Guinevere de Jean-Louis Fetjaine

livre-guinevere-la-dame-blanche-323

J’attendais la conclusion de la série Arthurienne de Fetjaine avec une grande impatience car les trilogies des elfes de l’écrivain figurent parmi mes coups de coeur et mes grandes découvertes en Fantasy.

Pourtant, j’appréhendais cette lecture à cause du titre : honneur à un personnage central de la légende Arthurienne que je n’ai jamais aimé, celle par qui tout le mal arrive, la fade Guenièvre du cycle. Mes appréhensions se sont trouvées confirmées, mais pas en raison du traitement classique réservé à la reine, au contraire. Sous la plume de Fetjaine, Guinevere incarne une figure bien sinistre, à la volonté implacable, annonciatrice de mort, la Gwenyffar galloise, autrement dit la Dame blanche.

Si j’ai pris plaisir à lire la conclusion de cette vaste fresque entreprise avec le Crépuscule des elfes, je dois bien avouer que j’ai été considérablement déçue. Déçue d’abord par le rôle échu aux femmes. Oh certes, elles sont fortes, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais elles sont manipulatrices, indignes de confiance, avides de pouvoir, impitoyables, Morgause et Guinevere représentent brillamment leur sexe sur ce plan là. Chez Fetjaine, la femme, reine ou suivante, se fait catin, presque logiquement, et tous les hommes du cycle, d’Arthur à Lancelot en passant par le répugnant Méléagant, se laissent gouverner par leur sens. Qu’on glisse dans leur couche une belle femme lascive et c’est est fini de la sagesse et de l’intelligence. Et on complote, et on trahit et on se laisse berner… En définitive, on peut grossièrement dessiner deux camps : celui, primaire, des hommes, si faibles et si aveugles, qui ne songent qu’à batailler ou forniquer et celui des femmes, qui ne veulent que le pouvoir.  Pas un gramme de douceur dans ce monde de brutes !

C’était bien là l’une des stupidités magnifiques des hommes qu’il n’avait jamais bien comprises, depuis le temps qu’il vivait parmi eux… Cet acharnement à tuer ou se faire tuer pour des riens, une parole, une bannière, une femme…

Ma seconde déception tient à l’intrigue. La bataille finale contre les Monstres, même si elle s’intègre dans la tragédie Arthurienne qui voit la mort d’Arthur et de Mordred, est une répétition de toutes les batailles se déroulant dans les trilogies des Elfes précédentes. Aucune surprise n’est possible, on sait exactement comment elle va se dérouler, sur quel massacre elle va déboucher, mais je reconnais l’auteur sait à merveille, et comme à son habitude, restituer ces carnages, propres à donner des frissons.

Et pourtant, malgré ces réserves, le roman tient ses promesses notamment grâce à ce subtil mélange dont Fetjaine est coutumier : la rencontre des Elfes et des hommes, la seule présence de la reine Lliane et celle, enchantée, de Merlin suffiraient à elles seules à faire renaître la magie du cycle. Mais ces deux personnages demeurent hélas bien trop en retrait, laissant la plus grande place aux hommes, à leurs désespérantes faiblesses et leur goût pour la guerre.

Avec la mort d’Arthur, la disparition d’Excalibur, c’est la fin d’un monde, celui de Merlin, celui de Lliane, et tout le roman baigne dans cette atmosphère de mélancolie et de désenchantement particulièrement déprimante. Le Mal demeurera dans le monde des hommes, tant pis pour nous.

PS : une couverture fabuleuse, extrait d’un tableau d’un préraphaélite, Franck Cadogan Cowper : Lancelot Slays the Caitiff Knight Sir Tarquin