Retour au thriller après une grosse période consacrée aux littératures de l'imaginaire (mais pas uniquement, et il y a encore quelques billets estampillés "Imaginales" à venir). Et direction le Kenya, pays qui, curieusement, fait une irruption remarquée dans mes lectures de ces dernières semaines, là encore, il faudra qu'on en reparle. Découverte aussi d'une auteure qui semble posséder un sacré tempérament, preuve, une nouvelle fois, de la montée en puissance des femmes dans l'univers longtemps très masculin du thriller. Avec "Dust" (désormais disponible en poche chez Folio), Sonja Delzongle nous emmène au coeur de la folie humaine, de l'horreur telle que nos semblables sont capables de la déchaîner et plonge son, pardon, ses personnages dans le tourbillon d'une boîte de Pandore malencontreusement ouverte. C'est dur, violent, virulent, même, mêlant l'efficacité du thriller (y compris en recourant à quelques ficelles) et le réalisme de situations hélas courantes... Un roman qui n'est pas parfait mais qui fonctionne.
Hanah Baxter est bretonne mais vit à New York. Une femme solitaire, pour ne pas dire seule, qui consacre son existence à la traque des criminels les plus retors. Hanah est ce qu'on appelle une profileuse, terme popularisé par les séries télévisées et le cinéma hollywoodien. Et elle travaille en free-lance, si je puis dire.
Alors qu'elle sort d'une période délicate sur le plan personnel, qu'elle surmonte enfin sa phobie des avions, elle reçoit un coup de téléphone venu d'un endroit lointain : le Kenya. Ce pays, elle le connaît, elle y a déjà travaillé quelques années plus tôt et garde de cette expérience des souvenirs allant du meilleur au pire.
Mais, Ti Collins pourrait lui demander presque n'importe quoi, elle ne saurait refuser. Or, le patron du CID, un service de police criminel construit sur le modèle du FBI américain, travaille sur un cas hors norme et Collins aurait besoin du savoir-faire de Hanah pour essayer d'élucider un mystère qui occupe ses services depuis deux ans, sans qu'aucune piste ne se dégage.
Pire, les policiers kényans ne parviennent même pas à identifier les nombreuses victimes de ce qui semble bien être un tueur en série particulièrement prolifique, car il n'y a pas de corps... Sur les scènes de crime, tracées à même le sol, des croix, faites de sang humains. Une quantité suffisante pour supposer que leurs propriétaires ont été assassinés, et rien de plus...
C'est en revanche suffisant pour attiser la curiosité de Hanah qui n'hésite pas longtemps avant d'accepter de partir pour Nairobi. Et tant pis si, lors de sa précédente visite, le courant n'était pas trop bien passé avec le reste de l'équipe dirigée par Collins. Sa soif de comprendre et de mettre un terme aux agissements d'un tueur monstrueux surpassent ces craintes-là.
Sur place, elle découvre que bien des choses ont changé au CID. Oh, pas Mendoza, un Mexicain installé au Kenya de longue date, le plus ancien de la brigade et le second de Collins, aussi désagréable qu'ambitieux, mais, autour de lui, il y a de la nouveauté, et les deux bleus ne sont pas pour déplaire à la profileuse.
Une fois sur place, elle va rapidement se mettre au travail, avec des méthodes peu orthodoxes mais qui ont fait leurs preuves. Peu importe ce qu'on pense d'elle, la voilà immergée dans ce pays tellement différent de Saint-Malo, où elle a grandi, ou de New York, où elle vit désormais, immergée aussi dans cette traque qu'elle sait plus que difficile.
Et elle va rapidement faire avancer l'enquête en répondant à une des questions les plus importantes de ce dossier. Insuffisant pour savoir qui est le tueur en série aux croix de sang, mais assez pour enfin relancer une affaire au point mort depuis bien trop longtemps. Mais, dans le même temps, son arrivée va agir comme si on avait ouvert la boîte de Pandore...
Autour de ce noeud central qu'est la série de meurtres, va se mettre en branle une série d'événements annexes qui vont sérieusement compliquer les choses. Soudain, la tempête se déchaîne, le chaos se déclenche et Hanah et ses collègues du CID vont se retrouver embarqués dans une enquête bien plus dangereuse et délicate que prévu, dont personne ne sortira indemne (selon la formule consacrée)...
Voilà encore un roman qui a le don d'agacer les puristes. Ceux qui, quand on leur dit "serial killer" veulent une enquête pour l'attraper et rien d'autre autour, parce que sinon, c'est limite de la publicité mensongère... Avec "Dust", les voilà servis, puisque, d'une certaine manière, l'enquête sur ce tueur en série n'est qu'un prétexte à tout le reste, en tout cas, pas l'unique trame du roman.
