Zazous de Gérard de Cortanze aux éditions Albin Michel
Ces jeunes sont réunis par leur amitié et par leur amour du jazz et du swing. Comme beaucoup de jeunes ils ont adoptés cette musique et l’accoutrement qui va avec. Ils sont des zazous, ils ne vivent que pour le plaisir d’être ensemble et d’écouter leurs musiciens favoris. Comme tout le monde, ils sont touchés par les restrictions et par la poigne allemande qui se fait de plus en plus forte.
De juin 1940 à la Libération nous allons suivre cette bande de jeunes qui malgré les coupures d’électricité, les rafles, la délation, le manque de nourriture, va mettre un point d’honneur à essayer de vivre comme ils l’ont toujours fait. Ils voient le swing comme une manière de vivre, comme un moyende résistance à l’occupant. Ils vont devoir aussi protéger leur amie Sarah, qui est juive.
« Le zazou refuse l’ordre nouveau qui lui est imposé. C’est une attitude politique qui dicte le comportement du zazou. »
« Le swing, c’est notre musique. Et plus que cela encore. Le swing, c’est ce qui nous rassemble, nous unit, nous les jeunes de cette guerre que nous n’avons pas voulue et qui nous a entraînés au fond du gouffre. Et qui a bousillé notre jeunesse. Il faut bien qu’on s’amuse, qu’on oublie tout ça jusqu’au prochaindrame qui va nous tomber dessus. »
Avec Zazous, Gérard de Cortanze nous offre une radiographie passionnante de la vie sous l’occupation à Paris à travers le prisme de ce mouvement. Des romans qui traitent de la deuxième guerre mondiale, il y en a à foison, mais ce thème est rarement abordé. Au départ, ces jeunes, ces doux-dingues paraissent bien inoffensifs, superficiels, mais par leur résistance aux interdits, par leur chahut lors des divertissements officiels, par leur présence aux manifestations, leurs petits sabotages, ils vont vite devenir une épine dans le pied de l’autorité allemande et de Vichy. Ces jeunes, rappelons qu’ils ont entre quinze et vingt ans, vont au péril de leur vie, choisir de résister en défendant leur façon de vivre, en luttant culturellement et politiquement contre la présence allemande. Cette manière de résister débouchera d’ailleurs pour certains sur un engagement dans les réseaux de résistance plus durs. Zazous est un roman passionnant, dramatique, entraînant comme le swing, cette musique qui trotte dansla tête, fait vibrer le corps, taper du pied en rythme (les références musicales sont nombreuses et pour vous plonger pleinement dans l’ambiance du roman, vous pouvez le lire en écoutant ces morceaux). Il rappelle que la majorité des membres de la Résistance était des jeunes, des femmes, ce qu’on oublie souvent quand on voit des films sur le sujet, dans lesquels, bien souvent, les héros sont campés par des hommes murs. Je vous recommande vivement ce livre que j’ai dévoré.
« - Dites-moi, professeur, qu’est-ce-que le swing pour vous ? demande Marie, en minaudant comme une élève studieuse.Tout le monde dispose les tables du café comme dans une salle de classe, faisant un brouhaha terrible. Jean se prête au jeu, et sur un ton de vieux professeur chenu, la voix tremblotante rappelant celle de Pétain, il commence son cours.-Mes chers enfants, j’ai décidé de faire don de mapersonne au swing, car le swing, comme la terre, ne ment pas. Et je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. Mais qu’est-ce-que le swing , Eh bien, le swing n’est pas une portée musicale. C’est une cheminée coupée par un fakir dans le dernier coupon de popeline laissé par le rationnement du textile. Le swing, c’est une jambe, un mollet. Comme le mollet de Marie, on pourrait croire ce mollet sportif, mais regardez-le bien, il est seulement swing. Une cravate peut être swing, aussi bien rayée que mouchetée, mais la vraie cravate swing, c’est celle de Jo, râpée et dirty. Un monsieur, prenez Charlie, peut très bien porter des bretelles rose bonbon, et être swing, non comme une clarinette, mais sous le nom de Charles, comme un saxophone. J’ajouterai qu’il y a une manière swing de découper le poulet, et une manière swing de le manger, mais ça, ce sera pour plus tard, quand les Boches seront partis. Le baiser, mesdames, comme celui que Charlie et Lucienne se font quand nous ne sommes pas là, peut être swing, ou « déplorablement » contre les règles du swing lorsqu’il est bâclé. Mais, mes chers enfants, votre vieux professeur se sent fatigué et irai bien se coucher, alors je vais terminer sur ces mots que je vous demande de méditer : les plus grands admirateurs du swing ne savent pas comment définir l’objet de leur admiration. C’est in-con-tes-ta-ble-ment ce qui en fait pour eux la beauté et la grandeur. Et j’ajouterai ceci, avant cette fois d’aller vraiment me coucher : Goebbels le Nabot a raison de craindre le swing. Le swing fait danser les gens au lieu de les faire marcher au pas. Le swing les fait exulter au lieu de les mettre au garde-à-vous ! Le swing symbolise la liberté. Niggerswing, Swingbazillus, Judenswing ! Prout ! »
Sur cette période je vous recommande également vivement, la lecture du roman de Carole Declercq , Ce qui ne nous tue pas… http://leslecturesduhibou.blogspot.fr/2015/09/ce-que-ne-nous-tue-pas.html