Mon livre était tellement abimé que les premières pages étaient volantes. D’ailleurs ma fille a fini d’achever ce pauvre bouquin en déchirant la couverture. Ca ne m’a pas arrêtée, bien au contraire! J’aime par dessus tout un objet qui a une histoire, un passé. Alors un livre tout écorné, c’est un petit trésor!
Les différentes couvertures en plusieurs langues:
Les deux illustrations que j’aime le plus sont l’édition française avec les trois paires de jambes sur fond rose et l’édition italienne, dont le titre « Amare Mister Bastardo » doit déjà vous mettre la puce à l’oreille sur le genre de personne de laquelle parle ce livre…
Résumé et avis en bref: Paddy de Courcy, un homme politique irlandais au charme irresistible et étoile montant d’un nouveau parti, se marie. Gorges chaudes dans la presse, le chouchou de la ménagère de moins de 50 ans n’est plus dispo!
Mais quatre femmes sont surprises à cette annonce: sa petite amie, Lola (qui n’est pas la fiancée! Anguille sous roche…); une journaliste, Grace, dont la soeur jumelle était l’amour de jeunesse de Paddy; Marnie, ladite soeur jumelle, écorchée de la vie et qui ne s’est jamais vraiment remise de sa rupture avec Paddy il y a des années; et Alicia, la fiancée à qui personne n’a même demandé sa main, et qui apprend donc par la presse ses propres fiançailles.
Le récit alterne entre les points de vue des trois premières, et Alicia vient ajouter un grain de sel de ci, de là. Mais c’est surtout l’histoire des jumelles Grace et Marnie, que Paddy hante depuis leur adolescence, et celle de Lola, la dernière victime en date de Paddy, que l’on suit.
Comme le dit la traduction française, Paddy est « trop charmant » pour être honnête. ET l’on découvre avec stupéfaction, tout au long du livre, le vice et la méchanceté de cet homme qui envoute tous ceux qu’il rencontre.
Cela n’est pas évident au premier abord, mais le thème principal de ce livre est la violence conjugale. Un sujet sombre et douloureux s’il en est. Mais Marian Keyes, avec son écriture envolée, et les différentes personalités qu’elle incarne par l’écriture, nous permet d’explorer cela de manière assez légère.
Les quatre femmes ont chacune une police d’écriture qui leur est attribuée et elles ont aussi des voix différentes. Lola est de loin la plus attachante, mais les jumelles ne sont pas en reste. Grace la journaliste ébouriffée et acerbe, et Marnie la mère de famille alcoolique, ont toutes les deux beaucoup à offrir au lecteur, de manières différentes.
Des portraits de femmes hautement humains, qui s’allient pour faire tomber le masque du monstre qu’est Paddy de Courcy. Un livre qui m’a bouleversée, et que je n’ai pas pu laisser tant qu’il n’était pas fini.
L’histoire: Attention!!! SPOILERS!!! L’histoire est écrite de manière à dévoiler petit à petit ce qui se passe, avec des flashbacks, mais je remets tout dans l’ordre chronologique.
Tout commence avec les jumelles Grace et Marnie, et leur copine Alicia, dite Leechy. Grace et Marnie ne pourraient être plus différentes l’une de l’autre: Grace est l’assurance incarnée, elle est grande, fine, élancée et en pleine santé. Marnie est petite et fragile, hypersensible, sujette à la dépression et chope tous les microbes qui trainent.
Grace travaille dans un bar pendant l’été et flash un chouïa sur un autre barman: le très sexy Paddy-les-yeux-bleus (Ok en fait c’est Paddy tout court, mais on nous parle tellement de ses yeux que je lui ai collé ce sobriquet!). Grace, qui partage tout avec sa soeur, veut lui présenter Paddy.
Le problème, c’est que Marnie et Paddy ont le coup de foudre. Dès la seconde où ils se rencontrent, ils sont sur la même longueur d’ondes. Grace décide donc de laisser la place à sa soeur, voyant bien que c’est perdu pour elle (et de toute façon elle aime sa soeur plus que tout).
