Résumé :
« Quand l’artiste-peintre et illustratrice française Ciou s’immerge dans l’univers du conte féerique du XIXe siècle « Poucette », de Hans Christian Andersen, cela donne un livre bilingue illustré inattendu!
L’interprétation que Ciou livre dans ce surprenant Thumbelina, ressuscite l’onirisme et la cruauté du monde d’Andersen dans un feu d’artifice de couleurs hypnotiques : entrer dans l’univers de Ciou, c’est accepter le bouleversement émotionnel, les non-dits qui dérangent, l’ordre qui émerge du chaos, et un esthétisme hors norme. »
Mon avis :
Quand j’étais petite, je gardais toujours un gros livre de contes d’Andersen à côté de mon lit. J’adorais regarder les illustrations dont il était orné et, quand j’en ai eu l’âge, j’aimais lire un de ses contes avant de m’endormir (mon préféré restant La princesse au petit pois). Alors quand ma sœur m’a prêté le livre Thumbelina, j’étais ravi de redécouvrir un conte d’Andersen illustré d’une manière si moderne. Je n’ai vraiment pas été déçue de ma lecture.
En ce qui concerne le conte en lui-même, il n’y a pas grand chose à dire, c’est du Andersen comme je l’aime. Il s’agit en fait de l’histoire de Poucette (Thumbelina en anglais) qui est une petite fille, pas plus grande qu’un pouce, née dans une fleur. Un jour, un crapaud vint l’enlever à sa mère adoptive car il voulait la marier à son fils. S’en suit alors une succession d’aventures pour la petite Poucette qui va rencontrer tour à tour une hirondelle, une souris, une taupe, mais également des gens comme elle… On ne peut que s’attacher à cette minuscule héroïne qui est arrachée à sa mère par un crapaud laid, ennuyeux et sans scrupules. Elle traverse de dures épreuves, doit parfois supporter la faim, la soif et doit en plus se soustraire à plusieurs mariages forcés. Le fait qu’elle ne soit pas plus haute qu’un pouce, que les animaux parlent et habitent dans de petites maisons aménagées amène un petit côté féerique et magique qui ne peut que nous ramener en enfance, quand on croyait que tout cela existait vraiment. Bref, c’est un très beau conte qui, je le pense, peut ravir les petits comme les grands.
« Quelle jolie fleur ! » dit la femme en déposant un baiser sur ces feuilles rouges et jaunes ; et au même instant la fleur s’ouvrit avec un grand bruit. On voyait maintenant que c’était une vraie tulipe ; mais dans l’intérieur, sur le fond vert, était assise une toute petite fille, fine et charmante, haute d’un pouce tout au plus. Aussi on l’appela la petite Poucette.
Tout l’intérêt de ce livre réside dans l’opposition entre le conte classique et les illustrations modernes de Ciou. L’auteur réinterprète totalement l’histoire d’Andersen au travers de ses illustrations. Car si le texte reste inchangé, les œuvres de Ciou redonne un souffle nouveau à ce classique. En effet, on a pour habitude de se représenter les héroïnes de conte comme de jolies petites princesses, de petites poupées aux cheveux soyeux, aux vêtements impeccables et au teint éclatant (vous en avez d’ailleurs un aperçu avec les images, tirées du dessin animé Thumbelina, qui accompagnent cet article). Ciou, elle, nous offre sa vision de Poucette, dont vous pouvez avoir un aperçu sur la couverture. Je ne saurais pas décrire exactement le style de cette illustratrice, je ne m’y connais pas du tout en art. Mais je dois dire que ses dessins m’ont vraiment beaucoup plu. Je les trouve très minutieux, tous les petits détails sont soignés. Je ne peux qu’imaginer la quantité de travail que cela représente… c’est vraiment très impressionnant! Les grands yeux des personnages pourraient faire penser un petit côté « manga japonais », le mélange de couleurs et l’utilisation de nombreuses formes géométriques rappellent le style contemporain mais… j’avoue que je ne suis pas trop sensible