Cabinet de curiosités de Camille Gautier (auteure) et Jeanne Detallante (illustratrice), paru chez Actes Sud Junior en 2014
Pour ce nouvel article, je me suis posée un moment la question du choix de la catégorie. Il était rangé dans les albums à la médiathèque et sur le site d’Actes Sud Junior il est décrit comme ceci : « un documentaire rare, mais aussi un bel album ». Bon, ça ne m’aide pas, je le mets dans documentaire ou album ? Bon, comme vous le voyez, je me suis décidée pour documentaire, parce que finalement la maison d’édition a raison : c’est un documentaire avant tout, même s’il a la forme d’un bel album.
Comme son nom l’indique, cet ouvrage nous fait découvrir l’univers des cabinets de curiosité, qui sont les ancêtres des musées et qui exposaient, pour les gens aisés, des collections assez hétéroclites de choses et d’autres. Pas forcément très bien classifiés, les cabinets de curiosités étaient l’œuvre de collectionneurs, souvent des nobles ou des bourgeois, qui souhaitaient impressionner leur entourage avec la richesse de leurs collections. Ce sont eux qui, avant que les musées n’existent, ont rassemblés des objets divers et variés en essayant de les classifier avec les données de l’époque, pour montrer ce que l’on pouvait trouver de par le monde.
Cet album présente donc succinctement ce qu’était un cabinet de curiosités.
Il s’ouvre en hauteur et chaque double page fait découvrir une salle avec un thème précis. Les mêmes thèmes qui pouvaient être utilisés pour les cabinets de curiosités. On retrouve par exemple, la salle (ou double page) des insectes ou encore celle des squelettes et fossiles. Aussi classique que dans un musée d’histoire naturelle actuel donc. Mais on s’aperçoit au fil de la lecture que les cabinets de curiosités tenaient bien leur nom, puisque certaines salles avaient un thème assez étrange, que l’on ne retrouverait plus aujourd’hui dans un musée. Une double page nous expose des chimères telles qu’une licorne par exemple. En effet, jusqu’au XIXème siècle certains croyaient encore à l’existence des licornes. On peut également trouver des salles qui regroupent les objets emblématiques des contes de fées (bottes de sept lieues, peau d’âne, pantoufle de vair…). De vraies expositions de l’étrange.
J’ai beaucoup aimé cet ouvrage de par son format. Il nous permet de nous plonger plus facilement dans l’ambiance du cabinet de curiosité, car les objets sont reproduits à plus grande échelle que si le format paysage avait été choisi. Ce format à l’italienne permet plus amplement de faire croire que l’on est face à un bout de salle de cabinet de curiosités.
Je connaissais l’existence de ces cabinets, mais j’ai encore appris des choses en lisant cet album. Je ne me doutais pas du tout que des salles avaient comme thème les contes et qu’on pouvait y trouver des objets tirés des histoires. Ça devait finalement être très sympathique à voir !
Les textes qui accompagnent chaque double page sont très succincts, mais très instructifs. Ils nous apprennent ce qu’il faut. Entre côté historique et narration, on a un juste milieu pour être emporté dans l’éducatif sans en avoir l’impression. La magie des illustrations donne aussi cet effet. Les enfants n’auront pas l’impression d’apprendre, mais de lire un récit, contrairement à si l’on avait pris des photos pour étoffer le tout.
Ce qui est intéressant dans les textes c’est de se rendre compte des croyances de l’époque. Les collections de minéraux, par exemple, n’étaient pas forcément faites pour étudier les différentes roches de diverses parties du monde. Certains considéraient la roche comme un être vivant et c’est pour cela qu’ils collectionnaient les minéraux. Mais il est vrai que ces rassemblements d’objets à un même endroit ont aussi permis de faire avancer les recherches et la science. Même si ce n’était pas leur but premier, les cabinets de curiosités ont donc permis d’étudier le monde, sans forcément le parcourir.
J’ai bien aimé que certaines pages soient construites comme un vrai observatoire pour espèces animales (comme pour les papillons par exemple), tandis que d’autres nous montrent quelque chose de plus déconstruit (sur les mythes). Cela permet de rythmer le livre et de ne pas toujours se retrouver devant la même configuration de double page, au risque de s’ennuyer. Par contre, j’aurais aimé avoir parfois plus d’indications sur les objets présents sur certaines pages. Pour les insectes, les papillons, les oiseaux, les minéraux, on a à chaque fois le nom précis de l’animal ou de l’objet en question par exemple. Alors pourquoi pas pour d’autres pages où cela aurait pu être possible comme les animaux marins, les coquillages ou les serpents ? Peut-être que pour ces pages les reproductions d’animaux n’étaient pas tirées de vrais spécimens, mais alors pourquoi ne pas en avoir choisi de réels pour rester dans la même veine que pour les autres pages ? Une petite note d’incompréhension.
On finit cet album documentaire par une petite explication sur le passage des cabinets de curiosités aux musées, ce qui est très instructif et plaisant.
C’est un bel ouvrage, qui permet de découvrir un thème peu commun pour les enfants, sans être barbant.
Le récap’
Points positifs :
- Un thème peu commun pour enrichir sa culture.
- Un beau format, une belle présentation, et des illustrations très réussies pour un réalisme qui nous plonge dans l’univers du livre.
- Un parti pris pour ne pas faire ressembler l’ouvrage à un documentaire, ce qui attirera un panel de lecteurs plus large.
Point négatif :
- Une variation non expliquée entre des pages où les représentations des objets sont nommées et des pages où rien n’est précisé. Troublant pour le lecteur.
Bonnes découvertes curieuses les loulous !