" La Brigade du rire "
MORDILLAT Gérard
(Albin Michel)
Il existe trop d'affinités entre Gérard Mordillat et le Lecteur pour que ce dernier ne soit pas senti partie prenante dans un récit aux apparences " abracadabradantesques ". Une bande de copains qui se singularisèrent en leurs vertes années dans la pratique du hand-ball. Qui prennent de l'âge. Qui ne s'assagissent pas. Qui entretiennent la flamme de leur amitié. Qui restent du côté des Indignés, des Révoltés. Et qui se retrouvent, quand l'un d'entre eux, Dylan, les convie tous sans préciser les raisons de cette invitation. Dylan qui va leur suggèrer de kidnapper Pierre Ramut, journaliste vedette, rédacteur en chef d'un hebdo de quasi extrême-droite " Valeurs françaises ", hôte régulier des grands médias audiovisuels.
L'équipe acquiesce. L'équipe entre dans l'action. Le Répugnant est kidnappé puis enfermé dans un bunker. Ses ravisseurs lui imposent alors de vivre la condition ouvrière telle qu'il la conçoit, lui, le Journaliste: contrat précaire, salaire inférieur de 20% au SMIC, 48 heures de travail hebdomadaire dimanche inclus. Un job répétitif. Cadences infernales, " bac de gauche, percer, bac de droite, bac de gauche, percer, bac de droite... "
Pierre Remut finit par se soumettre. Ses proches et ses amis l'abandonnent très vite à sa triste destinée. Mort ? Enlèvement ? Disparition ? Que leur importe ! Puisque les flics n'ont aucun indice à se mettre sous la dent. Mais le jeu finira par lasser les membres de la Brigade du rire. Qui libéreront le Répugnant là où ils l'avaient kidnappé. Pierre Remut se réintroduit alors dans un monde qui l'avait oublié. Et qui n'a plus guère envie de lui.
Le Lecteur s'est beaucoup amusé, emporté dans ce récit nimbé d'humour. Avec, et en corollaire, une virulente et pertinente dénonciation/condamnation de la société qu'imposent au peuple les Maîtres du monde.
Ainsi, et par la voix de Dylan qui laisse exploser sa colère face à Ramut :! " Comment pouvez-vous dire que je vis dans un rêve et vous dans la réalité ?... Vous et tous les pseudo-économistes dans votre genre, vous avez écrit des tonnes de conneries. Vous vous êtes trompés sur tout et tout le temps, vous avez menti sans jamais le reconnaître. Vous n'avez vu venir aucune crise, aucun krach tout simplement parce que dans votre monde de rêve vous décrétez que c'est impossible ! Impossible ! Vous refusez d'observer les tares du système que vous vénérez et encore moins de réfléchir sur ses perversions à partir de données étables. Vous vous complaisez dans votre foi enfantine dans le marché et adorez comme Dieu des chimères !... "
Quelque chose d'infiniment réjouissant en ces temps de disette intellectuelle !