Religion, ésotérisme, complots, secrets et révélations, ce sont désormais des ingrédients classiques pour des thrillers à succès. Mais, si Dan Brown a pris une fâcheuse habitudes de s'appuyer sur des éléments factuels assez peu crédibles, voici le premier volet d'une série qui, elle, joue une autre carte : proposer une théorie plausible autour d'événements que nous connaissons tous, qui ont marqué les esprits et leur époque et restent entourés de mystères, de rumeurs et même de théories que l'on peut qualifier de complotistes... "Le dernier pape", de Luis Miguel Rocha, vient de sortir chez Folio, tandis que deux des tomes suivants sont déjà disponibles aux éditions de l'Aube et que le dernier ne devrait pas tarder à être traduit à son tour. Hélas, cette série très intéressantes en restera là, puisque l'auteur portugais est décédé l'an passé, à 39 ans seulement. Aucun complot en vue, mais un cancer qui a emporté le romancier bien trop tôt...
Sarah Monteiro est une jeune journaliste de nationalité portugaise mais qui vit à Londres. Au retour de vacances dans son pays natal, pour aller saluer ses parents comme elle le fait au moins trois fois par an, Sarah découvre dans le courrier accumulé en son absence une enveloppe qui attire son attention.
Son expéditeur est un certain Valdemar Firenzi, nom qui lui dit quelque chose, en tout cas, en a-t-elle l'impression, sans pour autant se rappeler où elle a pu l'entendre. A l'intérieur, plusieurs pages recensant apparemment des noms accompagnés de sigles qui rendent tout cela assez peu compréhensible.
Mais, de toute manière, Sarah ne va pas vraiment avoir le temps de se pencher sur le sujet : la jeune femme est victime d'une tentative de meurtre dans son appartement, dont elle ne réchappe que miraculeusement... Un miracle qui, en fait, prend la forme d'une aide extérieure, une aide providentielle, il faut bien ça, qui lui permet de s'enfuir.
Cet allié de circonstance, elle ne va pas tarder à faire sa connaissance alors qu'elle se cache dans Londres, craignant d'être prise pour cible une nouvelle fois. Et, puisque je vous dis qu'on parle de providence, il se présente à elle sous le prénom de Rafael... Un archange gardien, rien que ça ! A croire que Sarah Monteiro est sous protection divine !
Mais, alors que l'étau se resserre, la jeune femme va voir son sauveur sous un autre angle : ce mystérieux inconnu venu à sa rescousse a des méthodes bien peu orthodoxes pour semer leurs poursuivants. Disons-le tout net : il ne recule devant rien, pas même devant une violence qui choque la jeune femme, pour parvenir, in extremis, à ses fins...
Après avoir mis Londres en alerte rouge, Rafael réussit pourtant à leur faire quitter les îles Britanniques. Commence un périple semé de dangers au cours duquel le duo va frôler la mort à de nombreuses reprises et va devoir trouver comment contrecarrer les projets de ces puissants ennemis, qui, eux non plus, ne lésinent pas sur les moyens pour les éliminer...
Mais, au fait, pourquoi tant de haine ? L'explication se trouverait-elle dans ces quelques feuilles, au milieu de ces noms, alignés les uns sous les autres ? Si Rafael ne semble s'étonner de rien, pour Sarah Monteiro, c'est le début d'une série de révélations qui vont remettre en cause non seulement sa vision du monde, mais aussi sa propre existence, pourtant si tranquille...
Volontairement, j'ai occulté un élément majeur de cette histoire. Si vous lisez la quatrième de couverture de l'édition Folio, cet événement ouvre le résumé, mais j'ai fait un choix différent, qui va me permettre de développer certains aspects de ce thriller de manière plus détaillée dans la foulée. En particulier, le choix du titre de ce billet.
Cet événement, c'est la mort, le 28 septembre 1978, en pleine nuit, d'Albino Luciani, devenu 33 jours plus tôt, seulement, le 263e Pape de l'Eglise catholique sous le nom de Jean-Paul Ier. Un décès soudain, officiellement dû à une crise cardiaque, qui, depuis, déchaîne les passions et donne lieu à toutes les théories possibles, dont celle de l'assassinat.
