J'ai de la chance. J'ai de la chance, parce qu'il arrive qu'on me demande d'animer des rencontres littéraires et que j'adore ça. J'ai de la chance, parce que, dans ce cadre, je découvre des écrivains et des romans, et parfois, je tombe sur un livre qui me laisse dans un état émotionnel particulier, incertain, bousculé, fragilisé... Et j'adore ça, aussi. Le dernier exemple, je le dois au Festival Pays Paysages, qui s'est tenu il y a une grosse semaine sur la Colline de Sion, en Lorraine. Et le livre qui m'a scotché, c'est "l'Apaisement", de Lilyane Beauquel, paru au mois de mai dernier chez Gallimard. Une histoire riche et forte, une lecture qui aura sans doute une interprétation par lecteur, un univers entre rêve et cauchemar, un personnage en quête d'accomplissement... Il y a des ressentis qu'on explique pas, ce livre m'a profondément marqué, voilà tout.
Jim est Français mais voilà des années qu'il a choisi de vivre au Japon. Il y est d'ailleurs devenu dessinateur et y a fait sa vie : il a rencontré la charmante Itoé avec qui il a eu un garçon, Kyo. Une vie rêvée, pourrait-on penser, et pourtant, à y regarder de plus près, Jim n'est pas heureux, au point d'envisager de tout plaquer et de rentrer en France.
Aime-t-il Itoé ? On peut se poser la question... Quant à Kyo, il ne semble y avoir aucune affinité entre le père et son enfant... Coeur de pierre, égoïste, ce sont des impressions qu'on peut rapidement avoir au sujet de Jim. Et lui-même est conscient que ce qu'il ressent et que le choix de vie qu'il envisage n'ont rien de très glorieux.
Jusqu'au jour où tout bascule. Jusqu'au jour où va s'abattre la Vague... Nous sommes le 11 mars 2011, Jim a emmené Kyo pour une visite au zoo, histoire de se rapprocher de cet enfant, de son enfant. La terre tremble, mais surtout, l'océan se déchaîne. Un terrible tsunami déferle sur les côtes japonaises, vous vous en souvenez forcément.
Jim et Itoé habitent justement dans la région de Fukushima, là où se trouve la centrale nucléaire submergée par le Vague et, lorsque le père et le fils rentrent chez eux, tout a changé. Le paysage, d'abord, sens dessus dessous. L'atmosphère, morbide, affligée... Mais, le pire, c'est que Itoé a disparu sans laisser de trace.
Est-elle morte, emportée par la Vague ? A-t-elle pu fuir, en gagnant l'intérieur des terres et la montagne ? L'incertitude est grande dans un pays sous le choc, où il est difficile encore d'avoir des informations claires... N'ayant plus de maison, Jim et Kyo se rendent chez Izumi, la soeur d'Itoé, qui les accueille volontiers, malgré la méfiance que Jim inspire à sa belle-famille.
Débute alors une nouvelle période bien compliquée pour le Français : impossible, désormais, de mettre son projet à exécution. Sans Itoé, il ne peut laisser Kyo et refaire sa vie ailleurs. Peut-il alors retrouver Itoé, ou au moins une trace expliquant ce que la jeune femme a pu devenir ? L'incertitude est totale et, plus que jamais, Jim peine à se situer...
Mais, c'est aussi le moment où pour la première fois, le Français s'intéresse à cet enfant qui est le sien. Enfin, il le regarde vivre, évoluer... Un premier lien, ténu, se crée alors. L'autre lien fort va se nouer avec Itoé... La jeune femme est toujours disparue, mais Jim découvre un projet sur lequel elle travaillait et auquel elle souhaitait l'associer.
Des notes, des écrits, allant de textes à des haïkus, beaucoup de choses très disparates, évoquant un lieu inconnu, mystérieux, un voyage, aussi. Le voyage de la mère d'Itoé vers cet endroit si particulier... Itoé a donné à l'ensemble un nom, "l'Arbre-Monde", et, à travers ce récit, la jeune femme semble suivre les traces de sa mère, elle aussi disparue.
Se pourrait-il que Jim trouve dans ces papiers les réponses qui lui manquent ? Peut-il, à son tour, retrouver la trace d'Itoé, qui aurait ainsi échappé au tsunami ? Je serais bien incapable de vous dire si Jim pense à cela lorsqu'il se lance dans la lecture de ces textes. Mais, une chose est sûre, cette lecture va bouleverser son existence...
