Un cœur tendre…, un texte De Myriam Ould-Hamouda

Par Chatquilouche @chatquilouche

« Un cœur tendre ne fera jamais autant envie que dans la vitrine de ton boucher ; surtout au clebs qui crève la dalle de l’autre côté.  Les gens que tu désires comme tu les admires, les gens que tu méprises comme tu les jalouses se foutent bien de l’énergie que tu dépenses à assouplir ton cœur à espérer un jour être quelqu’un de bien.  Ta gentillesse, ils s’assoient dessus comme ils prennent déjà toute la place dans cette vie dans laquelle tu n’oses jamais mettre les pieds.

Et le clebs qui crève la dalle, de l’autre côté de la vitrine, le clebs se fout bien de l’écriteau « interdit aux chiens » que le boucher a collé au-dessus de la porte d’entrée, le clebs il ne sait pas lire il attend juste que tous ces gens qui ne trouvent jamais de quoi grailler dans ta gentillesse poussent la porte de la boucherie pour avoir quelque chose à se mettre quelque chose sous la dent.  Et le clebs qui ne crève plus la dalle, loin du bruit de la ville, le clebs se fout bien de ces gens indignés du boucher en colère de toute l’énergie que tu as dépensée à rendre ton cœur tendre ; une vieille carne aurait suffi à lui faire battre de la queue.

Personne ne devrait jamais s’en vouloir d’être trop humain ; mais personne ne devrait jamais, non plus, accepter de laisser crever de faim ce clebs qu’il porte en lui, mais que le monde a si bien dressé qu’il ne crève jamais assez la dalle pour piquer autre chose que des roupillons.  La vie n’est pas une chienne, elle ne montre pas les dents ; et si tu la passes à te tordre de douleur, ce n’est pas elle qui te mord, c’est juste ton clebs qui se réveille parfois et tire fort sur sa laisse à chaque fois que tu tentes de l’étouffer avec ta foutue gentillesse.  Alors qu’il ne te veut aucun mal, ton clebs, il voudrait juste que tu l’autorises à vivre, à montrer les dents quand il a faim quand il a mal quand il a peur, à battre de la queue quand il est content ou sans aucune raison juste parce qu’il a envie.  Et il s’en fout bien, ton clebs, de la pancarte « chien méchant » que tu te placardes sur la tronche, il voudrait juste que tu le détaches pour voir comme il ne prend pas la poudre d’escampette ni ne fait aucun dégât dans la maison, comme il t’attend déjà derrière la porte d’entrée et te ferait la fête si tu daignais y entrer.

Ton clebs, ça fait un bail qu’il t’a pardonné tous ces costumes débiles que tu t’échines à lui coller sur le dos, alors pourquoi dépenses -tu ton énergie à lui casser les pattes à chaque fois qu’il voudrait les mettre sur le parquet du monde ?  Pourquoi ne te pardonnes-tu pas d’être toi ?

Ton clebs, ça fait un bail qu’il t’aime ; aussi fort que tu te détestes. »

Notice biographique

Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)