Luis Miguel Rocha s'empare de cette affaire et du mystère qui l'entoure encore plus de 30 ans après, pour en faire le moteur de son intrigue. Même si "le dernier pape" se déroule en 2006, tout ce qui se passe découle de cette mort, celle d'un Pape aimé des fidèles, souhaitant renouer avec les origines de l'Eglise, et en particulier, avec des vertus comme la pauvreté et la charité.
Pour les tenants de l'assassinat, c'est le mobile du crime : dans le faste du Vatican, ce retour en arrière pouvait passer mal. Mais, ce que rappelle habilement Luis Miguel Rocha, c'est que ce décès arrive aussi dans un contexte très particulier : celle des Années de plomb, pendant lesquelles l'Europe, et particulièrement l'Italie, connaît de terribles événements.
Si la mort de Jean-Paul Ier est le coeur du thriller signé par le romancier portugais, la glaise avec laquelle il façonne son intrigue, c'est bien toute cette époque. Rocha fait oeuvre de romancier, mais ce qu'il met en évidence est terriblement crédible, et même plausible. Paranos s'abstenir, tout y est pour vous pousser à vous enfermer chez vous et à jeter la clé !
Je n'entre pas dans les détails, ce serait trop en dire. La qualité du roman, c'est de revenir sur les événements, mais aussi sur les personnes qui les ont provoqués, dénoncés, dissimulés et de les donner à voir sous un angle particulier où ils seraient tous reliés... Quant aux Grands Ordonnateurs, là encore, je n'en dis rien directement, il faut découvrir les idées de Rocha à travers son livre.
Mais, comme je le disais d'entrée, le Portugais a, à mes yeux, cet avantage énorme sur Dan Brown que les faits qu'il met en avant sont avérés (même s'ils donnent lieux à des interprétations différentes), et non fantasmés ou reposant sur des légendes urbaines ou des faux. Et, forcément, cela donne au "Dernier pape" quelque chose de franchement inquiétant, presque angoissant.
Le titre de ce billet est une citation tirée du livre. Je l'ai choisie pour deux raisons : d'abord, parce que l'idée qu'il n'est pas question de religion dans cette affaire revient à plusieurs reprises dans le cours du roman. Ensuite, parce qu'elle a le mérite de mettre en lumière une bassesse toute humaine, à laquelle n'échappent pas les plus hautes autorités religieuses...
En ouverture de ce billet, j'ai placé le mot "ésotérisme", terme que le thriller a remis à la mode ces dernières années et qu'on sert parfois à toutes les sauces. Or, justement, "le dernier pape", malgré le parallèle qu'on peut faire avec d'autres séries comme celles de Dan Brown, déjà cité, ou de Ravenne et Giacometti, pour ne citer qu'eux, n'est pas un thriller ésotérique.
Au coeur de l'intrigue, il n'est pas question de foi ou de croyance, mais bien d'argent, et pas le plus proprement gagné, d'ailleurs, de pouvoir, ce pouvoir qui corrompt et fait tourner les têtes... Et c'est peut-être bien là que naît le clash, avec un Jean-Paul Ier qui n'envisageait son pontificat (dont il se serait d'ailleurs bien passé, tant il redoutait l'épreuve) que sous le signe de la foi et non de la politique et de la finance...
Bien sûr, on se doute bien que le fonctionnement du Vatican n'a rien d'une oeuvre philanthropique à but non lucratif. Mais, il y a tout de même un monde entre une prospérité de bon aloi et l'incroyable pompe à fric, puisant ses ressources jusque dans les pires activités humaines, que l'on découvre plus en détails à travers le roman.
Si les personnages centraux du roman, ceux qui évoluent en 2006 autour de Sarah et Rafael, sont évidemment des personnages de fiction (quoi que...), le roman repose aussi sur nombre de personnages ayant réellement existé, peu restant en vie au moment de la parution du roman il y a 10 ans, dans sa version originale.
Et, chose étonnante, je dois dire que ce sont ces personnages là qui m'ont paru les plus romanesques du lot, tant leur existence a de quoi excité l'imagination. Ce sont des margoulins, des êtres bien méprisables, je le précise, mais au parcours absolument incroyables. Je ne citerai ici que l'un d'entre eux, d'ailleurs homme de l'ombre et caméléons au parcours effarant : Licio Gelli.