Paddy et Marnie restent ensemble trois ans. Tous deux écorchés vifs, elle de nature et lui parce qu’il a perdu sa mère et que son père est juste trop bizarre, ils se comprennent et se complètent.
Leur relation est tumultueuse et dramatique, ils se disputent tout le temps, se séparent et reviennent l’un vers l’autre. Lorsque Paddy se sent incompris, c’est Leechy qui lui remonte le moral.
Mais à la fin de leurs études, Paddy a évolué. Il en a marre de Marnie et la rejette violement. Il va même jusqu’à la tabasser pour lui apprendre à être une telle mauviette. Et le coup de grâce: il lui balance à la tronche qu’il couche avec Leechy.
Marnie finit à l’hôpital et Grace confronte Leechy. Mais cette dernière ne veut rien entendre: elle est amoureuse de Paddy, et si ça avait été n’importe quel autre mec, elle aurait été fidèle à son amitié pour Marnie, mais Paddy en vaut le coup.
Marnie évolue dans sa vie tel un zombie. Elle finit ses études, ah oui ok. Elle trouve un super job à Londres, ah oui c’est bien. Elle sort avec plein d’hommes, mais sa nature hyper sensible les fait fuir.
Jusqu’au jour où elle rencontre Nick. Lui il la prend comme elle est, l’épouse et lui donne deux merveilleuses petites filles: Daisy, belle et enjouée, et Vérity, binoclarde anxieuse. Un genre de projection de Grace et Marnie.
Grace devient journaliste et rencontre Damien, un journaliste politique ténébreux aux principes inébranlables. Ils s’installent ensemble mais sans se marier. Ils ne veulent pas d’enfants. Ils fument beaucoup et mangent des bombons.
Quant à Alicia, elle rencontre un homme beaucoup plus âgé, Jeremy, qui
l’adore. Ils se marient (sur l’insistance d’Alicia) mais il s’avère que Jeremy est bisexuel. Leur vie sexuelle est quasiment inexistante, mais ils cohabitent tels les meilleurs amis du monde, se donnent beaucoup de tendresse et ont une vie de dingue (Jeremy est super riche).
Il est sorti avec pas mal de femmes, des célébrités comme des anonymes. Pas de style en particulier, il veut juste assouvir ses désirs sexuels les plus tordus et dominer ses compagnes, que ce soit mentalement ou physiquement. Il les brutalise et les coupe de leurs amis. Leur dit que c’est de leur faute. Un pervers narcissique, en somme.
Sa dernière victime est Lola Daly, une styliste de 31 ans avec un balayage violet (Molichino, pardon) qui, par bravade, ne refuse jamais un nouveau défi (humiliation) sexuel. Ils se rencontrent dans un cimetière et il la drague alors qu’elle se recueille sur la tombe de sa mère! Aucun scrupule, le mec. Premier rdv dans un salon de lingerie érotique où il peut se rincer l’oeil pendant qu’elle essaie différents ensembles, plan à trois avec une prostituée russe, viol, violence… Mais Lola est accro.
Grace, de son côté, est « nègre » pour les autobiographies de célébrités. Paddy étant très en vogue, on la contacte pour aider à écrire l’autobiographie de ce célèbre homme politique irlandais. Elle ne sait pas. Oui, non? Finalement elle décide que l’argent que cela lui rapportera contrebalance le fait qu’elle ait un passé compliqué avec lui, et elle se dit qu’elle pourra peut-être aussi lui arracher des excuses pour avoir tabassé sa soeur 15 ans plus tôt. Damien n’est pas très chaud, mais la décision appartient à Grace, et elle décide de prendre ce contrat.
