En attendant Bojangles – Olivier Bourdeaut
Éditions Finitude (2016)C’est une histoire d’amour et de folie, dont le narrateur est un enfant. Une histoire qu’il raconte avec ses mots et sa perception, son amour inconditionnel pour ses parents qui lui ont construit une vie merveilleuse et excentrique, rejetant toutes les contraintes pénibles d’une existence banale. Une vie de fêtes permanentes, de cocktails et de fantaisie, où il est recommandé de sauter sur les lits et les canapés, où les punitions seraient de devoir regarder la télévision pendant des heures ou d’avoir à ouvrir une montagne d’enveloppes jamais décachetées, au cas où on devrait être puni, ce qui n’arrive jamais. Une vie où la mère change de prénom tous les jours, où l’on vouvoie ceux que l’on chérit, où la meilleure compagne de jeux est une grue de Numidie et le meilleur ami un sénateur bedonnant. Une vie rythmée par une chanson de Nina Simone, Mister Bojangles, sur laquelle dansent sans fin les deux parents sous le regard ébloui de leur enfant.
Un jour, hélas, la folie n’est plus douce et les débordements de la mère deviennent dangereux. Ce sont alors les mots que le père a laissé à son fils qui permettront à celui-ci de comprendre ce qui s’est joué dans cette famille extravagante et de réaliser la force de l’amour que Georges vouait à sa femme.
C’est le billet de Sylire qui a été ma première découverte de ce livre. Ce qu’elle en disait, la couverture atypique de l’ouvrage aperçu dans la vitrine de mon libraire, et surtout l’évocation de la chanson de Nina Simone, tout cela a contribué à l'envie de le lire à mon tour. Ensuite, la déferlante qui a submergé les médias et les blogs à son propos m’a un peu refroidie - je me méfie des gros succès - et j'ai attendu de le trouver à la médiathèque.
C’est une lecture agréable et facile, on se laisse attendrir par la plume naïve du narrateur-enfant et on compatit à celle plus réaliste du père, qui rééquilibre le récit vis-à-vis de son aspect festif et fantasque. La vision de l’enfant est pleine de tendresse et d’amour, même s’il s’étonne parfois des réactions de sa mère et semble souvent plus raisonnable qu’elle. Très vite, il s’allie plus ou moins consciemment avec son père pour ériger des barrières autour de sa mère, afin de la protéger de l’impact de ses excès et de la désapprobation des autres. C’est ce volet de l’histoire que j’ai trouvé émouvant dans ce livre. J’ai bien aimé l’humour qui se dégage des réflexions de l’enfant face à des comportements qu’il ne comprend pas toujours. Mais il n’y a rien d’étonnant à cela, il suffit de se rappeler les questions et les observations de ses propres enfants dans la vie courante pour retrouver des situations similaires et des jeux de mots qui restent dans l’histoire familiale.
Il y a juste un passage m’a gênée au cours de cette lecture, c’est lorsque l’auteur décrit l’un des pensionnaires de l’hôpital où séjourne la mère, celui qui est surnommé Le Yaourt et qui se prend pour le président. L’auteur s’est peut-être fait plaisir en glissant cette caricature mais pour moi elle n’a pas sa place dans ce roman, peut-être parce qu’elle m’a reconnectée à la réalité et que c’est l’irréalité de ce roman que j’ai appréciée. En tous cas, Olivier Bourdeaut semble avoir des dons de voyance car son dernier paragraphe anticipe parfaitement le succès de son roman.
Extrait page 157 :
J’avais appelé son roman « En attendant Bojangles », parce qu’on l’attendait tout le temps, et je l’avais envoyé à un éditeur. Il m’avait répondu que c’était drôle et bien écrit, que ça n’avait ni queue, ni tête, et que c’était pour ça qu’il voulait l’éditer. Alors, le livre de mon père, avec ses mensonges à l’endroit à l’envers, avait rempli toutes les librairies de la terre entière. Les gens lisaient Bojangles sur la plage, dans leur lit, au bureau, dans le métro, tournaient les pages en sifflotant, ils le posaient sur leur table de nuit, ils dansaient et riaient avec nous, pleuraient avec Maman, mentaient avec Papa et moi, comme si mes parents étaient toujours vivants, c’étaient vraiment n’importe quoi, parce que la vie c’est souvent comme ça, et c’est très bien ainsi.Succès mérité, le style est brillant et juste pour retranscrire la voix de l’enfant, l’histoire est légère puis plus sombre, comme la vie, finalement. De nombreuses critiques, au sujet de ce livre, évoquent L'écume des jours de Boris Vian. Personnellement ce livre m'a plutôt rappelé le film La vie est belle de Roberto Begnini, dans la tentative du père de garder son fils dans une certaine insouciance.
Une occasion de retrouver l'ambiance sonore de ce livre : la chanson Mr Bojangles, interprétée par Nina Simone.
Cette chanson a été reprise par de nombreux artistes et j’ai trouvé cette version de Sammy Davis Jr, qui a beaucoup de charme, dans un autre style.
Si j’en crois Wikipedia, le créateur de la chanson est Jerry Jeff Walker. Ce n'est certainement pas lui qui a contribué le mieux à la mettre en valeur.
Plus récemment, il en a proposé une version plus country, très kitsch et nostalgique dans son genre !
Les avis ne manquent pas sur ce roman, par exemple chez Keisha, Leiloona, Miss Alfie, Nicole et sur Babelio.