Décédé en fin d'année dernière à 96 ans, il a vécu mille vies, trempant dans à peu près tous les scandales qu'a connus l'Italie depuis la fin de la IIe Guerre Mondiale, ainsi qu'en Amérique du Sud. Je l'évoque, car son ombre plane sur le roman, comme celle du marionnettiste faisant se mouvoir ses marionnettes en tirant sur leurs fils...
Mais, plutôt après la lecture du "Dernier pape", n'hésitez pas à aller jeter un oeil sur ses biographies en ligne, en particulier sur la fameuse encyclopédie participative, en recoupant les différentes versions, car on y découvre des détails ahurissants, comme l'existence d'un comité de soutien pour sa candidature au Prix Nobel de... Littérature !
Au-delà de l'anecdote, Licio Gelli, comme d'autres personnages réels, en particulier au sein de la Curie, le gouvernement du Vatican, apparaît comme un personnage des plus sombres et terriblement dangereux, manipulateur hors pair autant qu'il a sans doute lui-même été manipulé, allez savoir... Il y aurait sans doute de quoi écrire bien des romans et des biographies autour de ce sinistre monsieur.
Je voudrais terminer avec les deux personnages principaux, en tout cas dans sa partie fictionnelle. En commençant par Sarah. Avec ce qui lui tombe sur la tête, d'un seul coup, sans prévenir, elle mérite qu'on parle un peu d'elle. Car, la pauvre, rien ne la prédestine à se retrouver là, cible d'assassins sans pitié, au coeur d'un complot dont elle ne sait rien...
Et quand je dis qu'elle n'en sait rien, c'est à prendre presque littéralement, puisqu'elle n'était même pas née en 1978 ! Pourtant, il va vite lui falloir revenir de sa stupeur, car, autour d'elle, on se bat, on s'abat, ça flingue, ça explose et ça torture... Question de survie, il va falloir s'adapter, une fois sa première impression de peur et d'écoeurement passée.
Etant donné tout ce qu'elle va découvrir et apprendre, il y aurait de quoi s'effondrer complètement. Déstabilisée, elle tient pourtant le choc, s'accrochant à ce Rafael dont elle ne sait trop quoi penser. Puis, elle va montrer des capacités d'adaptation tout à fait surprenante, même aux yeux de son protecteur.
Sans devenir une super-héroïne accomplie et transformée en machine de guerre, elle va montrer non seulement du caractère, mais aussi du sang-froid, de l'à-propos et une ruse qui sont des armes pleines de finesse dans ce monde de brutes où elle se retrouve projetée. Je dois dire que je suis curieux de la retrouver dans les prochains tomes, pour voir comment elle évolue.
Je serai plus bref sur Rafael, et pour cause. Sauveur et allié, c'est un personnage auréolé de mystère et même, disons-le, assez trouble. Longtemps, on se demande sur quel pied danser avec lui : ami ou ennemi, gentil ou méchant ? Dans cet univers si spécial où il semble difficile de se fier à qui que ce soit, Rafael n'échappe pas à la règle.
On s'en doute, à moins que Rocha décide de conserver le mystère, comme il le fait avec un des autres personnages-clés de ce livre, connaître mieux Rafael devrait être un des enjeux de l'intrigue. Mais, il n'en reste pas moins un personnage assez curieux, tour à tour sympathique ou impitoyable, énigmatique ou bienveillant, redoutable combattant possédant un côté jusqu'au-boutiste parfois inquiétant...
"Le dernier pape" est un thriller ultra-efficace, sans temps mort et proposant, je le répète, une interprétation des faits qui est passionnante. A chacun d'y adhérer ou de garder le filtre de la fiction, Rocha laissant en suspens quelques zones d'ombre. Pour le reste, la narration est parfois un peu étrange, comme si le lecteur était assis au coin du feu écoutant un narrateur, à la veillée.
Luis Miguel Rocha (traduit par Vincent Gorse) utilise parfois quelques tournures assez bizarres et pas forcément très utiles, un peu agaçantes, même, qui donnent l'impression d'une narration extérieure au récit, presque comme le commentateur d'un film. Voudrait-il suggérer que ce narrateur se trouve au-dessus de toutes ces contingences bien humaines ? Difficile à dire, mais faire simple, en thriller, c'est plutôt une base.