Alors, oui, on peut trouver que ça part dans tous les sens, que c'est un peu fourre-tout, je ne vais pas le nier, ce sont aussi des remarques que je me suis faites. Mais, dans le même temps, il faut reconnaître que c'est un thriller sacrément efficace qui ne vous lâche pas une fois qu'on est entré dedans. Et ça, c'est une vraie grosse qualité.
Je fais le choix, ici, de ne pas entrer trop dans le détail de l'enquête, pas plus que sur ces autres événements que j'évoque. A vous de les découvrir. Sachez tout de même qu'on va évoquer dans la suite de ce billet quelques éléments forts du roman, à commencer par son titre, mais aussi un de ses sujets centraux. Alors, si vous craignez la crise d'urticaire pour cause de spoiler, soyez prévenus...
Parlons du titre, "Dust", la poussière, en français. Sonja Delzongle joue, jongle avec ce mot, dont elle multiplie les occurrences. En témoigne la citation qui sert de titre à ce billet, mais pas uniquement. La poussière, oui, est partout, dans ce livre, s'insinuant partout et pourtant insaisissable, collant aux basques et capable d'étouffer...
Mais, on ne croise pas dans ce roman que la poussière qu'on traque avec son plumeau ou son aspirateur, vous le verrez. Là encore, n'entrons pas dans les détails qui pourraient en révéler trop, mais ces poussières poudroient à chaque page ou presque, alimentant les diverses intrigues, tout en faisant, par moment, passer un frisson peu agréable le long de l'échine du lecteur.
N'en disons pas plus là-dessus, mais cette dimension m'a paru assez fascinante, une sorte d'attraction-répulsion qu'on ressent souvent lorsqu'on lit du thriller. Mais cette poussière, c'est le terrible symbole du côté irrémédiablement crasseux qu'on ressent à la lecture de "Dust". Sonja Delzongle nous entraîne dans des lieux où l'on se passerait bien d'aller et loin des cartes postales touristiques.
C'est un Kenya malade que l'on découvre, en proie à une insécurité galopante, redoutant de se voir gagné par un syndrome à la sud-africaine, avec des enfants livrés à eux-mêmes, réduits à la mendicité, en proie à la drogue et à la délinquance, recherchant tous les moyens pour survivre, un système D qui peut, parfois, prendre des tournures ahurissantes.
A travers cette enquête, sur un fait extraordinaire, qu'on espère être complètement fictif, tout en sachant que la vérité prend souvent un malin plaisir à dépasser la fiction, Sonja Delzongle met en exergue les maux qui rongent un pays qui, pour reprendre l'expression chère à Mike Resnick, auteur américain de science-fiction dont on reparlera prochainement, a tout pour être un paradis sur terre.
L'un de ces sujets forts, c'est la question de l'albinisme en Afrique. Episodiquement, les médias occidentaux évoquent ce sujet, en pleine recrudescence sur le continent. Les enfants albinos sont maudits, les superstitions (j'emploie volontiers ce terme plutôt que croyance) les entourant sont en plein essor et poussent à des actes difficilement qualifiables.
Je n'insiste pas, le détail est dans le roman de Sonja Delzongle, mais le pire est de se dire qu'il y a sans doute assez peu de place laissé à l'imagination dans ce qui est décrit. L'auteure met l'accent sur ces pratiques sordides qui valent aux albinos d'être en grand danger, et pas uniquement au Kenya, mais sur une bonne partie du continent...
Bien sûr, on est dans un roman, qui plus est dans un thriller, on joue donc avec des cartes qui doivent non seulement toucher le lecteur mais aussi le mettre mal à l'aise, et là, c'est carrément réussi. Par ailleurs, j'ai trouvé que la manière avec laquelle Sonja Delzongle maniait cette thématique délicate était habile et bien menée, jouant sur quelques paradoxes, mais aussi sur les instincts de base de notre belle espèce humaine.
Un mot, tout de même, des personnages de ce roman. A commencer par Hanah, personnage central mais qui ne vampirise pas l'intrigue. Au contraire, la distribution des rôles est bien répartie et joue sur l'ambivalence de ces personnages qu'on a vite fait de cataloguer rapidement entre les sympas et les pas sympas, pour ne pas dire les gentils et les méchants.
Disons-le tout net, si vous aimez vous attacher aux personnages, ici, ce sera coton, car, Hanah en tête, on ne peut pas dire qu'ils soient tous des modèles, des êtres dont on aimerait se faire des amis pour la vie... Hanah, sauvage, abîmée, lancée dans une quête impossible de justice, est pourtant un personnage riche et complexe, qui mériterait certains approfondissements.