Mal lui en prend, il lui fait du gringe et son charme opère à nouveau sur Grace, qui a vraiment du mal à résister (et se concentrer). Damien le sent, mais ne dit rien. Au fur et à mesure des rendez-vous professionels, la tension (sexuelle) monte, et Grace se laisse embrasser. Mais elle reprend le controle et repousse Paddy.
Grace rompt son contrat d’écriture pour ne plus voir Paddy. Elle ment à Damien à propos de ses blessures, et celui-ci la « croit ». Mais l’ambiance entre eux se dégrade de plus en plus. Mystérieusement, la voiture flambant neuve de Garce est volée et brûlée.
Du côté de Marnie, ce n’est pas la grande joie non plus: mère au foyer par choix, elle commence à boire et deviens alcoolique. Son mari Nick, qui doit s’absenter du travail pour s’occuper d’elle, perd son bonus, et la famille se retrouve dans la mouise. Marnie décide donc de reprendre son ancien boulot, se disant que cela l’aidera à se tenir éloignée de l’alcool.
Mais c’est le contraire qui se produit: Marnie doit rencontrer des clients lors de déjeuners, et se détend avec ses collègues, tous masculins, au bar du coin après le travail. Surtout avec Rico, en fait. Les résultats de Marnie sont catastrophiques, et son patron décide de lui donner une seconde chance en lui donnant un boulot à horaires stables.
Alicia, quant à elle, perd son époux et devient veuve. Paddy la « console » alors même qu’il sort avec Lola, la styliste, depuis quelques mois. Et là, c’est le drame: la presse a eu vent de sa relation avec Alicia, et pour ne pas être pris de court, l’agent de Paddy déclare à la presse qu’ils sont fiancés.
Résultat des courses: c’est Grace qui est chargée par sa rédaction d’écrire l’article sur les fiançailles, Alicia apprend par voie de presse qu’elle est fiancée, Lola que son mec se marie avec quelqu’un d’autre, et les vieilles blessures de Marnie saignent avec autant plus d’entrain.
Lola est atterrée. Elle est tellement désemparée qu’elle foire tout ce qu’elle fait, vomis à la seule mention de Paddy de Courcy, brûle des vêtements en les repassant (elle est styliste, je vous le rappelle. Ces robes coûtent bonbon!) et se trompe de vêtements pour ses clientes. En plus, une certaine Grace Dilgee, journaliste, la poursuit pour qu’elle lui parle de son aventure avec Paddy.
Elle n’en peut plus. Complètement accro, comme à une drogue dure, elle campe devant la porte de son amant, demandant à ses copines de lui ramener de quoi tenir plusieurs jours (les copines refusent).
Par contre les copines ont une solution pour elle: qu’elle aille se mettre au vert dans la maison de campagne familiale de l’une d’entre elles, sur la côte irlandaise. Elle laisse ses clientes entre les mains de sa stagiaire (qui a les dents longues, mais bon on fait comme on peut!) et part en exile dans un petit village balayé par les vents.
Lola soigne son petit coeur comme elle peut, remonte doucement la pente. Lorsqu’elle se rend aux services sociaux pour demander le chômage – vu qu’elle ne travaille plus- l’agent qui la reçoit lui fait une demande étrange: qu’elle se procure pour lui des vêtements féminins de grande taille. Il s’avère que c’est pour lui-même!
Contre son gré, Lola commence donc à recevoir tous les vendredi soir deux ou trois crossdressers (ils s’habillent en femme mais ne sont pas gay, contrairement aux travestis), sous peine de voir son chômage sauter. Un vendredi soir, une magnifique jeune femme sonne à sa porte. Choc: c’est Chloé, l’alter-égo féminin de Rossa Considine, son voisin! Il avait brûlé ses vêtements féminins dans le but d’arrêter le crossdressing, mais a « replongé ».
Lola s’ouvre à Cholé sur son passé douloureux avec Paddy, trouvant une oreille attentive et une épaule sur laquelle pleurer. Mais étrangement, les rapports avec Rossa restent… très sarcastiques. Lola couche un temps avec le Dieu de l’Amour, mais c’est un mec pansement, et elle s’en sépare très vite.