Un simple bémol au coeur d'une lecture agréable, qui ne révolutionne pas le genre mais donne tout de même à réfléchir. Et nous rappelle que le monde, de tous temps, a été aux prises avec des hydres ne lui voulant pas que du bien et que, si certaines ont été abattues, d'autres sont en sommeil ou alors encore en action, dans la plus grande discrétion...
Je vous l'ai dit : paranos, s'abstenir !
Sarah Monteiro est une jeune journaliste de nationalité portugaise mais qui vit à Londres. Au retour de vacances dans son pays natal, pour aller saluer ses parents comme elle le fait au moins trois fois par an, Sarah découvre dans le courrier accumulé en son absence une enveloppe qui attire son attention.
Son expéditeur est un certain Valdemar Firenzi, nom qui lui dit quelque chose, en tout cas, en a-t-elle l'impression, sans pour autant se rappeler où elle a pu l'entendre. A l'intérieur, plusieurs pages recensant apparemment des noms accompagnés de sigles qui rendent tout cela assez peu compréhensible.
Mais, de toute manière, Sarah ne va pas vraiment avoir le temps de se pencher sur le sujet : la jeune femme est victime d'une tentative de meurtre dans son appartement, dont elle ne réchappe que miraculeusement... Un miracle qui, en fait, prend la forme d'une aide extérieure, une aide providentielle, il faut bien ça, qui lui permet de s'enfuir.
Cet allié de circonstance, elle ne va pas tarder à faire sa connaissance alors qu'elle se cache dans Londres, craignant d'être prise pour cible une nouvelle fois. Et, puisque je vous dis qu'on parle de providence, il se présente à elle sous le prénom de Rafael... Un archange gardien, rien que ça ! A croire que Sarah Monteiro est sous protection divine !
Mais, alors que l'étau se resserre, la jeune femme va voir son sauveur sous un autre angle : ce mystérieux inconnu venu à sa rescousse a des méthodes bien peu orthodoxes pour semer leurs poursuivants. Disons-le tout net : il ne recule devant rien, pas même devant une violence qui choque la jeune femme, pour parvenir, in extremis, à ses fins...
Après avoir mis Londres en alerte rouge, Rafael réussit pourtant à leur faire quitter les îles Britanniques. Commence un périple semé de dangers au cours duquel le duo va frôler la mort à de nombreuses reprises et va devoir trouver comment contrecarrer les projets de ces puissants ennemis, qui, eux non plus, ne lésinent pas sur les moyens pour les éliminer...
Mais, au fait, pourquoi tant de haine ? L'explication se trouverait-elle dans ces quelques feuilles, au milieu de ces noms, alignés les uns sous les autres ? Si Rafael ne semble s'étonner de rien, pour Sarah Monteiro, c'est le début d'une série de révélations qui vont remettre en cause non seulement sa vision du monde, mais aussi sa propre existence, pourtant si tranquille...
Volontairement, j'ai occulté un élément majeur de cette histoire. Si vous lisez la quatrième de couverture de l'édition Folio, cet événement ouvre le résumé, mais j'ai fait un choix différent, qui va me permettre de développer certains aspects de ce thriller de manière plus détaillée dans la foulée. En particulier, le choix du titre de ce billet.
Cet événement, c'est la mort, le 28 septembre 1978, en pleine nuit, d'Albino Luciani, devenu 33 jours plus tôt, seulement, le 263e Pape de l'Eglise catholique sous le nom de Jean-Paul Ier. Un décès soudain, officiellement dû à une crise cardiaque, qui, depuis, déchaîne les passions et donne lieu à toutes les théories possibles, dont celle de l'assassinat.
Luis Miguel Rocha s'empare de cette affaire et du mystère qui l'entoure encore plus de 30 ans après, pour en faire le moteur de son intrigue. Même si "le dernier pape" se déroule en 2006, tout ce qui se passe découle de cette mort, celle d'un Pape aimé des fidèles, souhaitant renouer avec les origines de l'Eglise, et en particulier, avec des vertus comme la pauvreté et la charité.
