Le Rapport de Brodeck (T2/2) – L’indicible

Chronique « Le Rapport de Brodeck, tome 2 »

Public conseillé : Adultes, grands adolescents

Scénario et dessin de Manu Larcenet, d’après Philippe Claudel,


Style : aventure fantastique,
Paru aux éditions « Dargaud », 168 pages, le 17 juin 2016, 22.50 euros,
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L’Histoire

Brodeck se réveille en sursaut d’un cauchemars. Il va voir Schlauss. Dans le silence, Brodeck recueille ses souvenirs, presque ses aveux…
Après avoir aperçu l’homme derrière l’homme, il s’en retourne chez lui, s’effondre dans la neige.
Le lendemain, Brodeck trouve un paquet devant sa porte. En paiement de ce qu’il a écrit et surtout ce qu’il n’écrira pas dans son rapport.
En péchant sur le lac, Brodeck se rappelle les villageois qu’il a interrogé. Il reconstitue l’arrivée de l’Anderer, l’autre…

Ce que j’en pense

Attention, deuxième tome et deuxième claque ! Manu Larcenet en remet une couche avec son adaptation du roman éponyme de Philippe Claudel.
Ambitieux, sombre, simple, poétique, effrayant, humain, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier sa version.
Pour commencer, l’objet est impressionnant. 1.8 kg, publié en demi-planches, grand format, en noir et blanc, presque intimidant… Il marque une rupture complète avec la plupart des ouvrages “standards”. Au delà du soin apporté à l’extérieur (qui ne révèle rien), à l’impression (intense), au papier (épais) , le contenu est aussi étonnant.
Avec ce diptyque, j’ai découvert un auteur rare, exigeant, dont je ne connaissais que les délires (Donjon Parade, le retour à la terre..) qui n’ont pas grand chose en commun…

C’est un Album-bible qui fera date. Manu Larcenet s’impose un graphisme exceptionnel. Des matières et hachures d’une grande richesse, une composition impeccable, un sens de l’épure, tout est travaillé, réfléchi, maîtrisé.

La narration est tout étant subtile. Jouant sur les cases sans paroles, les scènes contemplatives, les vrais et les faux monologues, à la façon de Brodeck, Manu se fait conteur. Il s’insinue dans les clairs obscur de l’histoire, du passé, des souvenirs, pour raconter l’indicible. L’arrivée de L’Anderer, sa “vie” dans le village, les différences, tout ce qui choque ce village isolé, retiré du monde…
Il évoque aussi son passé, la venue de l’armée d’occupation, les rapports entre soldats et villageois. Mais surtout le glissement… En prenant son temps, il raconte comment l’homme, par peur, peut oublier sa bienveillance, sa solidarité et se laisser aller… La délation, l’abomination, les plus bas instincts, si proche de notre vernis social…

Le résultat est d’une force inouïe ! Effrayant, hypnotique, Manu m’a scotché au long de ses 160 pages, vers une fin pourtant attendue. Raconter peut aider à guerrir ? Oui, mais il faut accepter l’indicible d’abord, la peur, d’abandonner l’espoir…

Aucune hésitation, faites comme moi. Si vous n’avez pas encore craqué avec le premier tome, prenez les deux ensemble et plonger dans le noir de l’âme humaine, mis en image par un nouveau maître du graphisme !

Rapport Brodeck (T2/2) L’indicibleLe Rapport de Brodeck (T2/2) – L’indicible

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Cet article fait parti de « La BD de la semaine », regroupé chez Noukette, cette semaine.