Interview M.I.A – Quatrième Partie

Par Jonattend

Première Partie

Deuxième Partie

Troisième Partie

Pour cette dernière semaine, Hélène nous parlera de la dernière trilogie de M.I.A, Les Affligés. (Je vous rappelle que Sébastien n’était pas disponible pour répondre aux questions, c’est donc Hélène, avec son accord qui s’en est chargé depuis le début du mois.)

1. Pourriez-vous dans un premier temps nous présenter votre dernière saga ?
Alors, il s’agit cette fois d’une trilogie de Fantasy (dark fantasy, pour être précise), située dans un monde imaginaire, mais très proche de notre monde normal à l’époque moyenâgeuse, malgré la présence d’éléments magiques ou inexplicables.
Nos thèmes de prédilection y sont abordés : politique, société, gestion du pouvoir, avenir de l’homme, place de l’individu au sein des enjeux collectifs, etc.

2. Pourquoi avoir choisi la Fantasy pour cette nouvelle trilogie ?
Alors, pour faire simple, je vous propose de vous référer à cet article dans lequel j’ai expliqué notre choix, car ma réponse ici va sinon être d’une longueur intolérable !  http://leblogmia.com/pourquoi-le-choix-de-la-fantasy-pour-les-affliges/

3. A-t-elle été plus compliquée à écrire et l’avez-vous abordée comme vos précédents romans ?
« La Faille » (et ses trois époques) avait déjà été un gros travail de préparation, principalement pour des questions de script et de temporalité, et nous pensions que rien ne pourrait être pire. Nous nous trompions…
Avec ses douze personnages principaux, ses six régions, son système d’archives dans le volume 1, sa gestion des flash-back dans les volumes 2 et 3, l’équilibre des guildes et des familles de Don, et j’en passe… « Les Affligés » est largement au-dessus de « La Faille » en termes de difficulté de préparation.
La trilogie précédente avait nécessité un gros fichier Excel à 6 onglets, nous sommes à 13 pour celleci, si je dois résumer cela. ^_^

4. Comme je l’avais abordé dans ma chronique, j’aime beaucoup le fait que cette histoire ne parle que d’humains (même si certains possèdent le Don). Pourquoi ce choix ?
Parce qu’il y a déjà des tas de livres (dont des très bons, d’ailleurs !) qui parlent d’orques, de gobelins, de trolls ou de dragons. Pourquoi suivre des chemins déjà tracés ?
Ce qui nous intéresse avant tout, c’est l’humain, sous toutes ses formes. Ses angoisses, ses dérives, ses convictions, ses erreurs et ce qu’il est capable de faire dans un monde à la dérive, quand il doit affronter ses propres démons ou ceux des autres.
Tous nos livres abordent des thèmes directement liés à l’état du monde réel et les détournent pour servir des intrigues et des genres différents à chaque fois. C’est sans doute pour cette raison que nos lecteurs nous disent toujours, quel que soit le titre qu’ils viennent de lire : « ah oui, on sent que c’est du M.I.A ».

5. En parlant des personnages, il y en a quand même beaucoup dans cette saga, a-t-il été difficile de tous les développer et lequel est votre préféré ?
En tout, la trilogie présente douze personnages principaux et une dizaine de personnages importants qui apparaissent au moins dans l’un des trois volumes, tout aussi essentiels pour l’intrigue.
Un tiers de notre préparation a donc consisté à nous focaliser uniquement sur eux, dans le moindre détail, pour que leur psychologie et biographie soit limpide à nos propres yeux, avant même d’écrire la moindre ligne. Comme nous le faisons toujours, nous nous assurons que nous les connaissons par cœur, afin de pouvoir les placer ensuite dans n’importe quelle situation.
Comme nous allions avoir de nombreuses interactions avec le passé de chacun (via les archives et les flash-back de début de chapitre), il fallait que tout soit détaillé en amont de la rédaction du premier volume, car toute l’intrigue repose avant tout sur eux, bien sûr, et qu’il est hors de question d’improviser quoi que ce soit dans une création de ce type.
Cette préparation a été longue, mais pas difficile, dans le sens où nous savions précisément ce qu’il nous fallait pour servir l’histoire, dès le début : des personnages tous très différents, malgré quelques points communs relatifs à leur guilde d’appartenance, et une situation initiale très variable. L’arc de progression de chacun a été établi dès la préparation globale, lui aussi.
Si l’on considère les douze héros principaux, nous avons donc une amplitude d’âge qui va de 9 à plus de 70 ans, des jumeaux, un nain, deux personnages dépourvus de Don, un père de famille, une orpheline, une femme garde du corps, etc. Certains ont été plus gâtés par la vie que d’autres, certains embrassent leur condition sans problème quand d’autres lui sont hostiles, certains sont sympathiques et d’autres le sont moins, tous n’ont pas le même rapport à la violence, au sort du pays, etc.
Je crois que nous avons tous deux une préférence fluctuante pour tel ou tel personnage, selon le moment de l’histoire. Apis et Naryë étaient peut-être nos personnages favoris au début du récit, mais aujourd’hui j’ai une affection particulière pour Gilar, par exemple, car nous lui avons donné des traits de caractère et un comportement qui sont voués à gagner en maturité et en courage au fil des tomes, malgré son égoïsme naturel dont les causes se révèlent peu à peu. Caradog est aussi un personnage dont l’évolution est fascinante, quand on regarde la première scène où il apparaît (sur l’île de Rochenoire), alors que nous savons exactement quel rôle il jouera à la fin du volume 3.
En vérité, je les aime tous, et je pense pouvoir répondre pour Seb en disant qu’il partage mon avis.