Pour les tenants de l'assassinat, c'est le mobile du crime : dans le faste du Vatican, ce retour en arrière pouvait passer mal. Mais, ce que rappelle habilement Luis Miguel Rocha, c'est que ce décès arrive aussi dans un contexte très particulier : celle des Années de plomb, pendant lesquelles l'Europe, et particulièrement l'Italie, connaît de terribles événements.
Si la mort de Jean-Paul Ier est le coeur du thriller signé par le romancier portugais, la glaise avec laquelle il façonne son intrigue, c'est bien toute cette époque. Rocha fait oeuvre de romancier, mais ce qu'il met en évidence est terriblement crédible, et même plausible. Paranos s'abstenir, tout y est pour vous pousser à vous enfermer chez vous et à jeter la clé !
Je n'entre pas dans les détails, ce serait trop en dire. La qualité du roman, c'est de revenir sur les événements, mais aussi sur les personnes qui les ont provoqués, dénoncés, dissimulés et de les donner à voir sous un angle particulier où ils seraient tous reliés... Quant aux Grands Ordonnateurs, là encore, je n'en dis rien directement, il faut découvrir les idées de Rocha à travers son livre.
Mais, comme je le disais d'entrée, le Portugais a, à mes yeux, cet avantage énorme sur Dan Brown que les faits qu'il met en avant sont avérés (même s'ils donnent lieux à des interprétations différentes), et non fantasmés ou reposant sur des légendes urbaines ou des faux. Et, forcément, cela donne au "Dernier pape" quelque chose de franchement inquiétant, presque angoissant.
Le titre de ce billet est une citation tirée du livre. Je l'ai choisie pour deux raisons : d'abord, parce que l'idée qu'il n'est pas question de religion dans cette affaire revient à plusieurs reprises dans le cours du roman. Ensuite, parce qu'elle a le mérite de mettre en lumière une bassesse toute humaine, à laquelle n'échappent pas les plus hautes autorités religieuses...
En ouverture de ce billet, j'ai placé le mot "ésotérisme", terme que le thriller a remis à la mode ces dernières années et qu'on sert parfois à toutes les sauces. Or, justement, "le dernier pape", malgré le parallèle qu'on peut faire avec d'autres séries comme celles de Dan Brown, déjà cité, ou de Ravenne et Giacometti, pour ne citer qu'eux, n'est pas un thriller ésotérique.
Au coeur de l'intrigue, il n'est pas question de foi ou de croyance, mais bien d'argent, et pas le plus proprement gagné, d'ailleurs, de pouvoir, ce pouvoir qui corrompt et fait tourner les têtes... Et c'est peut-être bien là que naît le clash, avec un Jean-Paul Ier qui n'envisageait son pontificat (dont il se serait d'ailleurs bien passé, tant il redoutait l'épreuve) que sous le signe de la foi et non de la politique et de la finance...
Bien sûr, on se doute bien que le fonctionnement du Vatican n'a rien d'une oeuvre philanthropique à but non lucratif. Mais, il y a tout de même un monde entre une prospérité de bon aloi et l'incroyable pompe à fric, puisant ses ressources jusque dans les pires activités humaines, que l'on découvre plus en détails à travers le roman.
Si les personnages centraux du roman, ceux qui évoluent en 2006 autour de Sarah et Rafael, sont évidemment des personnages de fiction (quoi que...), le roman repose aussi sur nombre de personnages ayant réellement existé, peu restant en vie au moment de la parution du roman il y a 10 ans, dans sa version originale.
Et, chose étonnante, je dois dire que ce sont ces personnages là qui m'ont paru les plus romanesques du lot, tant leur existence a de quoi excité l'imagination. Ce sont des margoulins, des êtres bien méprisables, je le précise, mais au parcours absolument incroyables. Je ne citerai ici que l'un d'entre eux, d'ailleurs homme de l'ombre et caméléons au parcours effarant : Licio Gelli.
Décédé en fin d'année dernière à 96 ans, il a vécu mille vies, trempant dans à peu près tous les scandales qu'a connus l'Italie depuis la fin de la IIe Guerre Mondiale, ainsi qu'en Amérique du Sud. Je l'évoque, car son ombre plane sur le roman, comme celle du marionnettiste faisant se mouvoir ses marionnettes en tirant sur leurs fils...