Voilà pour le factuel... Car "l'Apaisement", c'est tout autre chose que la simple histoire de Jim. C'est une véritable quête personnelle qui commence et, au-delà du récit, c'est toute une symbolique qui va se mettre en place, menant ce personnage vers une forme d'équilibre qu'il ne possédait pas auparavant, et sans doute depuis longtemps.
On ne sait rien de la vie de Jim avant le Japon. Mais, pour entreprendre une telle démarche, un tel déracinement, on peut tout à fait se dire que sa vie en France n'était déjà pas idéale. Incapable de se sentir bien dans ses baskets, c'est un personnage désemparé que l'on voit, incapable d'accepter sa relation avec Itoé ou sa paternité.
Mais sa découverte de "l'Arbre-Monde" va changer la donne. Quel est donc ce voyage ? Cherche-t-on un lieu réel, hors du temps et de la modernité, ou bien faut-il y voir une démarche symbolique ? Jim, lui, suit cette voie que lui a laissée Itoé, comme avant elle la mère d'Itoé. Et soudain, tout change, à commencer par son regard sur les autres et sur l'existence...
Lilyane Beauquel s'inspire de la littérature japonaise, de ce mélange de poésie et de drame, de symbolique et de mythologie. Elle joue aussi bien avec les mots et la structure des phrases qu'avec les dessins, Jim n'exerçant certainement pas par hasard cette profession. On part de quelque chose de très concret, d'un drame horrible et on suit ensuite une voie qui nous emmène... ailleurs.
Le ton est donné dès la première phrase : "J'ai quitté la France et je suis venu vivre dans ce pays pour ses cinquante façons de désigner la pluie". Je ne vais pas faire le malin en vous affirmant mordicus que ces cinquante expressions sont présentes dans le livre, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'on en croise un bon nombre au fil des 215 pages que compte le roman.
Elle est omniprésente, cette pluie, tout au long du livre. Elle tombe, tombe, tombe, larmes d'un ciel qui n'en peut plus de pleurer le drame qui a frappé l'archipel. L'eau par qui la tragédie est arrivée et qui continue à s'abattre sur le pays, comme de funestes embruns... L'eau, un des éléments forts de la culture japonaise...
De même, j'ai été frappé par la présence permanente des mousses tout au long du récit. Elles prolifèrent, sans doute de par cette humidité constante. Elles sont là, changeantes, variées, diverses. Elles sont là et s'immiscent, s'imposent... Faut-il y voir un symbole particulier ? Je ne saurais le dire, même si elle est l'expression de la nature, on va y revenir.
Un mot, juste avant, parce que cette histoire de mousse me taraude depuis que j'ai fini de lire "l'Apaisement". Alors, je suis allé sur un moteur de recherches, fureter, fouiller, et je tombe sur cet entretien avec l'éditeur Philippe Picquier, publié dans Télérama deux semaines après le tsunami... Et dans lequel il dit des choses sur la mousse qui font écho à mes remarques...
Mais revenons à la nature... D'un côté, il y a ce Japon ultra-moderne, frappé de plein fouet par la catastrophe. Cette modernité qui met aussi tout le pays en danger, à travers la centrale de Fukushima et ses rayonnements. Cet ennemi invisible tellement craint, qui renvoie aussi forcément à toutes les peurs post-Hiroshima...
De l'autre côté, il y a cette nature préservée qui se trouve au coeur de "l'Arbre-Monde", comme un but ultime à atteindre. Pas un retour en arrière, non, un retour à l'essentiel, et c'est bien plus fondamental. Que le lieu décrit par Itoé et par sa mère avant elle existe ou qu'il ne soit qu'un symbole, peu importe, tout est là, dans cette opposition entre le superflu et l'essentiel.
Jim suit les pistes laissées par Itoé vers ce lieu qui semble protégé, vierge de ce que l'homme est capable d'inventer, quitte à ruiner son bien le plus précieux, sa terre. Et, au fil de ce voyage, il change... Un élément frappant : lui qui dessine exclusivement en noir et blanc lorsque débute le livre, il voit apparaître peu à peu de la couleur dans ses dessins, qui eux aussi vont en se modifiant...
Quand je vous dis qu'il y a quelque chose d'onirique, de magique, dans cette histoire ! Plus on avance et plus on se dit qu'il faut abandonner l'idée d'un dénouement cartésien, clair et net. Non, il faut s'attendre à autre chose. A la dernière page, je suis resté en suspens, indécis, cherchant à apporter ces réponses claires, précises. Réelles. Et c'était impossible.
