« Rose Madder » de Stephen King

Retour chez l’antiquaire…

Moi (regardant avec attention un tableau et murmurant): Comme c’est bizarre… On dirait…
Chéri (sur le même ton, en le contemplant): Oui… On dirait…
L’antiquaire (hochant la tête): Oui, c’est bien une copie du tableau « Gladys » de Phoebe Buffet dans « Friends ».
Moi (tout contente, tapant dans mes mains): On l’achète !
Chéri (se mettant entre le tableau et moi, puis sur un ton catégorique): Non, non, non ! Je ne veux pas de ce… Machin chez nous !
Moi (avec un petit sourire): Mais non, ce n’est pas pour nous… Ce sera le cadeau de l’admirateur secret pour la fête d’anniversaire de ma patronne, demain soir… J’en ris d’avance…
L’antiquaire (prenant le tableau tout en marmonnant): J’ai intérêt à ne pas y glisser une carte de visite.

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AUTEUR: Stephen King
TITRE: ROSE MADDER
EDITEUR, ANNEE: J’ai Lu, 1995
NOMBRE DE PAGES: 603 pages

Si vous ne connaissez pas le tableau « Gladys » de Phoebe Buffet dans « Friends », je vous invite vivement à chercher sur Google et vous comprendrez la réaction de Chéri. Plus flippant, je ne pense pas que ce soit possible !

Dans cette chronique, je vais partager avec vous un autre livre de Stephen King qui m’a aussi beaucoup marquée. Alors que « Le talisman » m’a fait vivre une aventure qui restera à jamais dans ma mémoire, le roman que je vais vous parler  m’a troublée profondément. Je ne me doutais pas que ce livre allait me pousser à certaines réflexions et à faire un choix. Voici « Rose Madder » de Stephen King.

RÉSUMÉ:

« Quatorze ans de mariage, quatorze ans de mauvais traitements : toute la vie de Rosie. Un enfer ! Doublé d’une obsession : fuir son tortionnaire de mari, flic jaloux, bourreau sadique, prêt à la massacrer à la première occasion. 900 kilomètres suffiront-ils à la préserver de Norman ? Qui donc pourrait lui venir en aide ? Personne en ce monde. Mais il existe un autre monde. Celui de Rose Madder. Cette femme n’est peut-être qu’un personnage de tableau, une hallucination. Elle possède pourtant un pouvoir étrange. Un pouvoir dont Rosie pourrait profiter. À moins qu’en traversant la toile, elle ne déchaîne l’apocalypse…
Après Jessie et Christine, le plus génial explorateur des zones obscures de notre inconscient se glisse une fois encore dans la peau d’une femme à l’âme fêlée, habitée par la peur. Cette peur qui conduit aux actes les plus fous, aux passions les plus noires. »

Participant au Challenge « Master King » organisé par Lueurs-mortes et dont j’ai vu la présentation sur Livraddict, j’ai choisi pour la décennie 1990-2000, « Rose Madder».

Rose Madder… Ce livre, après l’avoir fini une première fois, je n’ai pas pu m’empêcher de relire certains passages avec attention. Puis je le reposais dans ma bibliothèque pour recommencer la lecture une ou deux semaines après. Sur le coup, je ne comprenais pas cette obsession pour ce roman. Le personnage de Rosie me subjuguait totalement jusqu’à ce que je comprenne pourquoi…

Rosie regarde avec insistance la petite tache de sang présente sur un des draps du lit. Il a sûrement dû couler de son nez cette nuit. Il suffirait simplement de changer les draps. Oui, simplement changer et reprendre sa routine jusqu’au retour de Norman, son mari. Laissez cette torpeur familière l’envahir. Mais elle ne peut pas… 14 ans…14 ans à vivre en enfer auprès de cet homme sadique et subir « ces petites discussions entre quat’zyeux ».

-« Si ça continue comme ça, il me tuera » (page 31)

Rosie décide de fuir cette maison et son conjoint avant que la peur ne la paralyse et qu’elle retombe dans sa torpeur. Cette jeune femme apeurée va puiser dans sa colère latente et son désir de tout quitter pour avancer dans le monde extérieur qui lui est devenu totalement inconnu. Mais Norman ne peut pas accepter cela. Elle a osé quitter leur foyer et voler sa carte bancaire. Elle l’a désobéi. Mais il va la retrouver et avoir une conversation avec elle… Entre quat’zyeux.
A travers le symbole du labyrinthe, tant au sens propre qu’au figuré, Rosie devra parcourir de nombreux chemins avant d’accéder à une pleine liberté tout en évitant Norman, dont ses pas semblent s’approcher de plus en plus des siens.

