Chronique « Mon père était boxeur »
Public conseillé : Adultes et adolescents,
Scénario de Barbara Pellerin & Kris, dessin de Vincent Bailly,
Style : Récit intime
Paru aux éditions « Futuropolis », le 26 mai 2016, 76 pages, 20 euros,
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L’Histoire
1983. Hubert Pellerin, jeune étoile de la boxe monte sur le ring. Pour la 3e fois de sa carrière, il dispute la finale du Championnat de France des poids lourds… et le perd. C’est son dernier combat.
Dans sa loge, sa fille, Barabara, 4 ans, le retrouve. Deux univers étranges se rencontrent, s’observent et vivent la boxe comme un trait d’union…
2012, parvis de l’église. Une longue haie de points gantés se tendent vers le ciel au passage du cercueil d’Hubert Pellerin. Poivraux, boxeurs aux gueules cassés, ils sont là pour un dernier hommage…
La génèse
Mon père était boxeur est un récit qui se décline en deux médias, un film-documentaire et une BD. A l’origine, il y a Barbara, une jeune réalisatrice qui entreprend un documentaire sur son père.
Ancien boxeur, violent, passionné, extrême, il est le père redouté qu’elle a éloigné depuis si longtemps. Le film est l’occasion (sans doute la dernière) de lier de nouveau son destin à celui de son géniteur et pourquoi pas de le comprendre, voire même de s’autoriser à l’aimer.
De sa rencontre avec Kris est né une envie commune. L’idée de raconter cette saga familiale en parallèle. Tandis que Barbara finalise son documentaire (encarté en fin dans l’album), Kris se ré-approprie l’histoire de cette famille racontée à la première personne…
Ce que j’en pense
Mon père était boxeur est une véritable mise-à-nue de la relation père-fille. Sans fard, sans distance, Barbara nous raconte la vie de sa famille, déformée, tordue par le prisme paternel. Nourri des images d’archives (de vielles bobines super-8) et des scènes/dialogues réinventés, le trio d’auteurs nous place, en tant que spectateur privilégié, dans le spectacle d’une famille en souffrance. Un père démesuré, frustré, incompris, violent, fou de rage, d’amour et de jalousie.
N’attendez pas de voir une succession de scènes de combat sur le ring. L’histoire familiale commence quand Hubert raccroche les gants. Pourtant, le titre est parfaitement choisi. La boxe semble être pour lui quelque chose de profond, une façon de vivre, d’envisager la vie comme un combat.
Des moments heureux de partage (rares) aux disputes (fréquentes et violentes) entre les parents, Barbara livre son intimité. Les auteurs ne lâchent rien. Ils m’ont plongé dans le drame de cette famille qui n’arrive pas à se comprendre et à se construire… J’en avais les larmes au yeux..
Au dessin, Vincent Bailly retrouve son complice Kris (Un sac de Billes, Coupures irlandaises, Notre mère la guerre). Son style très personnel, légèrement caricatural, se rapproche d’un storyboard ou d’un sketch. Volontairement, il ne “met pas au propre”, garde l’énergie du crayonné de base et pose directement des couleurs aquarellées dessus. Le premier contact est assez déconcertant, mais quand on plonge dans l’histoire, le dessin se fait complice du récit.
Les couleurs sont particulièrement belles. Souvent légères, solaires, elles peuvent s’assombrir pour renforcer une ambiance. Gris colorés sur les flashbacks, rehaussés de rouges pour les gants, symboles de sang, de violence ; bleue nuit, ocre triste, sa palette se fait émotions…
Pour résumer, vous voulez plonger dans le quotidien d’une famille en pleine violence ? Approcher la relation complexe qui peut unir une fillette et son père, maladroit et monstrueux en même temps ? Et pourquoi pas être touché et accepter ces différences ?
Mon père était boxeur vous offre ses clefs…
Enfin, n’oubliez pas de regarder le documentaire de Barbara Pellerin, en fin d’album, pour voir la version caméra à l’épaule.