Le synopsis
L'auteur raconte son histoire, son amour pour la Fontaine, Rimbaud, Flaubert, et surtout Céline, mêlant aux figures d'anthologie des anecdotes insolites qui le mettent en scène, ainsi que d'autres personnalités mythiques.
Mon avis
Voilà un roman absolument délicieux!
On croirait entendre Luchini déclamer en lisant le récit qu'il nous livre, parsemé d'expressions qui lui vont si bien, d'improbables combinaisons de mots où se mêlent une langue précieuse et le jargon de rue.
Il est captivant de lire son amour des grands auteurs, tout autant que les anecdotes dont il nous abreuve, issues des jours actuels comme des jours d'antan. On y croise les figures emblématiques d'époques plus ou moins lointaines, des Roland Barthe, Eric Rohmer, Arielle Dombasle (en un temps où elle ne faisait pas peur), Jean-Pierre Marielle, Juliette Binoche, mais aussi Hollande et Macron (ils sont partout, ces deux là, ou quoi?).
On y croise aussi, et c'en serait divin, Nietzsche (quelle railleuse je fais), Valéry, Baudelaire, Rimbaud, Molière, Spinoza, La Fontaine.
Luchini joue, papillonne, s'impressionne et partage, il se dévoile et se montre tour à tour généreux, marketeur, mauvais garçon, amoureux, impertinent, passionné.
Pour les détracteurs, s'il en est, sans doute percevrez-vous dans l'oeuvre ce qui vous déplaît chez lui, car sa personnalité et son cachet imprègnent les lignes : j'ai eu le sentiment que, à l'aveugle, on pourrait deviner en lisant qu'il est l'auteur de Comédie française.
Pour les inconditionnels, vous serez réjouis de le découvrir en pleine forme, et d'en apprendre davantage sur sa trajectoire, ses amours et son panthéon d'auteurs adulés.
Et pour les curieux, ne manquez pas une occasion de voir son histoire et le monde avec ses propres yeux.
Pour vous si...
- Vous êtes comme beaucoup fascinés par le comédien de génie...
- Et vous n'avez rien contre Céline.
Morceaux choisis
" "Tu te dérobes?" Tout est là, dans ce "tu te dérobes?" à cause d'un tee-shirt. Dramatiser ce qui n'a aucun sens. "Tu te dérobes?" Tout un code social qui accompagnait ces quelques lettres : appartenance, force du groupe, crainte de la disgrâce. "Tu te dérobes?" Pas du Bruant, ni du Poulbot, mais la langue des aristos de la rue. Mes Guermantes."
"Avec ma mère, nous en fîmes de grands tours. Elle était fille de l'Assistance publique à Nevers. Elle n'avait pas de parents. Elle s'était mariée avec un homme qui au retour de la guerre était devenu fou : il ne la reconnaissait pas. Ces deux misères s'étaient retrouvées, il en était sorti trois enfants. J'ai deux frères, mais j'ai eu la folie de penser que j'étais le seul. De là vient mon dévorant désir d'être le préféré."
"Etre un acteur, c'est ce moment, à la seconde où tu dis le vers, où tu le ressens, et où il t'inspire un geste théâtral que tu n'avais pas prévu. Quand tu aimes la cadence, c'est magique. Pourquoi est-e que cela me paraît de plus en plus drôle, au fur et à mesure que je joue ces scènes? Parce que je suis de plus en plus près de la structure du vers, je ne rajoute rien. Est-ce que je me dépersonnalise en suivant le conseil de Jouvet? Moi qu'on dit bon client, un cabot, un qui en fait trop, un qui passe en force, un qui fait le show?"
"N'empêche que le nom easyjet me fascine."
"Je ne pensais pas un jour écrire un livre, mais j'ai longtemps été, moi-même, comme un manuscrit envoyé à un éditeur qui ne l'édite pas."
"Très peu de gens vont mal au point d'écouter Wagner et de lire Spinoza le matin. Il doit y en avoir 3500 en France. Si tu lis Spinoza le matin, si tu te tapes un Wagner le soir : tu ne fais pas de jogging, tu ne regardes pas le foot, tu ne bouffes pas, tu ne baises pas et tu ne vas pas bien."
"Cette obsession de la droite et de la gauche à vouloir faire lire les gens : mais de quel droit ils veulent qu'on arrête de travailler pour faire lire les gens? Un sermon de Bossuet offre un rapport fulgurant avec le néant et l'éternité mais soixante-dix millions de gens qui liraient vraiment Bossuet ça créerait quelque chose de très étrange."
Note finale4/5(très cool)