Ciel d’acier de Michel Moutot

Ciel d’acier de Michel Moutot

Publié aux éditions Points

En ce 11 septembre 2001, John LaLiberté, dit Cat, indien mohawk et ironworker (monteur d'acier), travaille au sommet d'un nouveau building à Manhattan. Lorsque les Twin Towers s'effondrent il se précipite, chalumeaux en main pour participer au déblaiement des gravats, à la recherche de survivants. Dès lors les impressions de Cat dans l'enfer de ground zero s'entrecoupent de chapitres sur l'histoire des Mohawks.Ciel d’acier de Michel Moutot
Dans sa tribu indienne, le métier d'ironworker se transmet de père en fils. De la construction d'un pont sur le Saint-Laurent à celle de Liberty Tower, en passant par l'édification du World Trade Center où le père de John trouva la mort, c'est l'histoire de l'Amérique toute entière qui se reflète dans celle de ce peuple.

Merci aux éditions Points pour l'envoi de ce roman dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2016 car je n'aurais jamais eu l'idée de me plonger dans ce type de lecture. Ciel d'acier met en scène les ironworkers, ces types qui construisent, assemblent, soudent les poutres des plus hauts gratte-ciel du monde. Michel Moutot nous fait pénétrer dans un univers d'acier, de sueur et de testostérone et on en redemande car il a su traiter son sujet avec un regard admiratif qui sublime le travail de ces types hors du commun.

Dans ce roman on suit trois ironworkers à trois époques différentes. Il y a d'abord Manish Rochelle, indien mohawk, qui vit au Canada dans les années 1900. Il va s'engager sur un des chantiers les plus vastes jamais menés au Canada avec la construction d'un pont enjambant le Saint-Laurent. A cette époque, les indiens sont réputés pour leur témérité à l'épreuve du vertige, réputation reposant d'ailleurs sur des " on-dit ". Ces Indiens trouvent du travail aux côtés des Irlandais, des Français et des Anglais. Le racisme n'est jamais très loin mais le métier d'ironworker fait vivre la tribu. On suit donc ces hommes qui à mains nues bâtissent des ponts, des bâtiments, bravant le froid, la chaleur et la peur.

On suit également Jack LaLiberté, descendant de Manish. Il est aussi ironworker. Il travaille à l'édification du World Trade Center, en 1970, la plus haute tour du monde jamais construite. On suit Jack, entre les États-Unis le Canada, dans la tribu, pour voir femme et enfants. Jack est un homme prit en étau entre son désir de liberté qu'il concrétise aux États-Unis et son devoir d'Indien, au Canada dans sa tribu. Comment concilier tradition et désir de modernité?

Michel Moutot nous offre une tranche de vie mais aussi une tranche d'Histoire à travers le récit de ces ironworkers. Captivant, passionnant, je recommande ce roman à tous ceux qui veulent voir l'envers du décor et découvrir ceux que l'on peut véritablement appeler des héros aujourd'hui.

Enfin, on suit John LaLiberté, fils de Jack en 2001. Il assiste en direct à la chute des deux tours, construites par son père. Sans réfléchir, John s'engage aux côtés des pompiers et des policiers pour déblayer les décombres et trouver des rescapés. Clairement, c'est la partie qui m'a le plus enflammée et passionnée! L'auteur met en lumière le travail des ironworkers qui ont, pendant plus d'un an, démonté les centaines de tonnes d'acier écroulées lors de cette catastrophe. Leur importance a été capitale et nombreux sont les travailleurs qui en ont payé chèrement le prix à respirer des poussières hautement toxiques, à trouver des morceaux de corps humains disparates, à contempler chaque jour l'horreur la plus totale.

Miche Moutot nous entraîne au cœur de la tragédie sans voyeurisme. Il nous montre ces hommes de l'ombre, véritables héros au même titre que les pompiers et les policiers. C'est prenant, haletant. Le roman du World Trade Center alterne avec le passé, éclairant l'importance du métier d'ironworker au sein de la tribu mohawk. Je ne pensais pas me prendre de passion pour ces ouvriers, casque sur la tête, outil à la ceinture.