(Nous accueillons avec plaisir un texte de l’auteur Jacques Goyette.)
Une quinzaine de minutes s’écoulent avant qu’il ne la voie qui s’approche d’un pas nonchalant. Il la reconnait immédiatement et pose sur elle un regard admiratif. Elle est toujours aussi attirante. Grande, avec sa démarche de mannequin, sa silhouette bien proportionnée, plus belle et surtout plus galbée qu’un top modèle anorexique, moins artificielle, son sourire charmeur, ses grands yeux verts, ses cheveux châtain clair, presque blonds, éclairés par des mèches et son visage fin d’actrice, elle affiche une beauté discrète. La grande classe, quoi. Le teint bronzé de sa peau laisse soupçonner un récent séjour au soleil. Alerte, l’œil vif, tout aussi séduisante que dans son souvenir, elle survole un instant les environs avant de s’avancer vers lui. Dans un petit ensemble bleu marine très chic, rehaussé d’un joli collier en or, coiffure et maquillage impeccables, elle dégage une féminité qui irradie et les regards des quelques joggeurs masculins qu’elle rencontre se retournent immanquablement sur son passage.
Il avait rencontré Tina sur une magnifique plage de sable blanc longeant le North Ocean Boulevard de Palm Beach. En cette belle journée de juillet, il était assis sur le muret bordant la plage face à la mer et se préparait à courir un aller-retour d’environ un kilomètre au bord de l’eau, à toute allure sur le sable, dans l’air vivifiant de l’océan lorsqu’il l’avait aperçue. Une belle femme qui ne passait pas inaperçue : plutôt grande, avec un joli visage à demi masqué par de longs cheveux châtain pâle aux reflets dorés balayés par le vent de la mer qui les faisait voltiger devant ses yeux avant de retomber en une cascade de boucles, et un regard tout à fait fascinant.
Vêtue d’un ravissant bikini vert pomme qui s’agençait parfaitement avec ses yeux d’émeraude, elle se tenait immobile à la limite de la plage, les chevilles léchées par l’écume des vagues. Elle semblait chasser quelques larmes de ses joues, en proie à une profonde tristesse. Un affreux pressentiment avait ébranlé Max : une jolie fille au cœur brisé, avec le regard perdu vers le large… Elle va commettre l’irréparable.
– Mademoiselle ! s’écria-t-il.
Elle s’était retournée et avait jeté un regard intrigué à l’homme dans la trentaine, les cheveux noirs en bataille, une barbe de trois jours, qui l’interpellait.
Il courut la rejoindre au bord de l’eau alors qu’elle se tournait vers lui.
— Bonjour, mademoiselle. Comment allez-vous ? demanda-t-il en affichant son plus beau sourire. Puis, comme elle ne répondait pas, il fronça les sourcils pour mieux distinguer les traits de son ravissant visage, avant de demander sur un ton dramatique :
— Vous ne songez pas à ce que je pense, n’est-ce pas ?
Elle tourna la tête et lui jeta un regard, à la fois intrigué et méfiant. Elle le détailla de la tête aux pieds avant de demander :
— Et je songe à quoi, d’après vous ?
Il hésite un instant, le temps de bien peser ses mots afin de ne pas la braquer contre lui.
— Je ne pourrais l’affirmer, mais lorsque je vous ai vu éponger vos yeux à la limite de la plage, le regard perdu vers le large… J’ai supposé que vous envisagiez le pire. Je me trompe ?
Elle tenta d’esquisser un sourire, mais n’y parvint pas, ce qui le confirma dans sa théorie.
— Vous vous trompez en effet. Je n’irais jamais jusque là, ce n’est pas mon genre. Et puis les mecs n’en valent vraiment pas la peine, fit-elle en détournant le regard pour le fixer à nouveau vers le large.
— Ouf, dit-il en lui souriant. Je suis heureux d’entendre ça.
Elle le détailla de nouveau avant de demander :
— Est-ce dans vos habitudes de sauver des demoiselles que vous croyez en détresse ou bien est-ce votre façon de draguer ?
C’est là qu’il remarqua le tatouage du signe astral des poissons à demi masqué par les mèches de sa longue chevelure châtain, ainsi que la fine chaîne qui traçait une ligne dorée autour de son cou, sur son bronzage parfait. Wow, cette fille est canon ! pensa-t-il.
— Ni l’un ni l’autre, répondit-il en la regardant droit dans les yeux. C’est la première fois que je fais ça. Et vous, c’est dans vos habitudes d’épancher vos larmes sur cette plage ?
Il se sentit soulagé et complètement subjugué lorsqu’elle éclata de rire.
— De toute façon, vous n’avez pas à vous inquiéter pour moi, je suis une grande fille.
Il essaya d’imaginer à quoi pourrait ressembler une relation plus ou moins sérieuse avec cette femme. Il n’aurait pas le dernier mot dans beaucoup de discussions, ça, c’est clair. Juste avant de partir, elle l’informa qu’elle risquait de revenir le lendemain. Il déclara sur un ton faussement désinvolte qu’elle le trouverait sans doute dans le coin.
Le lendemain, ils se retrouvèrent au même endroit, sur la plage, elle encore plus sexy que la veille, coiffée d’un chapeau de paille et vêtue d’un maillot une-pièce rouge cerise, et à cause de ses lunettes de soleil Versace à sept cents dollars qui cachaient ses beaux yeux, il ne put dire si le chagrin assombrissait encore ses traits. Elle était splendide. Il se sentit aussi nerveux qu’un gosse à son premier rendez-vous amoureux et se rapprocha d’elle. Puis il se pencha vers son cou et effleura des lèvres la joue de la jeune femme. Elle détourna la tête. D’un geste, il l’attira légèrement vers lui.
— Que dirais-tu si on allait poursuivre cette conversation dans un endroit un peu plus discret ?
— Allons à mon appartement, fit-elle avec un petit sourire espiègle en l’embrassant et en tirant une clé de son sac banane.
Puis, elle l’avait regardé droit dans les yeux, avant de déclarer :
— J’espère que tu ne t’imagineras pas que c’est une habitude chez moi, remarqua-t-elle, l’air embarrassé.
— De quoi parles-tu ?
— Monter dans ma chambre en plein après-midi avec un inconnu rencontré sur la plage à peine 24 heures auparavant.
— Ah, ça ! Ça m’arrive tout le temps à moi, déclara-t-il sur un ton faussement décontracté en affichant un léger sourire.
— Ah bon ?
Tina le dévisagea, appuyée sur un coude.
– Qu’est-ce qui te fait sourire ? lui avait-elle demandé avec son petit sourire espiègle qu’il aime tant.
— Je pensais juste à la chance que j’ai de t’avoir rencontrée et surtout…
— Et surtout quoi ?
Il fit mine d’hésiter, un instant, pour la faire languir, avant de conclure :
— Surtout de t’avoir empêché de commettre l’irréparable !
Elle enfonça avec malice son menton entre ses côtes, avant de le traiter d’idiot et de lui dire qu’il était tout un numéro.
Voilà comment tout avait commencé.
(Extrait de L’artiste, Jacques Goyette)
Biographie :
L’Artiste est le troisième d’une série de thrillers mettant en vedette la profileuse du FBI Karen Newman et son partenaire l’agent Frank DaSylva. Chaque tome est indépendant et ne fait pas partie d’une suite. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la page Facebook intitulée : Crystal, l’Archange & l’Artiste.