Tout ce qui se joue, se joue à un autre niveau que celui de la simple rationalité. La quête de Jim, qu'elle le concerne lui-même, ou bien Itoé, ou même Kyo, tout cela doit se lire, se vivre, mais c'est bien moins évident à verbaliser. Oh, je vous dirais bien ici mes questionnements, mes doutes, mes interrogations, mais ce serait vous en dire trop...
Je me suis fait une idée de ce roman, j'ai élaboré une hypothèse personnelle, qui vient s'ajuster à la fin ouverte du roman de Lilyane Beauquel, à vous de vous faire une idée propre de cette histoire. Je suis entré sans problème dans cet univers si particulier, qui passe progressivement du noir et blanc à la couleur, du drame à l'espoir, de la morosité à l'optimisme... De la mort à la vie, oui, osons cela aussi.
Et non seulement j'y suis entré, mais je m'y suis senti à l'aise. Et puis, tout cela m'a touché, vraiment, sincèrement... Des impressions que sont venus renforcer mes questionnements sur les faits, la réalité, tels qu'on peut les dégager. L'émotion a commencé à monter, pas une vague, encore moins la Vague, non, c'est un processus régulier qui gagne peu à peu du terrain.
L'antipathique Jim change sous nos yeux et ce qu'il traverse, la réalité comme la quête, tout cela concourt à nous bouleverser. Et puis, il y a cette écriture, ces images, ces paysages, ces décors, ce lieu mythique qu'on aimerait atteindre, nous aussi... Cette cabane, ces montagne, la sérénité de cet endroit, la paix qui y règne...
Du chaos provoqué par la Vague à cet apaisement recherché dans ce lieu hors du monde, il y a tout un parcours de vie, toute une acceptation. Là encore, je m'avance, peut-être un peu loin, je n'écrirai pas le mot que j'ai en tête et qui me semble aller de paire avec cela, car j'en dirai trop... Mais, c'est bien tout cela qui est en jeu.
En quatrième de couverture, on évoque le shintoïsme. J'aurais pu jouer les savants dans ce billet en vous expliquant ceci, cela, les symboliques, et tout... Mais j'en suis bien incapable. En revanche, le peu que je connais de cette religion fondatrice aussi, à sa manière, de ce qu'est le Japon, me permet de vous dire que toute l'histoire en est empreinte...
Je ne vais pas aller plus loin, tout simplement parce que je ne sais pas comment partager ce que j'ai pu ressentir à la lecture de ce roman. En suis-je sorti différent ? J'aimerais répondre oui, vous dire que, comme Jim, je ne suis plus le même, mais ce serait sans doute exagéré... Mais je le regrette... Car j'aimerais aussi le trouver, cet apaisement...
Jim est Français mais voilà des années qu'il a choisi de vivre au Japon. Il y est d'ailleurs devenu dessinateur et y a fait sa vie : il a rencontré la charmante Itoé avec qui il a eu un garçon, Kyo. Une vie rêvée, pourrait-on penser, et pourtant, à y regarder de plus près, Jim n'est pas heureux, au point d'envisager de tout plaquer et de rentrer en France.
Aime-t-il Itoé ? On peut se poser la question... Quant à Kyo, il ne semble y avoir aucune affinité entre le père et son enfant... Coeur de pierre, égoïste, ce sont des impressions qu'on peut rapidement avoir au sujet de Jim. Et lui-même est conscient que ce qu'il ressent et que le choix de vie qu'il envisage n'ont rien de très glorieux.
Jusqu'au jour où tout bascule. Jusqu'au jour où va s'abattre la Vague... Nous sommes le 11 mars 2011, Jim a emmené Kyo pour une visite au zoo, histoire de se rapprocher de cet enfant, de son enfant. La terre tremble, mais surtout, l'océan se déchaîne. Un terrible tsunami déferle sur les côtes japonaises, vous vous en souvenez forcément.
Jim et Itoé habitent justement dans la région de Fukushima, là où se trouve la centrale nucléaire submergée par le Vague et, lorsque le père et le fils rentrent chez eux, tout a changé. Le paysage, d'abord, sens dessus dessous. L'atmosphère, morbide, affligée... Mais, le pire, c'est que Itoé a disparu sans laisser de trace.
Est-elle morte, emportée par la Vague ? A-t-elle pu fuir, en gagnant l'intérieur des terres et la montagne ? L'incertitude est grande dans un pays sous le choc, où il est difficile encore d'avoir des informations claires... N'ayant plus de maison, Jim et Kyo se rendent chez Izumi, la soeur d'Itoé, qui les accueille volontiers, malgré la méfiance que Jim inspire à sa belle-famille.
