Chronique « Louise, le venin du scorpion »
Public conseillé : Adultes et adolescents,
Scénario de Chantal Van den Heuvel, dessin de Joël Alessandra,
Style : Biographie
Paru aux éditions « Futuropolis », le 18 mai 2016, 128 pages, 22 euros,
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Ce que j’en pense
Louise, c’est Louise Brooks et ceci est sa terrible histoire de son enfance à sa mort
Son trajet fut celui d’une étoile, d’une étoile filante. Elle a marqué l’histoire du cinéma malgré une carrière courte, interrompue par le crash de 1929, par son intransigeance avec la bassesse et par sa fierté d’être libre. Elle fut l’une des grandes stars du cinéma muet mais ne survécut pas à ce dernier. Sa coupe de cheveu est encore célèbre et pour moi, vieil adolescent, l’expression de la féminité assumée.
L’histoire de louise est violente, odieuse, dès le début. On ne peut pas dire que sa vie fut un enfer car elle vécut quelques années heureuses de la danse, à ses débuts, à Broadway, puis du cinéma muet.
Mais la chute fut rapide et sans rémission réelle.
Au travers de sa vie et de ses déplacements en Europe, juste avant la 2e guerre et l’arrivée du nazisme, c’est la grande histoire qui se dessine en toile de fond ; L’industrie du cinéma aux USA, à Los Angeles, avec ses studios tout puissants, ses soirées débridées, la drogue et l’alcool. C’est l’Europe et la vague brune qui monte, qui terrorise les rues (Hitler n’est pas encore au pouvoir).
Elle cumulera les aventures, aussi libre qu’un homme. Pour rappel elle est née en 1906. A cette époque la pilule n’existe pas encore et une femme qui vit sa sexualité librement est immédiatement déconsidérée. La liberté de Louise est aussi bien sexuelle que dans ses choix politiques ou de carrière. Pour copier un tube des années 80, «Elle est libre, Louise».
La trame est relativement linéaire, malgré quelques va et-vient historiques. On a un sentiment de désolation, d’injustice, de tristesse pour cette actrice hors norme.
Chantal Van den Heuvel a une grande tendresse pour ces femmes fières et libres malgré toutes les oppositions. Elle avait déjà écrit Aung San Suu Kyi, la dame de Rangoon en 2014.
Joel Alessandra, au dessin, est étonnant de sobriété. Toujours dans les tons qu’il affectionne, l’ocre, les gris, les tons tristes. Je l’avais découvert au travers d’escales en femmes inconnues, une espèce de carnet de voyage érotique, exotique, assez poétique. Les couleurs y étaient sensiblement les mêmes. Le ton triste global de ces couleurs n’en reste pas moins tout à fait en accord avec la tristesse du propos de la BD Louise, le venin du scorpion.
Joel nous sert un jeu de cases élégant, extrêmement varié. Des cases fermées puis ouvertes, peut-être pour attirer l’attention du lecteur ? Certaines cases ouvertes servent de fond au reste de la page. Et puis, je ne pourrais taire ces passages de cases noires et blanches pour évoquer le travail de Louise Brooks. On perçoit son application pour rendre le regard de Louise. Vous souvenez vous de l’importance de ces regards du cinéma muet ? Quelle puissance ! Effectivement, toute l’émotion ne passait que par les yeux et quelques gestes, à peine.
Voilà une très jolie BD pour amateur de cinéma, d’histoires, de femmes libres et d’histoires tristes.