Le côté obscur de la planète football

Le contrepied de Foé

Le contrepied de Foé (Laurent Galandon – Damien Vidal – Editions Dargaud)

Urbain et son pote Ahmadou habitent dans un petit village au Cameroun, perdu au fond de la brousse. Tous les jours, ils jouent au football avec d’autres garçons du village. Depuis quelques jours, un blanc un peu étrange s’installe au bord du terrain en terre pour filmer leurs matches. A la fin d’une partie, il interpelle les deux amis pour leur dire qu’il est impressionné par leur manière de jouer. Pour lui, c’est sûr: ils ont du potentiel. L’homme, qui s’appelle Jean-Marc, affirme être agent sportif pour la FIFA. Pour les convaincre, il leur montre sa carte, ainsi que des photos de lui avec Nwanko Kanu, El-Hadji Diouf et Emmanuel Adebayor, trois stars africaines ayant débuté leur carrière grâce à lui. Pour Jean-Marc, c’est certain: Urbain et Ahmadou ont le talent nécessaire pour faire eux aussi carrière en Europe et marcher ainsi sur les traces de leur idole, le footballeur Marc-Vivien Foé, qui joue dans l’équipe nationale du Cameroun, les fameux Lions indomptables. « Les clubs vont se battre pour vous recruter », leur promet l’agent. Evidemment, Urbain et Ahmadou se laissent facilement convaincre. Le seul hic, c’est qu’ils doivent chacun payer 6.000 euros pour payer leur voyage et les frais annexes. Soit l’équivalent de 10 ans de salaire pour un Camerounais! Heureusement, tout le village va se mobiliser pour récolter l’argent qui leur permettra de réaliser leur rêve, en partant du principe qu’ils pourront facilement rembourser leur dette une fois qu’ils seront devenus des vedettes. Mais lorsqu’ils débarquent en France, Urbain et Ahmadou ne tardent pas à se rendre compte qu’ils ont été victimes d’un agent véreux. Devenus des clandestins, un tout autre match commence alors pour eux!

Le contrepied de Foé (extrait)

Alors que l’Euro 2016 bat son plein, il est intéressant de se pencher sur la face moins visible et surtout moins reluisante du football business. Avec « Le contrepied de Foé », Laurent Galandon et Damien Vidal nous rappellent que la planète football est gangrénée par l’argent et parfois même par des pratiques proche de l’esclavage moderne. Tout comme Urbain et Ahmadou, la plupart des espoirs du ballon rond n’atteignent jamais le statut de star bling bling. Ils sont attirés en Europe, l’eldorado du foot, par des pseudo-agents qui leur promettent monts et merveilles, mais dont le seul objectif est de s’en mettre plein les poches. Dans le meilleur des cas, ces garçons qui rêvaient d’une carrière à la Drogba ou Foé terminent dans un petit club de D2 ou D3. Dans le pire des cas, ils découvrent la clandestinité et doivent alors se débrouiller comme ils peuvent pour survivre, tout en faisant croire à la famille restée au pays que tout va bien, comme dans l’histoire de Galandon et Vidal. Bien sûr, « Le contrepied de Foé » est une fiction, mais il s’appuie sur des faits bien réels. « Derrière les contes de fées des rares élus, cette forme insidieuse de néo-colonialisme cache plus souvent d’obscurs trafics, des escroqueries, des chantages, des ruines familiales, des disparitions », soulignent les auteurs. Un docu-fiction fort et interpellant, qui se termine heureusement sur une note d’espoir.