Mais, plutôt après la lecture du "Dernier pape", n'hésitez pas à aller jeter un oeil sur ses biographies en ligne, en particulier sur la fameuse encyclopédie participative, en recoupant les différentes versions, car on y découvre des détails ahurissants, comme l'existence d'un comité de soutien pour sa candidature au Prix Nobel de... Littérature !
Au-delà de l'anecdote, Licio Gelli, comme d'autres personnages réels, en particulier au sein de la Curie, le gouvernement du Vatican, apparaît comme un personnage des plus sombres et terriblement dangereux, manipulateur hors pair autant qu'il a sans doute lui-même été manipulé, allez savoir... Il y aurait sans doute de quoi écrire bien des romans et des biographies autour de ce sinistre monsieur.
Je voudrais terminer avec les deux personnages principaux, en tout cas dans sa partie fictionnelle. En commençant par Sarah. Avec ce qui lui tombe sur la tête, d'un seul coup, sans prévenir, elle mérite qu'on parle un peu d'elle. Car, la pauvre, rien ne la prédestine à se retrouver là, cible d'assassins sans pitié, au coeur d'un complot dont elle ne sait rien...
Et quand je dis qu'elle n'en sait rien, c'est à prendre presque littéralement, puisqu'elle n'était même pas née en 1978 ! Pourtant, il va vite lui falloir revenir de sa stupeur, car, autour d'elle, on se bat, on s'abat, ça flingue, ça explose et ça torture... Question de survie, il va falloir s'adapter, une fois sa première impression de peur et d'écoeurement passée.
Etant donné tout ce qu'elle va découvrir et apprendre, il y aurait de quoi s'effondrer complètement. Déstabilisée, elle tient pourtant le choc, s'accrochant à ce Rafael dont elle ne sait trop quoi penser. Puis, elle va montrer des capacités d'adaptation tout à fait surprenante, même aux yeux de son protecteur.
Sans devenir une super-héroïne accomplie et transformée en machine de guerre, elle va montrer non seulement du caractère, mais aussi du sang-froid, de l'à-propos et une ruse qui sont des armes pleines de finesse dans ce monde de brutes où elle se retrouve projetée. Je dois dire que je suis curieux de la retrouver dans les prochains tomes, pour voir comment elle évolue.
Je serai plus bref sur Rafael, et pour cause. Sauveur et allié, c'est un personnage auréolé de mystère et même, disons-le, assez trouble. Longtemps, on se demande sur quel pied danser avec lui : ami ou ennemi, gentil ou méchant ? Dans cet univers si spécial où il semble difficile de se fier à qui que ce soit, Rafael n'échappe pas à la règle.
On s'en doute, à moins que Rocha décide de conserver le mystère, comme il le fait avec un des autres personnages-clés de ce livre, connaître mieux Rafael devrait être un des enjeux de l'intrigue. Mais, il n'en reste pas moins un personnage assez curieux, tour à tour sympathique ou impitoyable, énigmatique ou bienveillant, redoutable combattant possédant un côté jusqu'au-boutiste parfois inquiétant...
"Le dernier pape" est un thriller ultra-efficace, sans temps mort et proposant, je le répète, une interprétation des faits qui est passionnante. A chacun d'y adhérer ou de garder le filtre de la fiction, Rocha laissant en suspens quelques zones d'ombre. Pour le reste, la narration est parfois un peu étrange, comme si le lecteur était assis au coin du feu écoutant un narrateur, à la veillée.
Luis Miguel Rocha (traduit par Vincent Gorse) utilise parfois quelques tournures assez bizarres et pas forcément très utiles, un peu agaçantes, même, qui donnent l'impression d'une narration extérieure au récit, presque comme le commentateur d'un film. Voudrait-il suggérer que ce narrateur se trouve au-dessus de toutes ces contingences bien humaines ? Difficile à dire, mais faire simple, en thriller, c'est plutôt une base.
Un simple bémol au coeur d'une lecture agréable, qui ne révolutionne pas le genre mais donne tout de même à réfléchir. Et nous rappelle que le monde, de tous temps, a été aux prises avec des hydres ne lui voulant pas que du bien et que, si certaines ont été abattues, d'autres sont en sommeil ou alors encore en action, dans la plus grande discrétion...
Je vous l'ai dit : paranos, s'abstenir !