Homicide, une année dans les rues de Baltimore 01. 18 janvier – 4 février 1988

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Homicide »

Public conseillé : Adultes, grands adolescents

Scénario de Philippe Squarzoni, d’après le livre de David Simon, dessin et couleur de Philippe Squarzoni,


Style : Documentaire,
Paru aux éditions « Delcourt », le 25 mai 2016, 126.50 euros,
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L’Histoire

Baltimore, 18 Janvier 1988, 1 h du matin, au coeur du Ghetto. Le sergent Jay Landsman, inspecteur en chef à la brigade des homicides, enquête. Il observe sur un corps allongé sur le trottoir, les bras à demi-étendus, les yeux fixés dans une expression incertaine et un impact de balle dans la tête. Une soirée comme les autres pour ces flics.
Sur la demande de son supérieur, son coéquipier, l’inspecteur Tom Pelligrini traverse la rue, devant les regards hostiles des dealers. Il interpelle un potentiel témoin, une femme qui était dehors au moment des faits. Bien entendu, la femme nie tout en bloc et ne daigne pas descendre sans une citation à comparaître. A West Baltimore, le meurtre n’est qu’un fait divers.
Les deux inspecteurs regagnent leur véhicule de fonction, vont emmerder un travesti qui tapine et rentrent au bercail. Une fusillade entre un dealer jamaïquain et un certain Roy Johnson s’est soldé par un mort dans un salon avec une douzaine de blessures par balle. Par manque d’effectif, les deux inspecteurs s’occupent des témoins de ce 14e homicide de l’année…

Ce que j’en pense

David Simon, ça vous parle ? Peut-être pas, mais vous connaissez sans doute son travail. Suite à une année en immersion dans la police de Baltimore, en 1989, ce journaliste a publié le livre-documentaire “Homicide, a year in the killer street”, adapté en série TV. Il a enchaîné avec “Corner”, lui aussi adapté. Mais surtout ces deux récits ont servi de base à la série culte “The Wire” de HBO, dont il est co-auteur. Scénariste de “Treme” (sur HBO également), il scrute avec un oeil incisif, les dysfonctionnements de la société américaine.

C’est donc ce premier roman-documentaire d’un maître de la chronique sociale et réaliste que Philippe Squarzoni a choisi d’adapter. En partant de la version anglo-saxone (il en assure la traduction) il conserve le parti-pris originel pour nous offrir une version BD aussi désenchantée et réaliste que possible.

1 an d’immersion dans la police de Baltimore, mais seulement 10 jours racontés… C’est largement assez pour en donner tout le sel. Dans ces 10 jours et nuit, Simon et Squarzoni suivent les trajectoires d’une dizaine d’enquêteurs dans leur routine. Meurtres quasi quotidien, paperasse, système hiérarchique, enquêtes, désenchantement, c’est une plongée dans la réalité d’un métier ou le meurtre n’est plus qu’un fais-divers.

Très loin de l’image qu’on imposé les séries TV (et non, les inspecteurs ne se lancent pas à la poursuite des meurtriers, toutes sirènes hurlantes), les auteurs collent aux basques de ces inspecteurs souvent cyniques. Ils ne suivent pas un “héros” en particulier, mais valorisent tout autant chaque inspecteur.
Et les enquêtes la dedans ? Règlements de compte entre dealers rivaux, crimes passionnels pour régler un différent familial, les crimes résolus sont souvent dus à une question de chance, d’erreurs voire de bêtises des meurtriers. Pas très glorieux tout ça…

Entre la voix off qui balance mécaniquement les faits et les pensées des inspecteurs, le résultat est froid, presque glacial.

Au dessin, Philippe Squarzoni se met au diapason de cette plongée en apnée. Réaliste, trait, minimaliste, il construit des décors à la règle et des portraits hyper sobres. Accompagnés par des aplats de gris colorés (froids eux aussi), il nous plonge dans un monde glacial. La mise-en-scène classique se libère de temps en temps avec des doubles pages composés en une seule lecture de droite à gauche. Osé et efficace.

Pour résumer, vous voulez toucher du doigt la réalité du métier d’inspecteur de police dans une des villes américaines la plus touchées par les crimes ? Tentez cette plongée en apnée, sans concession, sans fioriture de David Simon, adaptée avec brio par Philippe Squarzoni.