Promenons-nous dans les bois, Bill Bryson

Ne nous mentons pas, je sais pertinemment que vous l'attendiez tous : le grand retour de Bill Bryson!
Après le savoureux Motel Blues, direction les Appalaches pour une balade de santé relatée avec tout l'humour dont est capable ce cher vieux Bill.

Promenons-nous dans les bois, Bill Bryson


Promenons-nous dans les bois est le genre de lecture qui vous garantit de passer pour un imbécile heureux dans les transports. Et c'est plutôt jouissif, à vrai dire.

L'humour de Bill Bryson, déjà pratiqué dans Motel Blues, est tout simplement sublimé dans ce nouveau roman, si bien qu'il est difficile de retenir des tressautements hystériques de rire en lisant. Le récit est pavé de personnages cocasses, de situations absurdes, d'anecdotes décalées à prendre au second degré (dans la mesure où elles font généralement état de tous les malheurs survenus aux randonneurs de l'AT, Appalachian Trail, et que le narrateur les débite alors qu'il s'attaque au même parcours. Magique.).

Globalement, il faut dire que Bill est carrément sympathique, et provoque toute la compassion du monde, sous ses airs bonhommes et son esprit critique affûté (mais qu'il dirige à l'occasion contre lui, versant sans réserve dans l'auto-dérision la plus hilarante) : il faut dire qu'il est flanqué d'un Katz tout à fait phénoménal, addict aux sucreries et à la bière, qui n'hésite pas à balancer les provisions en chemin lorsqu'elles lui paraissent trop lourdes, voire même une partie de l'équipement utile (exemple: une gourde, par un mois d'août caniculaire. Futé, le Stevens Katz). Les autres randonneurs qu'ils croisent réservent parfois des trésors sociologiques qui ne demandent qu'à être explorés, et que l'on ne voit se volatiliser qu'à regret, ayant espéré que Bill se les traînerait encore 100 ou 200 kilomètres de plus tant ils sont incroyables (ainsi Mary Ellen, que le passage plus bas décrit élégamment).

Au-delà de l'écriture franche et bourrée d'ironie de cet amour de Bill, le récit se révèle instructif, car on découvre avec nos amis bras cassés ce à quoi ressemble l'AT, ses environs, sa diversité, les difficultés de progresser dans l'itinéraire, et l'on éprouve avec eux le découragement et la résignation. Mais l'élan l'emporte toujours, si bien que l'on suit avec un plaisir non feint leur pérégrinations, leurs bourdes, leurs errances dans la forêt, et tous les détails pratiques dont les écrivains ne parlent pas d'habitude, par souci de bienséance sans doute.

On en apprend beaucoup sur toutes les espèces qui évoluent le long de l'AT, insectes, oiseaux, reptiles, félins, il y en a pour tous les goûts, et Bill déploie la même passion pour aborder, par moments, la flore, ce qui n'est pas pour nous déplaire.

En fin de compte, j'ai été transportée par ce roman drôle et dense, qui se distingue originalement par son approche décalée et ses protagonistes désopilants.

A dévorer sans modération!


"Mais soyons clair d'emblée : la possibilité d'une attaque d'ours grave sur le sentier des Appalaches est faible. Tout d'abord, l'ours américain véritablement dangereux, le grizzly, très justement nommé Ursus horribilis pour ne laisser planer aucun doute, n'essaime pas à l'est du Mississippi ; c'est plutôt une bonne nouvelle, car l'animal est grand, puissant et furieusement mal luné."

"Elle s'appelait Mary Ellen. Elle venait de Floride et était - comme l'a ensuite systématiquement qualifiée Katz avec une sorte de respect admiratif - un vrai boulet. [...] Je sais depuis longtemps qu'il est dans les desseins de Dieu de m'obliger à passer un moment avec chacune des personnes les plus crétines de la planète ; Mary Ellen était la preuve que, même dans les Appalaches, je ne serais pas épargné. Dès le début, il est devenu évident que nous étions face à un spécimen rare."

"_Excusez-moi, mais il faut que je vous dise quelque chose. Vous êtes plus con qu'une amibe."

"Si l'hévéa suinte du latex quand on l'entaille, c'est une façon de dire aux intrus potentiels : "Pas bon. Rien à manger. Dégage." "