La photo noir et blanc d'une fillette qui flotte dans les airs, de vieux clichés d'enfants déguisés en clowns, deux personnes dans un long tunnel à l'allure inquiétante... Vous avez dit intrigant ? Attendez donc d'avoir commencé la lecture de Miss Peregrine et les enfants particuliers.
Mais le décès brutal et traumatisant d'Abraham pousse l'adolescent à se plonger dans le passé familial. Sa quête l'emmène jusqu'à une île au large du Pays de Galle, dans un étrange pensionnat où son grand-père avait trouvé refuge lorsqu'il fuyait le nazisme. Les a priori de Jacob, ses repères et tout son univers, font alors un brutal tour à 180°. Et si les histoires abracadabrantesques de son enfance... étaient vraies ?
Parsemé de photographies plus fascinantes les unes que les autres, ce livre fait basculer dans un monde rempli de pouvoirs fabuleux, de voyages dans le temps et de paysages qui sentent bon la mer comme si on y était.
Plongé dans le contexte des drames de la seconde guerre mondiale, le lecteur apprend en même temps que Jacob à connaître les " enfants particuliers " et leur protectrice, Miss Peregrine, et découvre quel terrible danger les menace tous.
- Une immersion complète dans le roman
Il est très difficile de ne pas feuilleter le livre à la recherche de la prochaine photo, véritables objets de l'intrigue : on a ainsi le sentiment d'être à la place du héros qui tient les clichés entre ses mains.
Si vous parvenez à refréner votre curiosité, leur découverte au fur et à mesure est un véritable plaisir, tout comme on a hâte d'en apprendre plus sur les enfants et leurs pouvoirs.
- Des personnages fascinants
- D'Abraham, on sait peu de choses mais c'est ce mystère qui rend le personnage si atypique. Jacob croit connaître son grand-père et découvre un homme plein de surprises.
- Je voulais vous parler affectueusement (ou pas) de chacun des enfants, mais, cela vous gâcherait le plaisir. Filez donc le lire !
- En revanche, impossible de ne pas évoquer Miss Peregrine, mystérieuse protectrice difficile à cerner.
Malgré son nom dans le titre et son rôle central, elle n'est pas si présente physiquement dans les scènes. Son ombre plane cependant sur les pages comme pour s'assurer que personne, pas même le lecteur, n'enfreint les règles. On la craint comme on l'admire, bref : fascinante ! - Et bien sûr, les ennemis, ces " Monstres " nous traumatisent dès les premiers chapitres, sont aussi terrifiants que pleins de ressources. Même si on s'y perd un peu parfois dans leur hiérarchie et que leur histoire et somme toute assez classique (sans trop en dévoiler : cupides traîtres rêvant de devenir les maîtres du monde), ils assument parfaitement leur rôle de méchants implacables et sans pitié dont même le danger n'oserait trop s'approcher.
L'intrigue est bien menée, même si on comprend certaines choses bien plus vite que Jacob, qui est le narrateur de l'histoire. Le garçon est un peu naïf par moments, mais son caractère et ses relations avec les autres personnages rattrapent le coup et le rendent attachant.
Parfois violente, l'intrigue distille cette ambiance étrange et dérangeante qui s'échappe aussi des photographies. Le thème de la boucle temporelle, grâce à laquelle vivent les enfants particuliers de Miss Peregrine, nous offre des scènes très originales qui amènent à se poser des questions sur le passé, la liberté et le devoir.
Il y a, selon moi, un petit détail dans la 4e de couverture qui peut induire en erreur : " un roman fantastique qui fait réfléchir sur le nazisme, la persécution des juifs, l'enfermement et l'immortalité. ". Je me suis demandée si le nazisme était réellement un thème majeur de ce livre. Étant particulièrement friande - pardonnez-moi l'expression - de témoignages de cette époque, j'avoue m'être attendue à une réelle réflexion, comme le laisse sous-entendre le résumé.*
N'allez pas vous méprendre : de la réflexion, il y en a pléthore. Mais à la lecture, il m'est apparu que le nazisme et la persécution des juifs étaient plutôt secondaires. Certes, on retrouve le thème de la persécution (d'Abraham enfant, des enfants particuliers) et du besoin de se cacher de l'ennemi (dans la boucle), on pourrait donc induire que les ennemis de Peregrine sont, symboliquement, les nazis, et les enfants, les juifs. Pourtant, je ne l'ai ressenti " que " comme un " décor " opportun et pas une source de réflexion voulue.
Je n'ai pas encore lu le tome 2, mais il y a des chances qu'on y voit plus clair sur la véritable relation " Monstres/nazisme " : simple décor historique ou métaphore grandiose d'un tourment innommable ? Je le lis dans la foulée et vous tiens au courant !
Je vous conseille de le faire, d'autant que le livre est adapté au cinéma par un allumé mal coiffé aux idées bizarres, vous en avez peut-être entendu parler ici ou là : Tim Burton**. Sortie prévue pour le 5 octobre : plus que quelques mois pour vous immerger dans l'univers !
*Lupiot : Avec cet éclairage (partiel) et dans l'attente de news de notre lectrice-enquêtrice Bloup, on est en droit de se demander si cette 4 e n'est pas un peu racoleuse. Elle aiguille le potentiel lecteur dans une direction erronée (WWII), or, dans certains cas, ça empêche la rencontre entre le livre et son lecteur - ce qui est bien dommage. Heureusement ici, la 1 ère de couverture est tellement réussie, et si parfaitement fidèle à l'ambiance Burtonienne, fantastique et inquiétante, du roman, que le public visé ne peut pas passer à côté ! Donc malgré ce bémol, ce livre reste un objet éditorial superbe, et vraiment réussi.
**En suivant ce lien, vous tomberez sur une liste thématique " gothico-absurde " de livres à lire si vous aimez l'univers de Tim Burton.