à cela. En revanche, je suis très sensible à l’ambiance qui se dégage de ces illustrations. C’est tout un monde qui se crée sous nos yeux et, je me trompe peut-être (quoique chacun a sa définition de l’art, pas vrai ?) mais j’ai retrouvé un petit côté « Tim Burton » et un petit esprit à la Mathias Malzieu qui m’ont totalement fait craquer. C’est le genre d’univers dans lequel j’aime me plonger. C’est joyeux et festif tout en gardant une petite part d’ombre, un petit côté lugubre, et c’est surtout très particulier et farfelu. Quand je dis farfelu, ça ne signifie absolument pas que les destins sont brouillons, au contraire, ils sont impressionnant par leur précision et leur netteté. Si je devais choisir mon dessin préféré dans ce livre, je dirais que c’est le coeur humain, à la page 46. Mais en même temps, j’ai aussi beaucoup aimé les nombreux oiseaux qui décorent les pages. Les flocons de neige de la page 29 sont également sublimes. En fait, tous les dessins sont d’une qualité exceptionnelle et sont vraiment très jolis. Ils apportent un vrai plus au livre. Tout comme il nous arrive de tomber amoureux du style d’un auteur, je crois bien que je suis tombée amoureuse du pinceau de cette artiste! (Et c’est maintenant que j’envie ma sœur d’avoir eu une si jolie dédicace lors du dernier salon du livre.)
Les illustrations ne sont pas les seuls éléments que font de ce livre une vrai merveille artistique. En effet, j’ai adoré la police de caractères utilisée ainsi que la mise en page. Tout fonctionne en harmonie, que ce soit les couleurs, les formes ou l’insertion du texte. Cette oeuvre est un formidable livre-objet et un vrai régal pour les yeux.
Si la chronique s’arrêtait ici, vous imaginez bien que la note serait 20/20. Seulement, il a fallu qu’un élément vienne gâcher mon impression de perfection lors de cette lecture : le texte anglais. Faire un livre bilingue c’est bien, faire un livre bilingue où les traductions anglaise et française correspondent, c’est encore mieux. Malheureusement ici, j’ai eu l’impression que dans la version française pas mal d’éléments passaient à la trappe. Rien que sur la première page, on apprend dans le texte anglais qu’une femme s’était arrêté sur son chemin pour demander à manger à une vieille paysanne et cette dernière lui avait donné une graine (cette graine devenant la fleur qui va donner naissance à Poucette). Dans le texte français cette même femme ne demande pas à boire ou à manger mais déclare à la paysanne vouloir un enfant et c’est pourquoi l’autre lui donne cette graine magique. Hm ??? Je ne sais pas qui du traducteur français ou anglais a raison, mais je trouve ça dommage car l’avantage que devait représenter le bilinguisme de ce livre se transforme en un gros défaut… Malheureusement cela se répercutera forcément sur ma note finale. Les éditions Scutella ont peut-être été trop ambitieuses sur ce projet en voulant ajouter l’anglais ?
Lorsque les deux autres eurent tourné le dos à l’oiseau, elle se pencha vers lui, et, écartant les plumes qui couvraient sa tête, elle déposa un baiser sur ses yeux fermés.
Mais en résumé, on peut dire que ce livre est un gros coup de coeur. Non seulement j’ai aimé le conte d’Andersen, mais j’ai aussi adoré la réinterprétation qu’en a fait l’illustratrice Ciou. On se retrouve dans un univers bien loin du conte de fée classique et cela nous fait découvrir et apprécier cette histoire sous un autre angle. Je lirais sans hésitation un autre livre illustré par Ciou car j’ai réellement adoré le monde dans lequel elle m’a fait entrer. J’ai hâte de découvrir d’autres de ses dessins!
Note : 18/20
Nous fuirons loin de ta vilaine taupe et de sa demeure obscure, bien loin au-delà des montagnes, où le soleil brille encore plus qu’ici, où l’été et les fleurs sont éternels.