J'ai évoqué ses méthodes peu orthodoxes, il faut dire un bref mot de cela, car ce n'est pas rien. Hanah a recours à des pratiques qui surprennent et détonnent, et cela donne presque un coté fantastique au roman. A la psychologie et au pouvoir de déduction qui caractérisent le travail de profileur, Hanah ajoute cette corde si particulière.
Inexplicable, sans doute décriée par beaucoup, cette manière de faire fait pourtant écho aux traditions et coutumes africaines qui, de notre point de vue occidental, matérialiste, privé de merveilleux, sont sur la même ligne. Les croyances... Les superstitions... Un vaste sujet qui irradie toute cette intrigue, besoin insatiable de l'homme, panacée à son désespoir, à ses problèmes les plus insurmontables...
Autour de Hanah, Ti Collins est un chef compétent et bienveillant, mais fatigué, désabusé, en fin de course, tandis que Mendoza, avec ses méthodes musclées et son envie affichée de devenir calife du CID à la place de son supérieur, son côté macho et ses manières à l'avenant, ne fait rien pour qu'on l'apprécie, bien au contraire.
Enfin, les deux jeunes, Kate Hidden et Singayé, donnent une touche de candeur à l'équipe. Mais, si les autres ont déjà le cuir bien tanné, et il le faut dans cette histoire, eux vont avoir droit à un baptême du feu quasi infernal. Idéal pour mettre sa vocation à l'épreuve, me direz-vous. Oui, ou pour la détruire, c'est selon.
Ces deux derniers personnages, je les survole volontairement, car leur rôle dans le roman dépasse le simple cadre d'enquêteurs. Pour le reste, même si "Dust" est un thriller, un vrai, qui mise sur l'action, les rebondissements, ce roman laisse une place importante aux relations entre les personnages et à la psychologie des uns et des autres, mise à mal par la folie ambiante.
"Dust" est un roman touffu mais prenant, qui pêche peut-être par volonté d'en dire beaucoup là où le genre demanderait plutôt une certaine épure. Qu'à cela ne tienne, cette richesse m'a plu parce qu'elle nourrit la complexité à laquelle doit faire face un pays, une région, un continent, avec des enjeux multiples dépassant même le rationnel.
On y retrouve évidemment les traditionnelles cupidité, ambition, soif de pouvoir et d'argent, volonté de puissance, etc. Au temps pour le pur roman de serial killer, Sonja Delzongle le bouscule, et c'est tant mieux, le genre ayant été fortement rebattu ces dernières années. Alors, oui, "Dust" a certainement des défauts, mais il faut passer au-delà de ça, pour en goûter la substantifique moelle.
Hanah Baxter est bretonne mais vit à New York. Une femme solitaire, pour ne pas dire seule, qui consacre son existence à la traque des criminels les plus retors. Hanah est ce qu'on appelle une profileuse, terme popularisé par les séries télévisées et le cinéma hollywoodien. Et elle travaille en free-lance, si je puis dire.
Alors qu'elle sort d'une période délicate sur le plan personnel, qu'elle surmonte enfin sa phobie des avions, elle reçoit un coup de téléphone venu d'un endroit lointain : le Kenya. Ce pays, elle le connaît, elle y a déjà travaillé quelques années plus tôt et garde de cette expérience des souvenirs allant du meilleur au pire.
Mais, Ti Collins pourrait lui demander presque n'importe quoi, elle ne saurait refuser. Or, le patron du CID, un service de police criminel construit sur le modèle du FBI américain, travaille sur un cas hors norme et Collins aurait besoin du savoir-faire de Hanah pour essayer d'élucider un mystère qui occupe ses services depuis deux ans, sans qu'aucune piste ne se dégage.
Pire, les policiers kényans ne parviennent même pas à identifier les nombreuses victimes de ce qui semble bien être un tueur en série particulièrement prolifique, car il n'y a pas de corps... Sur les scènes de crime, tracées à même le sol, des croix, faites de sang humains. Une quantité suffisante pour supposer que leurs propriétaires ont été assassinés, et rien de plus...
C'est en revanche suffisant pour attiser la curiosité de Hanah qui n'hésite pas longtemps avant d'accepter de partir pour Nairobi. Et tant pis si, lors de sa précédente visite, le courant n'était pas trop bien passé avec le reste de l'équipe dirigée par Collins. Sa soif de comprendre et de mettre un terme aux agissements d'un tueur monstrueux surpassent ces craintes-là.