Après l’annonce des fiançailles de Paddy, Marnie plonge de plus en plus dans l’alcoolisme. Son mari et son patron lui donnent tous deux une dernière chance, mais rien n’y fait. Marnie est sans emploi et son mari la quitte, emmenant leurs deux filles avec lui. Grace s’inquiète horriblement pour sa soeur et fait des aller-retours entre Dublin et Londres tous les weekends. Mais rien n’y fait.
Damien, le compagnon de Grace, qui est journaliste politique, lui révèle que son journal est en train d’écrire un papier qui fera tomber Dee Rossini, la femme qui a créé et qui est à la tête du parti de Paddy, NewIreland. Grace trouve que ça sent le coup monté, et en cherchant bien, elle se rend compte que cela vient très certainement de Paddy, qui essaie d’évincer Dee pour prendre la tête du parti. Grace découvre aussi que le vol et l’incendie de sa voiture ont été commandités… par Paddy. Surement aigri qu’elle se soit refusée à lui.
Grace met en oeuvre un plan pour que Dee reste au pouvoir: le faire chanter pour qu’il fasse retirer l’article compromettant sur Dee. Elle arrive à rallier Marnie et Lola à sa cause, ainsi que deux autres femmes que Paddy a maltraité. Le plan est de le confronter aux actes horribles commis sur ces femmes, en le menaçant de tout dévoiler à la presse.
Après plusieurs retournements de situation, Paddy accepte. Mais il se venge en appelant Damien et en lui révélant que Grace était prête à coucher avec lui. Grace et Damien se séparent, et les jumelles partent ensemble en vacances pour se ressourcer.
Quant à Lola, elle rentre fissa sur la côte irlandaise pour dire adieu à ses amis et reprendre sa vie à Dublin. Cependant, avant de partir, elle échange un baiser langoureux avec Rossa…
La vie reprend. Marnie boit toujours. Grace est célibataire. Lola travaille d’arrache-pied.
Un beau jour, Marnie se voit telle qu’elle est, et admet qu’elle a besoin d’aide. Elle se rend aux Alcooliques Anonymes.
Un beau jour, quelqu’un sonne à la porte de Lola, et c’est Rossa Considine, qui lui avoue son amour.
Un beau jour, Grace se rend à un meeting de NewIreland sur l’invitation de Dee Rossini, qui dit avoir une surprise pour elle: devant une assemblée médusée, elle remercie Paddy de Courcy de ses loyaux services au parti. Elle le vire! Et Damien est là aussi, qui attend Grace: il lui a pardonné.
Happy Ending
Mon avis: Magistral!
Parlons d’abord de l’écriture, avant de soulever les différents thèmes abordés dans le livre. J’ai trouvé Marian Keyes très intelligente dans la manière dont elle aborde le thème principal, qui est la violence conjugale. Son livre est comme un oignon que l’on pèle, et qui révèle peu à peu qui est vraiment Paddy de Courcy.
Il faut attendre facilement la moitié du livre avant de vraiment comprendre que le sujet principal est la violence conjugale. Je vous rassure, on ne s’embête pas pour autant! On découvre quatre femmes (enfin trois et demie car Alicia n’a pas tellement voie au chapitre) très différentes et passionnantes, qui ont toutes les trois été liées à Paddy de Courcy. Honnêtement je pensais qu’il s’agissait de faire le portrait d’un homme politique, et puis il s’est avéré qu’on fait le portrait d’un pervers narcissique (si, si, et je pèse mes mots). Il détruit tout ce qu’il touche, et passe pour un agneau avec ses beaux yeux bleus.
Les histoires entrecroisées des quatre femmes, agrémentés de flashbacks, peignent devant nos yeux ébahi le portrait d’un homme cynique, destructeur, ambitieux, que rien n’arrête. Un vrai bulldozer, ce mec!