Débute alors une nouvelle période bien compliquée pour le Français : impossible, désormais, de mettre son projet à exécution. Sans Itoé, il ne peut laisser Kyo et refaire sa vie ailleurs. Peut-il alors retrouver Itoé, ou au moins une trace expliquant ce que la jeune femme a pu devenir ? L'incertitude est totale et, plus que jamais, Jim peine à se situer...
Mais, c'est aussi le moment où pour la première fois, le Français s'intéresse à cet enfant qui est le sien. Enfin, il le regarde vivre, évoluer... Un premier lien, ténu, se crée alors. L'autre lien fort va se nouer avec Itoé... La jeune femme est toujours disparue, mais Jim découvre un projet sur lequel elle travaillait et auquel elle souhaitait l'associer.
Des notes, des écrits, allant de textes à des haïkus, beaucoup de choses très disparates, évoquant un lieu inconnu, mystérieux, un voyage, aussi. Le voyage de la mère d'Itoé vers cet endroit si particulier... Itoé a donné à l'ensemble un nom, "l'Arbre-Monde", et, à travers ce récit, la jeune femme semble suivre les traces de sa mère, elle aussi disparue.
Se pourrait-il que Jim trouve dans ces papiers les réponses qui lui manquent ? Peut-il, à son tour, retrouver la trace d'Itoé, qui aurait ainsi échappé au tsunami ? Je serais bien incapable de vous dire si Jim pense à cela lorsqu'il se lance dans la lecture de ces textes. Mais, une chose est sûre, cette lecture va bouleverser son existence...
Voilà pour le factuel... Car "l'Apaisement", c'est tout autre chose que la simple histoire de Jim. C'est une véritable quête personnelle qui commence et, au-delà du récit, c'est toute une symbolique qui va se mettre en place, menant ce personnage vers une forme d'équilibre qu'il ne possédait pas auparavant, et sans doute depuis longtemps.
On ne sait rien de la vie de Jim avant le Japon. Mais, pour entreprendre une telle démarche, un tel déracinement, on peut tout à fait se dire que sa vie en France n'était déjà pas idéale. Incapable de se sentir bien dans ses baskets, c'est un personnage désemparé que l'on voit, incapable d'accepter sa relation avec Itoé ou sa paternité.
Mais sa découverte de "l'Arbre-Monde" va changer la donne. Quel est donc ce voyage ? Cherche-t-on un lieu réel, hors du temps et de la modernité, ou bien faut-il y voir une démarche symbolique ? Jim, lui, suit cette voie que lui a laissée Itoé, comme avant elle la mère d'Itoé. Et soudain, tout change, à commencer par son regard sur les autres et sur l'existence...
Lilyane Beauquel s'inspire de la littérature japonaise, de ce mélange de poésie et de drame, de symbolique et de mythologie. Elle joue aussi bien avec les mots et la structure des phrases qu'avec les dessins, Jim n'exerçant certainement pas par hasard cette profession. On part de quelque chose de très concret, d'un drame horrible et on suit ensuite une voie qui nous emmène... ailleurs.
Le ton est donné dès la première phrase : "J'ai quitté la France et je suis venu vivre dans ce pays pour ses cinquante façons de désigner la pluie". Je ne vais pas faire le malin en vous affirmant mordicus que ces cinquante expressions sont présentes dans le livre, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'on en croise un bon nombre au fil des 215 pages que compte le roman.
Elle est omniprésente, cette pluie, tout au long du livre. Elle tombe, tombe, tombe, larmes d'un ciel qui n'en peut plus de pleurer le drame qui a frappé l'archipel. L'eau par qui la tragédie est arrivée et qui continue à s'abattre sur le pays, comme de funestes embruns... L'eau, un des éléments forts de la culture japonaise...
De même, j'ai été frappé par la présence permanente des mousses tout au long du récit. Elles prolifèrent, sans doute de par cette humidité constante. Elles sont là, changeantes, variées, diverses. Elles sont là et s'immiscent, s'imposent... Faut-il y voir un symbole particulier ? Je ne saurais le dire, même si elle est l'expression de la nature, on va y revenir.
