En dépit des promesses initiales, vint le jour où l'univers Marvel classique (Terre 616) rencontra celui des héros à la sauce Ultimate. Pour notre plus grand plaisir, admettons-le, tant la surprise est agréable. D'un coté, Peter Parker, super-héros aux 50 ans de carrière, que l'on ne présente plus. De l'autre, Miles Morales, adolescent d'origine latino, qui a pris la succession depuis la mort de son aîné. Tout commence à cause de Mysterio, qui a installé ses appareils et sa machinerie dans un building de New-York, pour se livrer à des expériences pas très catholiques sur les mondes parallèles. Spidey est de passage, et il va par inadvertance passer au travers du portail, et se retrouver propulsé dans un univers qui ne ressemble pas vraiment au sien. Avec des similitudes, mais aussi tellement de points divergents. Là-bas, tout le monde a fini par connaître la double identité de Peter, qui est mort en héros. Gwen Stacy est toujours vivante, par contre... Les deux versions différentes du Tisseur se retrouvent face à face, et vont devoir apprendre à se faire confiance, à accepter l'existence d'un double, avec les bons et aussi les mauvais cotés. La mini série comporte en tout cinq parties, et une suite a été annoncé dans la foulée, et devait initialement répondre aux questions soulevées par les dernières pages de cette très bonne aventure, qui ont fait s'interroger nombre de lecteurs. Mais tout ceci appartient bien sur au passé, car désormais, Secret Wars étant passé par là (mais aussi la débandade de l'univers Ultimate qui a fini par péricliter victime des mêmes erreurs grossières qu'il était pourtant censé éviter) Peter Et Miles cohabitent dans le même monde. Le premier est un industriel richissime qui a des faux airs assumés de Tony Stark, le second est le gardien de la tradition, dans des aventures à l'esprit plus "classique" qui nous ramènent des décennies en arrière, mais avec le savoir-faire et une narration adaptés à notre ère. Parue initialement dans une revue kiosque (Spider-Man hors-série 1 en 2013) au prix modeste de moins de six euros, Spider-Men a droit a une édition librairie Deluxe, pour satisfaire les collectionneurs exigeants. Vous n'allez probablement pas regretter l'achat, car Spider-Men est l'exemple presque parfait de ce que devrait offrir un bon comic-book mainstream (pas d'exigence formelle et artistique démesurée hormis un plaisir à la lecture immédiat) aujourd'hui. Bendis est en pleine forme, et ses dialogues sonnent justes, naturels, coulent de source, et font la part belle à l'humour. Sara Pichelli, la dessinatrice italienne, livre un de ses meilleurs travaux à ce jour. D'une clarté et d'une lisibilité exemplaires, ses planches sont un régal pour les yeux, et gardent l'humilité des artistes qui se mettent au service de l'histoire, plutôt que le contraire. Il n'y a pas de temps morts dans cette aventure, où vous pourrez découvrir comment Peter et Miles vont apprendre à se connaître, comment Peter va réagir face à sa Ultimate Tante May et surtout, face à Gwen Stacy, et les rapports qui vont le lier au Shield local, à Nick Fury et Tony Stark en particulier. A vouloir chicaner on peut être surpris de voir Mysterio choisi comme antagoniste principal, et responsable d'un portail qui permet la communication entre deux univers narratifs distincts. Après tout il s'agit d'un spécialiste des effets spéciaux, pas d'un savant fou, et on le verrait plus à son aise dans un récit teinté de trucages et d'illusions, que dans ce genre de team-up tout ce qu'il y a de plus réel. Notons également que lorsque Peter et Miles se voient pour la première fois, la découverte les amène, selon la tradition, à s'empoigner au dessus des buildings, avec un résultat surprenant à cette bataille. Le second cité en est encore à découvrir ses dons, et Parker a l'expérience et le talent pour moucher son jeune "ami". Mais que nenni... Une bonne lecture saine et rafraîchissante, qui n'envisage pas de remporter un Eisner Award, juste de vous faire passer un bon moment.