J’ai aimé les différents styles et polices d’écriture adoptés pour chaque femme: journal en code sms pour Lola, grande police qui prend de la place; narration à la première personne pour Grace avec une police d’écriture classique; narrateur omniscient pour Marnie avec la même police d’écriture que Grace, mais plus petite et plus fine; et enfin narrateur omniscient aussi pour Alicia avec une police d’écriture simple et en gras. Ces choix narratif et visuels correspondent tout à fait au caractère des héroïnes (je développerai plus bas).
J’ai lu des critiques qui disaient que mettre quatre différentes polices d’écriture, en plus des styles de narrations différents, c’était prendre les lecteurs pour des imbéciles. Moi j’ai aimé l’effort qui a été fait, et visuellement je trouvais ça chouette de savoir « à qui j’avais à faire » lorsque je me replongeais dans le livre d’un seul coup d’oeil.
Les personnages:
Elle est un peu futile et superficielle mais a bon coeur et de l’enthousiasme à revendre.
Par exemple elle nous sort des trucs limite racistes : sa stagiaire noire qui a un beau fessier, ou le serveur égyptien qui doit la détester parce qu’elle montre ses cheveux, ses jambes, et boit de l’alcool – plus cliché tu meurs!!!
Aucune idée sur la différence entre transsexuel et travesti non plus. Bref, son séjour à la campagne lui permet de s’éduquer un peu sur différents sujets.
Elle se fait facilement des amis dans un trou perdu, refuse de faire partie du club des coeurs brisés, et devient malgré elle une figure de proue locale de la vie cachée des travestis. Elle fait ami-ami avec un groupe de poivrots dont elle devient la mascotte, avec une tenancière de bar sans âge avec laquelle elle regarde des sitcom, et avec un jeune couple qui tient un vidéo club.
Ses descriptions sont hilarantes. Le beau surfeur, une fois le charme rompu, est en fait affublé d’une bouche qu’on dirait gonflée artificiellement, et elle se demande régulièrement si le pauvre beau gosse n’en souffre pas.
A travers elle, se dresse le portrait d’une station balnéaire irlandaise vivant principalement du tourisme. Les personnages qu’elle rencontre sont hauts en couleur et attachants.
Co Clare, Doolin,
Et surtout, l’évolution de sa relation avec son charmant voisin, qu’elle prend d’abord pour un kidnappeur, est juste savoureuse. Je KIFFE Rossa Considine, malgré son nom à coucher dehors. Il est juste trop sexy.
Son côté féminin sophistiqué et à l’écoute des autres complète son côté masculin de spéléologue ébouriffé et buveur de bières. Chloé, son alter égo féminin, est celle qui brisera la carapace de Lola, et qui fera prendre conscience à notre héroïne de la dépravation de Paddy de Courcy, de tout le mal qu’il lui a fait.
Il est d’ailleurs intéressant de voir comment Lola différencie Chloé et Rossa. Elle se sent trahie par Chloé lorsqu’au lendemain d’un confidence, c’est Rossa qui lui demande si elle se sent mieux.
Grace est journaliste. Son apparence, elle s’en contre-fiche. Grande, cheveux blonds en bataille, en uniforme jean, elle écrit des articles politiquement incorrects. Elle est le personnage fort de ce roman par défaut: pas le choix, c’est elle la plus robuste dans le couple de jumelles qu’elle forme avec Marnie. Elle porte sa famille sur ses épaules.
Sa relation avec Damien est très belle. Avare de mots, pas à sa place dans une famille de gens de carrière, Damien trouve en Grace son alter égo. Non-conventionel, le couple ne veut pas d’enfants. Damien est droit dans ses bottes, il exige de Grace la même exactitude des sentiments. On ne fait pas semblant, avec lui.
