humains cannibales, sans que nous puissions réellement comprendre de quoi ou qui il s'agit. En fait UT est le nom du protagoniste de cette mini série; c'est un personnage inquiétant et étrange qui se cache derrière un masque. Son comportement est plutôt infantile, et il ne rechigne pas à faire couler le sang. On sent en lui une certaine violence, mais aussi une forme poétique de naïveté, et il est particulièrement attaché à un chat du nom de Leopoldo. Le titre de cette série s'affiche en lettres de sang sur la couverture, ce qui fait référence au IT de Stephen King. Pour ceux qui ne le savent pas, UT est une expression que nous devons à l'ancienne Égypte, et qui à l'époque servait à indiquer les bandes utilisées lors de la momification, et les assistants qui opéraient lors de ce rituel . Rien d'étonnant donc à ce que le héros du titre officie dans une mastaba, c'est-à-dire une sorte d'édifice funéraire propre aux pyramides, et que nous retrouvons des animaux comme le chat, ou des insectes comme ceux que capture l'entomologiste Decio, au service duquel semble être UT.
Une autre créature mystérieuse hante cette bande dessinée, il s'agit de Iranon, que l'on devine doté d'un grand pouvoir, ou plus probablement en tous les cas d'une grande force. Son patronyme est hérité de l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft, ce qui confirme l'amour pour le gothique qui suinte de cette histoire. La structure sociale et les zones urbaines dépeintes par Roi semble régies par les instincts primitifs. Le rôle du grand méchant est tenu par Caligari, à la tête d'une congrégation inquiétante, et vêtu d'un manteau le rapprochant du Nosferatus du cinéma allemand des années 20. Il est très difficile de véritablement situer UT, de le calibrer correctement, le classifier dans un quelconque courant. Il s'agit d'une série qui pose plus de questions quelle ne donne d'indices pour y répondre. A ce jour deux numéros sont déjà sortis, et pourtant bien malin qui comprend où Paola Barbato à décidé d'aller avec ce récit, qui nous emmène à travers une architecture anguleuse et distordue, où les onomatopées peuvent devenir envahissantes et cacophoniques, où la matière organique et inorganique se confondent dans des scènes fabuleuses, quand certaines statues inanimées prennent vie. Nous avons notre dose de véritables moments horrifiques avec des pierres tombales qui s'animent et parlent, et un portail composé de corps enchevêtrés, dont le rêve et l'aspiration est de se détacher pour aller goûter fugitivement au monde extérieur. Il y a vraiment de tout dans ce UT, même par moment des petites choses qui rapprochent cette production de Neil Gaiman et de son Sandman onirique. Le lecteur ne sait jamais vraiment où il se trouve, dans quel état de conscience, puisqu'il est privé de tout repère historique, géographique, même social, placé devant un monde où tout est à réapprendre et à appréhender au fil des pages. Une sortie exigeante et passionnante, qui je l'espère aura droit prochainement à une adaptation en français, car il s'agit là d'un produit de grande qualité et particulièrement intrigant.
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