À partir de cet événement, la narration va se diviser entre ces deux protagonistes. Alors que l’un essaye de retrouver une vie normale et sa liberté, l’autre part à sa recherche laissant la folie l’envahir complètement. Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas lâché ce roman, tout en étant prise par des sentiments assez forts.

J’avais mal pour Rosie et mal pour tout ce qu’elle a vécu. Lorsque une brève étincelle de colère la sortit de sa torpeur pour enfin fuir de ce lieu, je l’encourageais intérieurement à continuer d’avancer malgré que sa peur lui dictait de rentrer. Au fil des pages, j’ai regardé cette femme craintive devenir une personne forte et prête à se battre et ne plus courber l’échine. Pour Norman, je n’avais que colère et mépris. Stephen King nous livre ici un antagoniste des plus effrayants se cachant sous l’image d’un super policier et héros local médaillé. Nous avons là des personnages fort bien développés dont la plume de l’auteur nous plonge, sans aucune retenue, dans leurs psychés. Et tout au long d’un chassé-croisé haletant, la tension montera pour finir dans un dénouement plein de symbolisme.

Et sur ces derniers mots, je vais venir sur le point qui divise les lecteurs: la présence du tableau. Beaucoup de personnes n’ont pas vu l’utilité de cet objet qui apporte une part de fantastique dans un récit qui se suffisait à lui-même. D’autres leur ont répondu qu’au contraire, le tableau a un rôle essentiel.

Et je suis d’accord avec le deuxième avis. Ce tableau est très important. Sans rentrer dans les détails, il illustre à travers de nombreux symboles antiques, la vie de Rosie: sa jeunesse, son mariage et ses sentiments. Mais pour moi, elle personnifie surtout sa colère. Durant 14 ans, elle a subi les coups de son mari, occultant ses sentiments pour ne plus rien sentir. Mais cette goutte de sang a suffi pour éveiller cette colère qu’elle couve depuis de longues années. A travers les différents événements qu’elle va vivre à travers ce tableau et son importance dans le dénouement, je n’ai pu m’empêcher d’avoir des frissons. Sur le coup, je pensais être prise par l’ambiance du roman. C’était le cas bien sûr. Mais à la fin du livre, je me suis sentie… Bizarre.

Comme je l’ai dit plus haut, j’ai relu plusieurs fois le livre pour en comprendre la raison. Puis j’ai saisi. Stephen King traite d’un des gros problèmes de notre société, les femmes battues, à travers l’histoire de Rosie. Il a su mettre des mots sur l’enfer que vivent ces femmes et la force et le courage  qu’elles puisent en elles pour pouvoir se relever et ne plus se sentir brisées. Mais l’autre sujet qui s’entremêle à ce thème, c’est la colère. Ce sentiment qui a force de la contenir peut devenir un poison, qui conduit à la rage… Voir à la folie. Lorsque je l’ai compris, j’ai lâché mon roman et je suis restée pensive un instant.

Dans ma chronique « La nuit des enfants rois », je soulignais « de ne plus couvrir cette colère en moi pour comprendre ces jeunes protagonistes ». Pour « Rose Madder », elle était là. Plus jeune, je gardais mes sentiments. Je ne dévoilais pas ma colère. Je la conservais au fond de moi. Et elle grandissait, grandissait… Parfois, pour une chose futile, je la sentais sur le point d’exploser, mais je la retenais. En lisant « Rose Madder » et voyant Rosie comment elle a réagi face à la sienne, j’ai décidé que la mienne ne saura pas non plus un « poison ». Voilà pourquoi j’aime ce roman qui m’a autant marqué que le « Talisman ».

CONCLUSION:

Rose Madder fait partie de ces livres qui ont eu un énorme impact sur ma vie. Il est clair et dieu merci, que je n’ai pas vécu la même chose que Rosie. Mais je comprenais son sentiment de satisfaction quand sa colère se libérer et sa peur qu’elle puisse en devenir la marionnette.

Rosie, « La vraie Rosie » comme elle le dit, est un des personnages féminins auxquels j’ai ressenti une très grande empathie au point de me pousser à certaines réflexions. Stephen King m’a fait frissonner, voyager, rire, pleurer… Mais je ne pensais pas qu’il aurait eu un tel impact sur l’adolescente que j’étais.

Je vous invite vraiment à découvrir ce roman où l’auteur y glisse de nombreux symboles donc chaque lecteur aura sa propre interprétation.