O Senseï (Chronique de vacances)

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « O Senseï « 

Scénario et dessin de Edouard Cour,

Public conseillé : Adultes/ Adolescents

Style : Biographie
Paru chez « Akileos », le 2 juin 2016, 18 euros,
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L’Histoire

Moriheï Ueshiba est un vieux maître de Budo. Il est atteint d’une maladie mortelle.
Ce jour-la, Ueshiba reçoit un autre maître-guerrier. Après le repas partagé en l’honneur de son hôte, Ueshiba raconte sa vie, son parcours. Il n’a plus besoin de force, n’est plus intéressé par la victoire. Pour démontrer la validité se son budo, il accepte cependant un combat contre le maître japonais… mais sans armes, en sachant que son adversaire ne retiendra pas ses coups…

Ce que j’en pense

Vous connaissez la trilogie Herakles, d’Edouard Cour ? Dans son premier récit, ce jeune auteur y racontait la “véritable histoire” du demi-dieu grecque, ses 12 travaux bien sur, mais aussi sa quête d’éternité, de sens, de vérité, dans un mélange audacieux de graphisme franco-belge, de jeux vidéo et de manga.
Après cette pépite qui a fait parlé d’elle, Edouard change de registre. Il se remet totalement en cause, abandonnant les héros et leurs aspirations divines pour nous raconter naissance de l’Aikido. C’est un revirement dingue, d’autant plus qu’Edouard change aussi de graphisme. Plus de crayonnés colorisés et “poussé” sous photoshop, mais de grands coups de pinceaux et d’encres, pour une nouvelle une approche plus réaliste, plus calme, très épurée…

Mais que raconte-il au fait ? Plutôt que de parler de techniques, de combats, Edouard se concentre sur Moriheï Ueshiba, le maître qui a inventé cet art martial. Par de multiples va-et-vients historiques, il brosse un portrait complexe et subtil d’un homme en recherche, en quête d’absolu.
Les enseignements de ses maîtres, sa maladie dévorante, ses combats, mais aussi ses erreurs, il assemble, bout par bout, le puzzle-vie de cet homme d’exception.

Au delà de la biographie, Edouard s’intéresse au sens de l’Aikido, au message de ce budo. A nul autre pareil, cet art martial n’a pas pour but d’annihiler son adversaire, mais de se servir de sa force pour l’empêcher de nuire. Cette grosse différence philosophique prend sa source dans une vision humaniste et naturelle complexe, qu’Edouard nous explique à nous, pauvres profanes.

Si vous ne l’aviez pas encore compris, j’ai été enchanté par ce nouvel album. Edouard se remet totalement en question et sort largement de sa zone de confort, en multipliant les changements de fond et de forme. Les scènes sont moins violentes, mais toujours aussi dynamiques. Ici, peu de batailles rageuses, mais un récit contemplatif qui prend son temps et explique l’inutilité du combat. Rassurez-vous, dans les rares batailles, on reconnaît sans aucun doute sa patte dynamique.

Au dessin, Edouard murit son style. Les personnages se font plus réalistes et m’ont beaucoup fait penser à un manga, surtout avec le noir et blanc systématique et l’ajout de trames.
Forme-contre-forme, vide-plein; Yin-Yang, épure-surcharge, son dessin évolue, change, s’adapte et se fait le reflet des enseignements sur le transfert d’énergie… La claque, je vous dis !

Malgré toutes ces nouveautés, j’imagine que, comme moi, les lecteurs qui ont aimé “Herakles” y trouveront leur compte. Néanmoins, si vous espérez une succession de batailles épiques, passez votre chemin. Par contre, si vous êtes capables d’entendre un message plein de compassion, tentez l’expérience d’O Senseï. Je ne connais aucun album semblable et rien que pour cela, il vaut la peine d’être lu.

Psst, avant de vous prendre pour “Karaté Kid”, fermez l’album et enlevez vos tongs…