6. Et pour les différents « paysages » et lieux, comment procédez-vous pour leurs créations ?
Nous les avons tous créés en amont, avant l’écriture du volume 1, en bâtissant ce que le monde de Dor-Thimlin devait être pour justifier l’existence des guildes et des différentes familles de Don : cinq régions habitées très différentes et une région « Interdite » totalement hostile. Les décors ont découlé naturellement des besoins de l’histoire (politiques, sociaux, économiques, etc.) et inversement, en tenant compte de la rupture provoquée par l’arrivée des « temps sombres », un siècle avant le début du récit.
Détailler le climat, le relief, la végétation s’est fait en même temps que tout le reste, d’où la préparation par onglet dans un fichier Excel. Un jour, nous partagerons peut-être ce document, que nos lecteurs voient comment tout ça s’est élaboré…

7. On retrouve beaucoup de clins d’œil à d’autres univers de Fantasy, quels sont vos romans et auteurs favoris dans le genre ?
Évidemment, je mentirais si je ne parlais pas de Tolkien, de George R. R. Martin ou de Robin Hobb, que j’aime beaucoup. Mais comme il s’agit d’un genre de littérature que Seb ne connaissait absolument pas au moment du choix de notre futur projet, les risques d’emprunt ont été très réduits, car nous ne risquions pas d’être conjointement influencés par le contenu de ces livres ou par des « codes » déjà utilisés par d’autres.
En fait, le choix de ce genre est vraiment parti de mon affection pour l’univers Donjons & Dragons dans les jeux, plus que d’un livre en particulier (je parle de mon amour pour le jeu vidéo dans l’article cité plus haut), avec des influences très vastes qui reposent sur plus de vingt ans de pratique assidue dans de multiples catégories.
En avril 2015, j’ai commencé à jouer à Guild Wars 2, l’un des rares jeux vidéo de type MMROPG que je n’avais pas encore testés (j’y joue toujours actuellement, il est remarquable). L’envie d’inscrire la future trilogie M.I.A dans une ambiance empruntée à ce jeu a été le facteur déclencheur principal et de nombreux clins d’œil à GW2 sont présents dans la trilogie, afin de faire plaisir à mes propres copains de guilde.
Seb, pour sa part, a eu un rôle particulier dans cette préparation, puisqu’il apportait une forme de « naïveté » relative au genre et ne s’imposait aucune limite ou censure dans ses idées, ce que j’aurais peut-être fait de mon côté, en étant trop imprégnée par l’univers de la Fantasy. Parfois, je lui ai répondu « non, ça, c’est vraiment incompatible avec le genre » ou « ah, génial, voilà une façon originale de répondre à telle problématique, ça change de ce qu’on voit habituellement ».
Donc, en résumé, beaucoup d’œuvres favorites dans ce domaine, mais pas nécessairement ou principalement des livres, loin de là. Un lecteur a commenté le volume 1 en disant « Les amateurs d’ouvrages de Science-Fiction ou de Fantasy un peu anciens ne pourront s’empêcher de penser à certaines œuvres publiées à partir de 1972 par Marion Zimmer-Bradley ». J’ai trouvé ça intrigant (car je n’ai pas lu la série de livres dont il parle) et très élogieux. Je vais la lire prochainement, pour comprendre, mais pas avant d’avoir fini l’écriture du volume 3, afin d’éviter tout risque d’influence.

8. N’avez-vous jamais eu peur de perdre des lecteurs en changeant de genre ?
C’est un risque, mais il en vaut la peine. Je n’ai jamais bien compris les auteurs qui passent leur vie à s’inscrire dans un genre unique, ce qui fait que tous leurs livres finissent un jour par se ressembler un peu. Plus que le genre, je crois que c’est le thème qui crée la fidélité des lecteurs (vous qui avez suivi nos formations TutoBar, Jonathan, vous devez savoir qu’il ne s’agit pas du tout de la même chose !  ).
Les lecteurs de M.I.A savent que nous abordons systématiquement des sujets qui dérangent ou qui n’ont rien de gai, que nous avons horreur des jolies fins où tout le monde est heureux dans le meilleur des mondes, et que nous aimons appuyer là où ça démange déjà un peu.
Nos thèmes principaux restent cohérents d’un livre à l’autre, à des degrés divers : pouvoir, vengeance, quête désespérée, intolérance, cruauté, résistance, rébellion, etc.
Le genre dans lequel nous les développons change afin de nous permettre une mise en scène et une plume différentes à chaque fois, avec des contraintes de style que nous nous imposons volontairement pour ne pas tomber dans la facilité et la routine.
Il serait quand même dommage qu’on se limite nous-mêmes, si l’on a des histoires à raconter, non ?

9. Il est peut-être un peu tôt pour en parler, mais avez-vous déjà une idée de votre futur roman ou saga après les Affligés ? Ce sera d’ailleurs votre dixième roman si je ne me trompe pas, bravo à vous !
Oui, nous avons déjà une liste de projets en attente, bien sûr.
Mais nous pratiquons l’alternance pour la décision finale et c’est Seb qui aura le dernier mot pour le choix suivant, en sachant que nous sommes d’accord pour un pur polar, a priori.
Par la suite, une seconde trilogie parallèle à celle des Affligés verra peut-être le jour, c’est prévu depuis le début, mais c’est encore incertain et à trancher. Le projet le plus « irrésistible » à nos yeux sera celui pour lequel nous opterons en octobre prochain.
Dans tous les cas, il est prévu que nous suivions notre rythme habituel de deux livres par an, avec effectivement un dixième opus en juin 2017. Nous sommes fiers et heureux de ce parcours, oui !