" L'Italie entre chien et loup "
LOY Rosetta
Concernant cet ouvrage, le Lecteur ne se revendique d'aucune forme d'objectivité. Trop curieux depuis plus d'un demi-siècle de ce qu'il advient de l'Italie. Ayant par ailleurs vécu de délectables rencontres littéraires parmi les romans de Rosetta Loy qui parvinrent jusqu'à lui.
" L'Italie entre chien et loup " n'est pas un livre d'Histoire. Puisque l'Histoire s'écrit autrement. Puisque l'Histoire ne se réduit pas à l'énumération de la seule chronologie des faits. Or, Rosetta Loy retrace les trente années (1970/2000) durant lesquelles l'Italie fut ensanglantée par une multitude d'attentats et de crimes tous plus barbares les uns que les autres. Une ouverture abominable : " Milan. 12 décembre 1969. 16h37. Piazza Fontana n°2. Banca dell' agricoltura. Dix-sept morts et quatre-vingt huit blessés. " Et puis l'impitoyable succession des événements tragiques. Anarchistes. Brigades rouges et autres mouvements gauchistes. Les Mafias. Et dans l'ombre, tous les corrompus. Andreotti, bien sûr. La Démocratie chrétienne. Le parti socialiste de Bettino Craxi. L'Eglise catholique et ses banquiers. Les marionnettistes. En premier lieu, les gens de la CIA. Puisque l'Italie détenait alors une position clé dans l'ensemble stratégique instauré par les américains. Les temps de la Guerre Froide. Le poids du PCI dans la vie politique italienne. Interférences. La volonté d'instaurer la terreur afin que fut en mesure de se perpétuer l'ordre capitaliste. Les vieilles, les ancestrales affinités fascistes de ceux qui survécurent à Mussolini. Et l'irrésistible ascension de Berlusconi jusqu'au triomphe de Forza Italia. La boucle enfin bouclée.
Le Lecteur résume, emprunte des raccourcis, édulcore, trahit peut-être la pensée de Rosetta Loy. Incapable de se délivrer de cette part " affective " qui continue aujourd'hui encore à marquer sa relation à l'Italie. Qu'importe après tout, puisque Rosetta Loy n'a pas fait œuvre d'historienne, que la romancière intervient ici et là, s'empare de l'Histoire qui s'écrit afin d'y introduire ses propres émotions. Comme lorsqu'elle évoque la mort d'Enrico Berlinguer (1984) et les obsèques romaines du leader du PCI. " Jamais pareille foule ne s'est vue à un enterrement et l'émotion se mêle à une sensation de stupeur heureuse. Chaque sentiment individualiste et mesquin est à présent gommé et peu importe désormais si l'on est communiste ou l'a été, ou ne l'a jamais été ; une sorte d'orgueil pour ce partage unanime se prolonge dans le crépuscule tardif de juin dans l'ondoiement des drapeaux, alors que le regret d'avoir perdu un homme d'une pureté rare, un homme dépouillé dans l'expression, mais intense sans la passion semble envahir les moindres rues, s'étendre encore tandis que nous rentrons chez nous par les quais du Tibre grouillants de tous ceux qui ont quitté la place (piazza San Giovanni) pour se disperser dans les rues latérales ".