Pique-Nique à Hanging Rock, de Joan Lindsay

Par Clarabel

« Pour les habitants d'Appleyard College, le dimanche 15 février fut un jour de cauchemar où l'on balançait entre le rêve et la réalité et où alternaient selon les tempéraments des bouffées d'espoir violent et d'angoisse éperdue. » La veille encore, une cohorte de collégiennes innocentes s'aventure pour un pique-nique champêtre en compagnie de leurs chaperons. Le temps est ensoleillé, la chaleur douce et apaisante. Quatre jeunes filles vont se détacher du groupe pour se hasarder dans les brousses et explorer le site de Hanging Rock. Au bout d'une heure, pourtant, seule l'une d'entre elles revient en pleurant. Elle ne sait plus, elle ne comprend pas. Toujours est-il que ses camarades ont disparu, sans laisser la moindre trace. Une enseignante va se lancer à leur recherche, avant d'être à son tour aspirée par l'énigme et s'évaporer dans les airs. Ce drame va aussitôt marquer les habitants de la région et bouleverser le pensionnat de Mrs Appleyard, qui s'enorgueillissait d'instruire la crème de la crème en matière de jeunes héritières écervelées. La police va mener son enquête, fouiller les lieux, alerter la presse et ne pas ménager ses efforts. Elle va rassembler les témoignages des enseignants, des élèves, des rares témoins sur place, dont deux jeunes hommes en goguette...  « Oh, Miranda, Marion, où êtes-vous parties... ? » Outre le suspense présent dans cette histoire curieuse et inquiétante, on trouve aussi un style étonnamment alerte et primesautier, un lyrisme délirant et parfois déconcertant, où au détour d'un détail poignant, l'auteur coupe court avec des interventions hallucinantes. « Bien que nous soyons nécessairement concernés, dans un récit d'événements, par l'action physique qui se déroule au grand jour, l'histoire donne à penser que l'esprit humain s'aventure bien plus loin dans les heures silencieuses qui s'écoulent entre minuit et l'aube, ces fructueuses heures sombres rarement relatées, dont les secrètes floraisons engendrent la paix et la guerre, l'amour et la haine, le couronnement et la chute des rois. Ainsi, par exemple, que prépare la petite impératrice grassouillette de l'Inde, en chemise de nuit de pilou, dans son lit à Balmoral, qui la fait sourire en cette nuit de mars et froncer sa petite bouche obstinée ? Qui sait ? » Publié en 1967, adapté au cinéma par Peter Weir, Pique-nique à Hanging Rock est un récit dramatique, empreinte d'un charme envoûtant, qui laisse une trace mystérieuse d'une lecture hors du temps.

Traduit par Marianne Véron pour Flammarion (1977)

Repris par Le Livre de Poche, mai 2016 pour la présente édition

  

# Mois Anglais 2016 : Auteurs anglais d'origine étrangère 

Joan Lindsay, née Weigall, est une écrivaine connu pour son roman Picnic at Hanging Rock publié en 1967. Dramaturge, critique littéraire et critique d'art, elle a collaboré à diverses revues et journaux. Elle fait partie des membres fondateurs de National Trust of Victoria, une organisation non gouvernementale australienne, créée pour la promotion et la conservation du patrimoine aborigène, naturel et historique du pays.