Sur place, elle découvre que bien des choses ont changé au CID. Oh, pas Mendoza, un Mexicain installé au Kenya de longue date, le plus ancien de la brigade et le second de Collins, aussi désagréable qu'ambitieux, mais, autour de lui, il y a de la nouveauté, et les deux bleus ne sont pas pour déplaire à la profileuse.
Une fois sur place, elle va rapidement se mettre au travail, avec des méthodes peu orthodoxes mais qui ont fait leurs preuves. Peu importe ce qu'on pense d'elle, la voilà immergée dans ce pays tellement différent de Saint-Malo, où elle a grandi, ou de New York, où elle vit désormais, immergée aussi dans cette traque qu'elle sait plus que difficile.
Et elle va rapidement faire avancer l'enquête en répondant à une des questions les plus importantes de ce dossier. Insuffisant pour savoir qui est le tueur en série aux croix de sang, mais assez pour enfin relancer une affaire au point mort depuis bien trop longtemps. Mais, dans le même temps, son arrivée va agir comme si on avait ouvert la boîte de Pandore...
Autour de ce noeud central qu'est la série de meurtres, va se mettre en branle une série d'événements annexes qui vont sérieusement compliquer les choses. Soudain, la tempête se déchaîne, le chaos se déclenche et Hanah et ses collègues du CID vont se retrouver embarqués dans une enquête bien plus dangereuse et délicate que prévu, dont personne ne sortira indemne (selon la formule consacrée)...
Voilà encore un roman qui a le don d'agacer les puristes. Ceux qui, quand on leur dit "serial killer" veulent une enquête pour l'attraper et rien d'autre autour, parce que sinon, c'est limite de la publicité mensongère... Avec "Dust", les voilà servis, puisque, d'une certaine manière, l'enquête sur ce tueur en série n'est qu'un prétexte à tout le reste, en tout cas, pas l'unique trame du roman.
Alors, oui, on peut trouver que ça part dans tous les sens, que c'est un peu fourre-tout, je ne vais pas le nier, ce sont aussi des remarques que je me suis faites. Mais, dans le même temps, il faut reconnaître que c'est un thriller sacrément efficace qui ne vous lâche pas une fois qu'on est entré dedans. Et ça, c'est une vraie grosse qualité.
Je fais le choix, ici, de ne pas entrer trop dans le détail de l'enquête, pas plus que sur ces autres événements que j'évoque. A vous de les découvrir. Sachez tout de même qu'on va évoquer dans la suite de ce billet quelques éléments forts du roman, à commencer par son titre, mais aussi un de ses sujets centraux. Alors, si vous craignez la crise d'urticaire pour cause de spoiler, soyez prévenus...
Parlons du titre, "Dust", la poussière, en français. Sonja Delzongle joue, jongle avec ce mot, dont elle multiplie les occurrences. En témoigne la citation qui sert de titre à ce billet, mais pas uniquement. La poussière, oui, est partout, dans ce livre, s'insinuant partout et pourtant insaisissable, collant aux basques et capable d'étouffer...
Mais, on ne croise pas dans ce roman que la poussière qu'on traque avec son plumeau ou son aspirateur, vous le verrez. Là encore, n'entrons pas dans les détails qui pourraient en révéler trop, mais ces poussières poudroient à chaque page ou presque, alimentant les diverses intrigues, tout en faisant, par moment, passer un frisson peu agréable le long de l'échine du lecteur.
N'en disons pas plus là-dessus, mais cette dimension m'a paru assez fascinante, une sorte d'attraction-répulsion qu'on ressent souvent lorsqu'on lit du thriller. Mais cette poussière, c'est le terrible symbole du côté irrémédiablement crasseux qu'on ressent à la lecture de "Dust". Sonja Delzongle nous entraîne dans des lieux où l'on se passerait bien d'aller et loin des cartes postales touristiques.
C'est un Kenya malade que l'on découvre, en proie à une insécurité galopante, redoutant de se voir gagné par un syndrome à la sud-africaine, avec des enfants livrés à eux-mêmes, réduits à la mendicité, en proie à la drogue et à la délinquance, recherchant tous les moyens pour survivre, un système D qui peut, parfois, prendre des tournures ahurissantes.
A travers cette enquête, sur un fait extraordinaire, qu'on espère être complètement fictif, tout en sachant que la vérité prend souvent un malin plaisir à dépasser la fiction, Sonja Delzongle met en exergue les maux qui rongent un pays qui, pour reprendre l'expression chère à Mike Resnick, auteur américain de science-fiction dont on reparlera prochainement, a tout pour être un paradis sur terre.
