Auteur : Nancy Huston
Editeur : Actes sud
Date de parution : avril 2016
295 pages
Voilà un roman qui ne peut pas laisser le lecteur indifférent. On aime, on adhère totalement ou pas du tout.
Roman d'anticipation ou roman dénonçant les dérives actuelles ? Un peu des deux sûrement. Le résultat est hallucinant. Original, violent, stupéfiant. Il nous emporte ou il nous noie.
J'ai été emportée, littéralement, par la langue d'abord, par les mots, par les halètements de Varian, le personnage principal, par la beauté de certaines phrases, par la cruauté de certaines autres, j'ai été emportée dans une grande vague glacée.
L'histoire ? Les histoires, plutôt... Varian est un enfant pour le moins singulier, peu viril, à la voix haut perchée, d'une intelligence extrême, vulnérable mais monstrueux de froideur.
Ce roman exploite plusieurs thèmes : l'écologie (avec les descriptions d'une terre déchiquetée par les hommes pour en extraire les ressources énergétiques), la violence inhérente à ce travail (viol des femmes, alcool, prostitution), l'humiliation et la torture dans certaines prisons...
L'autre grand intérêt de ce roman réside dans ses multiples interprétations. C'est un roman qui suscite des débats. Chaque lecteur n'a pas forcément la même lecture de ce livre. Et ça, c'est passionnant. L'auteur suggère tellement qu'elle n'apporte aucune certitude. Varian a été arrêté parce qu'on le soupçonne d'être un militant écologiste en lien avec des réseaux islamistes mais à travers les chapitres "couleurs de l'arc-en-ciel ", on soupçonne, on peut penser que ses crimes sont ailleurs... Et ces chapitres-là sont fort intéressants, ils décrivent dans un style fluide et captivant la vie des femmes arrivées dans cette région pour une raison ou pour une autre.
Ce roman est un cauchemar vivant, et ce qui est le plus inquiétant c'est qu'on sent, on sait que notre société du profit génère toute cette violence, qu'elle est là, déjà là...
C'est un livre qu'on ressent avec son corps, avec ses sens, c'est d'une grande puissance évocatrice.
" - Pour moi, avait alors répondu Luka, l'âme c'est comme le coucher de soleil. - Comment ça ? - Eh bien, du point de vue scientifique, on sait avec certitude que ça n'existe pas. Le soleil ne se lève ni ne se couche, et l'âme c'est un truc qu'au long des millénaires le cerveau humain a appris à construire, à des fins de survie. Mais, même s'ils ne sont pas réels, ils sont importants. "