Présentation faite le 17 mars 2016 à la Galerie Craft de Dieulefit dans le cadre du Mois de la Poésie
Si les poèmes, les éphémères comme ceux qui durent, se mettaient à discourir entre eux, s'ils commençaient à s'échanger leurs premières impressions, n'en viendraient-ils pas à évoquer ce qu'ils représentent dans l'écriture poétique (1) et, par leur capacité à s'inspirer mutuellement, à proliférer, non comme des virus, mais comme un phénomène culturel ? Eux poèmes, comme fondement de la littérature, n'en viendraient-ils pas à vouloir faire le portrait de leurs géniteurs, ces poètes conduits à transfigurer leurs blessures intimes, celles des hommes et de la nature ? A insi la poésie (2) est-elle par nature résistance et, par sa création, espace de résistance(s).
Au quadrillage de l'espace, à l'invitation à la docilité et à la servitude, la poésie apporte sans doute une réponse autre, insoumise et déstabilisante, celle des poètes dans le creuset de l'imaginaire où se trouve le lieu de résistance (s) ou de micro-résistances. L'expression des poètes dans le champ littéraire peut-être résolument espace de mémoire, de dénonciation, d'indignation, d'appel à une autre vision du monde, une transgression des normes quelles qu'elles soient, dans la forme et dans le fond. Si l'on considère que la poésie ne peut être enfermée dans la clôture du signifiant, c'est alors aussi la question de sa fonction et de son utilité comme conscience de mission qui est posée. Elle explore les chemins de résistance(s) qu'empruntent toujours aujourd'hui les poètes qui s'engagent. Les poèmes s'interrogeraient sur les stratégies de résistance que sublime le poète. Et, depuis la naissance de la poésie, ces milliards de poèmes s'interrogeant sur leurs poètes ne diraient-ils pas qu'eux sont ce qu'ils sont dans leur diversité mais qu'en réalité ils n'ont que le même poète et que, de mémoire de poème, ils n'ont vu que lui (3). Le poète a toujours été fait comme il est et, assurément, il ne meurt pas comme les autres hommes. Les poèmes sont une part de lui-même que la mort n'aura pas. Ce raisonnement des poèmes serait-il le bon ? Le poète dure toujours bien qu'il doive affronter les altérations des temps. Le poète est une longue expérience de ce fondement de la littérature qu'est la poésie. Les poèmes, dépassant l'âge des hommes, les poèmes mis bout à bout donneraient quelques signes d'immortalité au poète.
Jean-Philippe Kempf
Bandeau : Se Precisar de Flavio Cerqueiro