Un mot, juste avant, parce que cette histoire de mousse me taraude depuis que j'ai fini de lire "l'Apaisement". Alors, je suis allé sur un moteur de recherches, fureter, fouiller, et je tombe sur cet entretien avec l'éditeur Philippe Picquier, publié dans Télérama deux semaines après le tsunami... Et dans lequel il dit des choses sur la mousse qui font écho à mes remarques...
Mais revenons à la nature... D'un côté, il y a ce Japon ultra-moderne, frappé de plein fouet par la catastrophe. Cette modernité qui met aussi tout le pays en danger, à travers la centrale de Fukushima et ses rayonnements. Cet ennemi invisible tellement craint, qui renvoie aussi forcément à toutes les peurs post-Hiroshima...
De l'autre côté, il y a cette nature préservée qui se trouve au coeur de "l'Arbre-Monde", comme un but ultime à atteindre. Pas un retour en arrière, non, un retour à l'essentiel, et c'est bien plus fondamental. Que le lieu décrit par Itoé et par sa mère avant elle existe ou qu'il ne soit qu'un symbole, peu importe, tout est là, dans cette opposition entre le superflu et l'essentiel.
Jim suit les pistes laissées par Itoé vers ce lieu qui semble protégé, vierge de ce que l'homme est capable d'inventer, quitte à ruiner son bien le plus précieux, sa terre. Et, au fil de ce voyage, il change... Un élément frappant : lui qui dessine exclusivement en noir et blanc lorsque débute le livre, il voit apparaître peu à peu de la couleur dans ses dessins, qui eux aussi vont en se modifiant...
Quand je vous dis qu'il y a quelque chose d'onirique, de magique, dans cette histoire ! Plus on avance et plus on se dit qu'il faut abandonner l'idée d'un dénouement cartésien, clair et net. Non, il faut s'attendre à autre chose. A la dernière page, je suis resté en suspens, indécis, cherchant à apporter ces réponses claires, précises. Réelles. Et c'était impossible.
Tout ce qui se joue, se joue à un autre niveau que celui de la simple rationalité. La quête de Jim, qu'elle le concerne lui-même, ou bien Itoé, ou même Kyo, tout cela doit se lire, se vivre, mais c'est bien moins évident à verbaliser. Oh, je vous dirais bien ici mes questionnements, mes doutes, mes interrogations, mais ce serait vous en dire trop...
Je me suis fait une idée de ce roman, j'ai élaboré une hypothèse personnelle, qui vient s'ajuster à la fin ouverte du roman de Lilyane Beauquel, à vous de vous faire une idée propre de cette histoire. Je suis entré sans problème dans cet univers si particulier, qui passe progressivement du noir et blanc à la couleur, du drame à l'espoir, de la morosité à l'optimisme... De la mort à la vie, oui, osons cela aussi.
Et non seulement j'y suis entré, mais je m'y suis senti à l'aise. Et puis, tout cela m'a touché, vraiment, sincèrement... Des impressions que sont venus renforcer mes questionnements sur les faits, la réalité, tels qu'on peut les dégager. L'émotion a commencé à monter, pas une vague, encore moins la Vague, non, c'est un processus régulier qui gagne peu à peu du terrain.
L'antipathique Jim change sous nos yeux et ce qu'il traverse, la réalité comme la quête, tout cela concourt à nous bouleverser. Et puis, il y a cette écriture, ces images, ces paysages, ces décors, ce lieu mythique qu'on aimerait atteindre, nous aussi... Cette cabane, ces montagne, la sérénité de cet endroit, la paix qui y règne...
Du chaos provoqué par la Vague à cet apaisement recherché dans ce lieu hors du monde, il y a tout un parcours de vie, toute une acceptation. Là encore, je m'avance, peut-être un peu loin, je n'écrirai pas le mot que j'ai en tête et qui me semble aller de paire avec cela, car j'en dirai trop... Mais, c'est bien tout cela qui est en jeu.
En quatrième de couverture, on évoque le shintoïsme. J'aurais pu jouer les savants dans ce billet en vous expliquant ceci, cela, les symboliques, et tout... Mais j'en suis bien incapable. En revanche, le peu que je connais de cette religion fondatrice aussi, à sa manière, de ce qu'est le Japon, me permet de vous dire que toute l'histoire en est empreinte...
Je ne vais pas aller plus loin, tout simplement parce que je ne sais pas comment partager ce que j'ai pu ressentir à la lecture de ce roman. En suis-je sorti différent ? J'aimerais répondre oui, vous dire que, comme Jim, je ne suis plus le même, mais ce serait sans doute exagéré... Mais je le regrette... Car j'aimerais aussi le trouver, cet apaisement...