L'un de ces sujets forts, c'est la question de l'albinisme en Afrique. Episodiquement, les médias occidentaux évoquent ce sujet, en pleine recrudescence sur le continent. Les enfants albinos sont maudits, les superstitions (j'emploie volontiers ce terme plutôt que croyance) les entourant sont en plein essor et poussent à des actes difficilement qualifiables.
Je n'insiste pas, le détail est dans le roman de Sonja Delzongle, mais le pire est de se dire qu'il y a sans doute assez peu de place laissé à l'imagination dans ce qui est décrit. L'auteure met l'accent sur ces pratiques sordides qui valent aux albinos d'être en grand danger, et pas uniquement au Kenya, mais sur une bonne partie du continent...
Bien sûr, on est dans un roman, qui plus est dans un thriller, on joue donc avec des cartes qui doivent non seulement toucher le lecteur mais aussi le mettre mal à l'aise, et là, c'est carrément réussi. Par ailleurs, j'ai trouvé que la manière avec laquelle Sonja Delzongle maniait cette thématique délicate était habile et bien menée, jouant sur quelques paradoxes, mais aussi sur les instincts de base de notre belle espèce humaine.
Un mot, tout de même, des personnages de ce roman. A commencer par Hanah, personnage central mais qui ne vampirise pas l'intrigue. Au contraire, la distribution des rôles est bien répartie et joue sur l'ambivalence de ces personnages qu'on a vite fait de cataloguer rapidement entre les sympas et les pas sympas, pour ne pas dire les gentils et les méchants.
Disons-le tout net, si vous aimez vous attacher aux personnages, ici, ce sera coton, car, Hanah en tête, on ne peut pas dire qu'ils soient tous des modèles, des êtres dont on aimerait se faire des amis pour la vie... Hanah, sauvage, abîmée, lancée dans une quête impossible de justice, est pourtant un personnage riche et complexe, qui mériterait certains approfondissements.
J'ai évoqué ses méthodes peu orthodoxes, il faut dire un bref mot de cela, car ce n'est pas rien. Hanah a recours à des pratiques qui surprennent et détonnent, et cela donne presque un coté fantastique au roman. A la psychologie et au pouvoir de déduction qui caractérisent le travail de profileur, Hanah ajoute cette corde si particulière.
Inexplicable, sans doute décriée par beaucoup, cette manière de faire fait pourtant écho aux traditions et coutumes africaines qui, de notre point de vue occidental, matérialiste, privé de merveilleux, sont sur la même ligne. Les croyances... Les superstitions... Un vaste sujet qui irradie toute cette intrigue, besoin insatiable de l'homme, panacée à son désespoir, à ses problèmes les plus insurmontables...
Autour de Hanah, Ti Collins est un chef compétent et bienveillant, mais fatigué, désabusé, en fin de course, tandis que Mendoza, avec ses méthodes musclées et son envie affichée de devenir calife du CID à la place de son supérieur, son côté macho et ses manières à l'avenant, ne fait rien pour qu'on l'apprécie, bien au contraire.
Enfin, les deux jeunes, Kate Hidden et Singayé, donnent une touche de candeur à l'équipe. Mais, si les autres ont déjà le cuir bien tanné, et il le faut dans cette histoire, eux vont avoir droit à un baptême du feu quasi infernal. Idéal pour mettre sa vocation à l'épreuve, me direz-vous. Oui, ou pour la détruire, c'est selon.
Ces deux derniers personnages, je les survole volontairement, car leur rôle dans le roman dépasse le simple cadre d'enquêteurs. Pour le reste, même si "Dust" est un thriller, un vrai, qui mise sur l'action, les rebondissements, ce roman laisse une place importante aux relations entre les personnages et à la psychologie des uns et des autres, mise à mal par la folie ambiante.
"Dust" est un roman touffu mais prenant, qui pêche peut-être par volonté d'en dire beaucoup là où le genre demanderait plutôt une certaine épure. Qu'à cela ne tienne, cette richesse m'a plu parce qu'elle nourrit la complexité à laquelle doit faire face un pays, une région, un continent, avec des enjeux multiples dépassant même le rationnel.
On y retrouve évidemment les traditionnelles cupidité, ambition, soif de pouvoir et d'argent, volonté de puissance, etc. Au temps pour le pur roman de serial killer, Sonja Delzongle le bouscule, et c'est tant mieux, le genre ayant été fortement rebattu ces dernières années. Alors, oui, "Dust" a certainement des défauts, mais il faut passer au-delà de ça, pour en goûter la substantifique moelle.