Et nous retournons voir ce qui se passe en ce moment chez Eaglemoss, avec une aventure de Wonder Woman en deux parties, intulée L'Odyssée. Du Straczynski au scénario, un bon motif pour s'y pencher. On revient donc ce samedi sur cette saga.
Il est clair que quelqu'un a du faire joujou avec les lignes temporelles. Au point que le lecteur habituel des aventures de Wonder Woman pourrait se sentir un peu perdu. Les amazones ont été massacré. Paradise Island a été incendiée, le cours des évènements est clairement bouleversé. De rares cellules amazones résistent encore sur Terre, et elles ont formé en secret la jeune princesse Diana, dont la mère, Hyppolite, a été éliminée elle aussi. L'héritière connaît encore mal ses capacités, par exemple elle sait qu'un jour elle pourra voler, mais pour le moment, elle doit se contenter d'en rêver. Si George Perez parvient, à la fin des années quatre-vingt, à rendre au personnage ses racines mythologiques, tout en orchestrant un habile mélange entre divinités olympiennes, aventures épiques, et récit de super héros, les lustres suivants sont moins brillants, et de la sainte trilogie Dc (avec Batman et Superman), Wonder Woman est de loin la parente pauvre, pour les lecteurs qui ne suivent que les parutions Vf. Avant l'arrivée d'Urban Comics sur le marché, les albums consacrés à Diana étaient peu nombreux, décousues, et une grande partie de la production américaine reste inédite à ce jour, peu ou mal traduite. Raison de plus pour sur le run (finalement assez bref) de Straczynski, qui réussit à l'époque à faire parler de lui jusque sur les pages des médias traditionnels, par la grâce d'un changement de costume dont le véritable architecte n'est autre que Jim Lee. L'auteur génial de Rising Stars ou Supreme Power a tendance à confondre figures du panthéon olympien et réminiscences de Neil Gaiman (ses déités ont un look plus dark/hemo que franchement mythologique). Le style, c'est important! D'ailleurs c'était les lectrices, qui demandaient trop souvent, parait-il, comment Diana pouvait faire des sauts de cabris et combattre le crime en petite culotte et bustier étoilé, sans que "rien n'en sorte" par moments, ou se retrouver nue à chaque combat? En fait, c'est une constante de nos héros que d'endosser des costumes improbables et malaisés à revendiquer, mais que voulez vous, la logique commerciale l'emporta (pour un temps) et Wonder Woman se retrouva donc affublée d'un pantalon/collant et d'une veste, pour le plus grand plaisir des puritains qui en rêvaient secrètement.
Mais que lisons nous véritablement, avec cette Odyssée? J'ai le sentiment que cette fois, Straczynski n'a pas atteint son objectif, et s'est contenté de livrer une version proche de l'univers Ultimate, à la sauce Dc. Les moments forts de cet album? Voir Hyppolite, la mère, mourir entre les flammes, assister au carnage des Amazones, prises en chasse, pour les dernières survivantes. Et les voir guidées par Diana, ici dans une sorte d'incarnation à mi chemin entre la jeune ninja et la super-héroïne classique. Elle n'est pas assez solennelle, pas assez "déesse" pour que nous soyons convaincus par cette nouvelle incarnation. Le sang coule, c'est assez violent, et plutôt bien illustré car Don Kramer (et Eduardo Pansica) est indéniablement capable de fournir des planches propres et soignées, mais qui ne sont pas très pourvues en émotions. Hélas une ribambelle d'autres artistes se succèdent pour en finir, et même le, scénariste s'absente, laissant le soin à Phil Hester de boucler ce qui doit l'être, et de rassembler les pièces du puzzle éparses pour offrir une fin digne de ce nom. Pour résumer, la Wonder Woman de Straczynski, c'est une alternative juvénile et mainstream de l'héroïne que nous connaissons, et qui traverse un récit dont les clés, pour mieux le comprendre et le juger (que s'est-il vraiment passé pour que le cours de l'histoire change de la sorte?) sont cachées aux lecteurs. Une parenthèse intéressante mais avortée, qui démarre sous de bons auspices (des idées assurément à exploiter, du mystère, des planches assez soignées) et se termine dans le marasme général, avec un arrière-goût de projet qui sort de route et part lentement s'enliser sur le bas-coté.
A lire aussi :
Les autres volumes de la collection Eaglemoss sont chroniqués ici