Quant à Marnie, son portrait est celui d’une écorchée vive, hyper sensible, qui n’est pas armée pour affronter le monde. Son hypersensibilité fait qu’elle ne peut supporter la misère qui l’entoure. Elle doit faire semblant pour se conformer à ce que la société attend d’elle, et trouve refuge dans l’alcool pour fuir l’oppression de sa vie.
Lorsqu’elle se dévoile à ses amants, ceux-ci prennent peur. Sa famille ne la comprend pas non plus, bien qu’elle sache comment Marnie fonctionne. Comment peut-on être heurté par le fait que d’autres souffrent? Comment se fait-il que Marnie ne puisse s’endurcir, laisser glisser les choses sur elle? Elle utilise cette très belle métaphore: Je suis une hémophile émotionnelle, mes blessures ne guérissent jamais et continuent de saigner.
Son mari, Nick, le courageux et gentil Nick, la prend telle qu’elle est et l’épouse. Il lui donne deux filles. Il l’accepte toute entière. Mais même l’amour de Nick ne peut effacer le malaise de vivre de Marnie, et elle sombre peu à peu dans l’alcoolisme. A bout de souffle, Nick quitte Marnie et part avec les enfants.
Sans emploi car virée pour alcoolisme, et livrée à elle-même, Marnie touche le fond. Mais toujours, toujours, elle se dit qu’elle n’est pas alcoolique. Son refus d’admettre sa situation la pousse aux extrêmes, jusqu’au jour où elle se voit pour ce qu’elle est devenue, et prend en main son destin.
Alicia, si peu entendue, est la 4è roue du carrosse. Jalouse des jumelles, amie mais ennemie, ne se sentant jamais vraiment à sa place, elle tient sa revanche lorsqu’elle épouse Paddy. Mais son rêve se fissure très vite lorsqu’elle aussi cache au creux de la paume de sa main la marque se son « maître ». On n’arrive pas à la détester, malgré tout. Elle va droit dans le mur, on le sait, elle le sait, mais il est trop tard.
Les thèmes:
Violence conjugale, alcoolisme, dépendance et perversion narcissique, autodestruction… Des thèmes pas faciles, abordés au travers de la vie des quatre personnages principaux
Paddy viole ses compagnes lorsqu’elles sont malades ou juste après un avortement, Paddy les coupe de leurs amis, Paddy les blesse physiquement, si bien qu’elle doivent interrompre leur carrière sportive. Paddy est tellement chelou que certaines partent à l’autre bout de la planète (ou du moins en Afrique du sud) pour lui échapper. Paddy est TOUT sauf charmant.
Et Paddy menace, brûle des voitures, arnaque. Paddy est assoiffé de pouvoir et pathétique.
Mais que retenir alors de ce livre qui parait bien sombre? La solidarité féminine, l’espoir de s’en sortir, le pardon, avancer dans la vie. L’amitié. Se reconstruire. Toutes les femmes blessées par Paddy se rallient, trouvant en Grace une figure de proue. Elles voient Paddy pour ce qu’il est vraiment. Elles puisent en leur amis et famille la force de se relever, de se reconstruire, d’aller de l’avant.
Ce livre porte un message d’espoir. Certains trouvent que le happy ending n’est pas à sa place, mais moi cela m’a plu. Cela montre que même au plus profond de la déchéance humaine, il reste une porte de sortie.
L’acceptation de soi ET des autres (avec la bande de travestis qui s’invite chez Lola) est le message principal du livre.
C’est suite à de nombreux épisodes de dépression et d’alcoolisme qu’elle prend la plume. Elle a publié 12 livres traduis en 36 langues.
Son dernier opus est un livre de recettes. Après une dépression sévère, Marian Keyes s’est lancée dans l’art culinaire, ce qui lui a permis de remonter la pente. Elle partage cela dans ce dernier opus.
Vous pouvez en apprendre plus sur son site: http://www.mariankeyes.com/home
Pour aller plus loin:
Travestissement:
Mon petit ami se travestit – Témoignage