Titre : La valse de Valeyri, histoires enchevêtrées
Auteur : Gudmundur Andri Thorsson
Traduit de l’Islandais par Eric Boury
Editeur : Gallimard
Date de parution : 2 mai 2016
182 pages
Superbe ! Une écriture travaillée, poétique, un vrai plaisir de lecture !
Des histoires enchevêtrées, c’est dit, sous le titre, et c’est tellement ça !
Il y a beaucoup de personnages, dont les vies se croisent et s’entrecroisent, et qui ont pour point commun de voir passer devant leurs fenêtres, une femme, Kata, la chef de chœur, à vélo.
Chaque histoire est relatée sous un angle particulier. Un souvenir hante les personnages, un secret bien personnel, une évanescence. Svenni boit le jour du concert, il ne peut chanter en public, il a été abusé enfant, ce souvenir revient en force, il appelle sa sœur. « Quelqu’un l’avait aimée » revient comme un refrain tout au long du chapitre dédiée à Kata. Arni regrette, « il faut que nous fassions des choses ensemble », il s’est répété cette phrase sans cesse jusqu’à ce que sa femme le quitte…
Chaque personnage a un regret, un souvenir en lui. La nostalgie qui se dégage du roman est à l’image de la brume qui « arrive de la mer et longe la langue de terre. »
Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans cet enchevêtrement de personnages, l’une est la sœur de l’autre, une troisième est l’ex-femme d’un quatrième, un cinquième est le fils de la troisième… C’est un vrai labyrinthe de relations. Par exemple, certaines histoires se croisent, s’appellent, se répondent, au hasard d’une recette de cabillaud à l’ail et au vin blanc… Tout cela peut paraître bien mystérieux, bien compliqué mais il faut se laisser guider par toutes ces vies, au gré des phrases qui reviennent comme des leitmotivs et donnent au roman un ton particulier, une grâce infinie, emporté par une musique, enveloppante, lancinante, ensorcelante.
Encore un auteur islandais de talent traduit par Eric Boury, traducteur non moins talentueux.
Quelques extraits :
« Il lui arrivait de se dire : Tout cela n’est pas la vie. Ce n’est que l’existence. Nous lions trop intimement notre bonheur à notre réussite, nous lions trop intimement notre réussite à notre confort – et nous lions trop notre confort à notre consommation. »
« Des heures durant, il arpente les rues du village, tout empli d’Emilia et de cette saison de pêche au hareng qu’ils ont vécue ensemble – il est dans la lune, absent à lui-même et tout entier en elle. »
« J’ai vu des amours naître au fond des yeux et mourir dans les actes. »
C’est Clara qui m’a donné envie de le lire.